Il y a peu d'années une
galerie d'arts de Saint-Germain-des-Près exposait les œuvres d'un
truculent artiste japonais dont je n'ai pas retenu le nom. J'y
remarquais un point original dans sa présentation sous forme
d'interview. Cet artiste déclarait compter, au nombre de ses
activités préférées : « dormir ». En général
personne n'ose se vanter d'aimer dormir, paresser, ne rien faire.
Pourtant quantité de personnes aiment dormir, paresser, ne rien
faire. Et pourquoi elles n'en parlent pas ? Parce que nous vivons
sous le règne du « travail ». C'est-à-dire qu'est
vanté la vertu du travail en soi sans se préoccuper forcément de savoir à
quoi il sert. Ainsi on voit proclamer que : « le travail
ennoblit l'homme. » Diable ! On a coupé la tête des nobles et
voilà la noblesse appelée au secours du travail ! On voit également
affirmer couramment que le travail est la raison d'être,
pratiquement la justification de vivre de chacun de nous. Quand au
« non travail » c'est l'horreur ! « Paresseux »
et « feignant » sont des injures. Et la paresse serait
soi-disant « la mère de tous les vices ». Alors qu'il
existe des paresseux vertueux et des vicieux bosseurs. Quelle est la
raison de ce culte du travail pour le travail, de l'effort pour
l'effort, et de cette haine officielle du repos et de la douceur des
draps de son lit le matin vers midi quand on est dedans depuis la
veille au soir ?
La raison de ce culte est
que ce n'est pas le travail qui est encensé, mais autre chose
derrière ce mot. Par le travail on va dominer la Nature ou les
hommes si on les commande à cette occasion. C'est en fait le
pouvoir qui est vanté derrière le « travail ».
Le pouvoir qui est l'obsession numéro un des hommes. Et cette
obsession est sans limites et sans logique. Aujourd'hui ce n'est pas
la recherche de la richesse qui guide le monde, mais la recherche du
pouvoir qu'est sensé offrir la disposition de cette richesse. Et
comme la fringale de pouvoir est impossible à rassasier, la
recherche de richesses est sans limites. Et aussi le discours en
faveur du travail en fait l'apologie sans se poser la question quand
le travail est là de savoir à quoi il sert.
Avec la destruction de
l'environnement entamée depuis longtemps et à grande échelle par
les humains, le travail bien souvent ne crée pas de richesses, mais
surtout détruit celles de la Nature.
Quand j'étais petit, au
début des années 1960, un ouvrage illustré que j'ai feuilleté
mentionnait : « Les richesses inépuisables de la mer. »
On en est revenu depuis !
Les candidats aux
élections n'ont bien souvent que le mot « productivité »
à la bouche. Créer « des centaines de milliers d'emplois »,
« devenir la première puissance économique d'Europe »,
etc. Plutôt que de parler de « productivité » nous
devrions parler ici de « destructivité ». Travailler
pour travailler, faire des efforts pour faire des efforts, détruire
pour détruire.
Et si au lieu de parler
de « produire d'abord » on se posait plutôt la question
de « vivre d'abord » ? Et si la douceur de vivre était
le plus raisonnable de nos objectifs ? Mais pour ça il faudrait
notamment réduire largement le temps de travail, la productivité
ayant beaucoup augmentée. Mais le faire suppose une déchirante
révision des thèmes idéologiques et symboliques en vigueur depuis
des siècles. Alors, au lieu de se féliciter des suppressions de
postes et répartir le travail entre les salariés restants, on jette
à la rue les « inutiles » et on fait bosser encore plus
les actifs restants. Tout ceci pour garantir et augmenter le
sentiment de pouvoir de ceux qui gouvernent, gèrent, administrent
leur monde.
Le « progrès »
est comme un cheval fou qui s'étant emballé, entraîne la carriole
du monde droit dans le mur. Il faudrait, quand il est encore temps,
maitriser l'animal, ralentir sa course folle et commencer à
apprécier un rythme honnête et suffisant. Très loin des illusions
de pouvoir de ceux qui malheureusement décident aujourd'hui de notre
avenir.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 2 décembre 2016
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