Pourquoi, en dépit de
leurs progrès techniques et scientifiques extraordinaires, leurs
capacités de production largement suffisantes pour assurer de bonnes
conditions de vie à tous, les humains sont-ils si malheureux ? Ou
bien ils le sont matériellement et nombreux dans les pays riches ou
pauvres, ou bien ils le sont moralement dans les deux. Innombrables
sont en France les personnes y compris jeunes, aisées, en bonne
santé, cultivées, qui déclarent souffrir de « la solitude »,
par exemple. Qu'est-ce à dire ? Et la première cause de mortalité
dans la jeunesse en France est le suicide, bien souvent pour cause de
« chagrin d'amour ».
Quand on observe la
souffrance sociale, elle paraît mise en place par des humains contre
d'autres humains. Exemple récent et frappant : au nom de la
soi-disant nécessité de rembourser une dette illégitime, illégale,
odieuse, insupportable et colossale, on a condamné la majeure partie
du peuple grec à la misère. La mortalité infantile en cinq ans de
plans de soi-disant « aide » a grimpé de 43 %. Les Grecs
se sont faits largement insulter dans la presse mondiale, traiter de
feignants, fraudeurs, vivants au dessus de leurs moyens et devant à
présent rembourser, etc. Est-ce le cas de nouveaux-nés qui meurent
à présent victimes du pillage rebaptisé « austérité »
? Et ici, les responsables de cette catastrophe sont connus. Ce sont
des chefs d'états ou des hauts fonctionnaires financiers ou
« européens ». Si on les observe bien, quels sont leurs
motifs pour agir ainsi ? La ruine d'un peuple, sa souffrance, leur
apportent-ils quelque chose ? Sûrement pas ou guère. Sont-ils alors
« méchants » ? Non, l'explication est ailleurs, c'est la
peur.
Car, à les observer avec
attention, les responsables de ce désastre brillent par leur
banalité. Ils n'ont pas de tares particulières. Ils enfilent des
chiffres, des statistiques. Et en tirent des conclusions pratiques
sans tenir compte des conséquences dramatiques de leurs actes sur
des humains. Ils gèrent des budgets, des bilans, des choses
abstraites, des courbes sur des graphiques, des rapports qu'ils n'ont
pas lu mais approuvés. Qu'est-ce qui peut animer leur mode d'agir
ainsi ?
Les mêmes raisons qui
expliquent à petite ou très petite échelle des comportements aussi
absurdes et dévastateurs. En voici un : j'aménage un logement pour
moi. Quand j'ai fini de l'aménager, un logement à peine plus cher
se libère sur le palier. À
la différence du mien il est plus grand, dispose des toilettes et
d'une douche. Pour y emménager, il me suffit de le décider.
Déplacer mes affaires de quelques mètres. Mais, ce faisant, bien
sûr, renoncer aux aménagements que je viens de terminer. Comment ça
? Tant d'efforts pour rien, alors ! Je décide sans aucune hésitation
de rester dans le logement plus petit et sans confort par attachement
à mon travail effectué. Décision de la plus parfaite crétinerie
et totalement contraire à mes intérêts. Et pourquoi une telle
imbécillité ? Parce que le logement que j'ai aménagé c'est chez
moi. Et, je l'ai analysé beaucoup plus tard, j'ai peur d'en
changer. Ma peur absurde ayant recouvert et habillé une panique bien
plus violente et ancienne : celle suscitée par la sortie de mon
enfance prolongée. Pour tout le monde ou presque c'est pareil. La
terreur suscitée par la sortie de l'enfance prolongée dicte des
comportements irrationnels.
Les chefs d'états et les
hauts fonctionnaires sont des humains comme les autres et connaissent
la même peur. Mais, bien sûr, leurs actes ont une portée plus
grande. Croyez-vous que la hausse de la mortalité infantile en Grèce
apporte quelque chose à ceux qui l'organisent ? Qu'ils haïssent les
bébés grecs ? Pas du tout, ils ont simplement peur. Et à un
moment-donné leur peur épouse des décisions qu'ils prennent parce
qu'ils sont effrayés. Ils n'ont pas conscience de leur
fonctionnement, mais c'est comme ça que ça se passe. Et ça dure
depuis très longtemps. Depuis que le savoir est né et que sa
transmission a créé un traumatisme majeur dans la vie de tous les
humains, via l'enfance prolongée et la peine pour en sortir. On
s'attache à des choses en dépit du bon sens : logement rénové
contre logement plus grand, ou remboursement de la « dette
grecque ». Et on nuit à soi et aux autres.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 23 octobre 2015
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