Jusque dans les années
1970 il se disait à Paris que la chose suivante était courante : si
un employé de bureau marié ou une employée de bureau mariée était
visiblement infidèle, il se trouvait toujours parmi ses collègues
de travail une personne pas du tout concernée pour prévenir la
femme ou l'homme ainsi trompé. Au tout début des années 1980, je
participais à un groupe de gymnastique en plein air. On y trouvait
notamment un très haut fonctionnaire français. Ça se passait à
l'heure du déjeuner et il y participait en survêtement de sport. Je
lui demandais un jour, car il se changeait en arrivant, s'il ne
pourrait pas, vue sa situation, venir au travail en survêtement de
sport. « Oui, me répondit-il, mais on me prendrait pour un
fou ». En 1996 ou 1997, ça faisait déjà plusieurs années
que je me donnais à fond pour parvenir à faire renaître la grande
fête alors complètement oubliée du Carnaval de Paris. Commentant
mes efforts, un ami facteur de mon quartier me dit un jour : « tu
auras l'air bête si tu n'y arrives pas ».
Il y a peu de décennies
aucun adulte n'osait se montrer en short à Paris par temps de
canicule. Je me souviens très bien enfant avoir vécu comme une
brimade l'année où ma mère m'expliqua que dorénavant il ne serait
plus question que je porte « une culotte courte » car
j'étais devenu « grand ». À
l'époque « être en culottes courtes » signifiait « être
un enfant ». Et puis les touristes adultes allemands et
scandinaves jeunes ont commencé à abonder à Paris durant l'été et en
short ! Et alors le regard a changé. Je me souviens que les shorts
devinrent admis d'abord dans les zones parisiennes très
touristiques, par exemple vers le musée du Louvre. Si un homme
mettait un short en dehors de ces zones, j'en ai fait l'expérience
place Denfert-Rochereau, dans le XIVème arrondissement, on le
regardait comme quelqu'un de bizarre. Puis les shorts ont envahi tout
Paris. Et à présent, l'été, on en voit partout. On peut remercier
les touristes scandinaves et allemands pour ce changement ! La mode
est une chose étrange. Chaque année quantité de gens dépensent
plein d'argent pour s'y conformer. Et cesse de porter des vêtements
encore utilisables mais « passés de mode ».
Tous ces comportements
relèvent du conformisme. Il faut tâcher de faire partie du
troupeau. Mais quel intérêt y a-t-il à ça ? Pour le légitimer
et ainsi se rassurer. On n'est pas seul. On est avec les autres
membres du troupeau. Quitte à renoncer à des choses agréables et
inoffensives. À s'énerver face à des comportements anodins. Et
pourquoi donc ? Parce qu'on a peur.
Sorti de l'enfance
prolongée on se sent seul, nu, sans protection. Alors, on
s'imaginera en sécurité parce que, par exemple, on porte des
cheveux coupés chez le coiffeur comme d'innombrables hommes, y
compris inconnus, qu'on croise tous les jours. On travaille « comme
tout le monde ». On va en vacances « comme tout le
monde ». On regarde la télévision « comme tout le
monde ». On s'achète le dernier modèle de téléphone
portable « comme tout le monde ». Peu importe ce qu'on
fait, pourvu que ce soit « comme tout le monde ». Même
si c'est une chose parfaitement stupide comme de s'acheter un nouveau
téléphone multi-fonctions dont un grand nombre ne vous seront
d'aucune utilité. Le conformisme est une forme de violence sociale.
Elle fait qu'on porte des ceintures à nos pantalons alors qu'une
ficelle suffirait. Qu'on regarde un programme télé qu'on n'aime pas
parce que ce programme tout le monde en parle. Dû moins, c'est ce
que la publicité vous fait croire. Il n'est pas jusqu'à des choix
politiques électoraux qui relèvent chez certains de la mode.
Avoir le courage de refuser les conformismes, c'est tenter d'être soi-même. C'est également faire preuve de courage. Combien d'actes et de choix qu'on se croit imposés ne le sont pas en fait ? Je me souviens avoir entendu en 1978 un dragueur parler avec un de ses amis. L'ami lui demandait : « alors, tu t'es marié ? » Et le dragueur répondait, avec tristesse et résignation : « faut bien se marier ! ». Encore le conformisme et la peur de ne pas s'y conformer ! Il faut savoir rester soi-même et résister à la tentation de vouloir absolument à tous prix ressembler aux autres.
Avoir le courage de refuser les conformismes, c'est tenter d'être soi-même. C'est également faire preuve de courage. Combien d'actes et de choix qu'on se croit imposés ne le sont pas en fait ? Je me souviens avoir entendu en 1978 un dragueur parler avec un de ses amis. L'ami lui demandait : « alors, tu t'es marié ? » Et le dragueur répondait, avec tristesse et résignation : « faut bien se marier ! ». Encore le conformisme et la peur de ne pas s'y conformer ! Il faut savoir rester soi-même et résister à la tentation de vouloir absolument à tous prix ressembler aux autres.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 22 octobre 2015
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