Une tendance générale
très répandue, en tous cas en France, est de considérer la fête,
l'amusement, la distraction comme un sujet frivole, peu sérieux, pas
important. Et qui n'a pas d'histoire. Ou bien si cette histoire
existe, elle est traitée comme d'importance superficielle. Combien
de livres et articles existent sur des sujets « sérieux »
ou tout au moins réputés tels ? Ils permettront, par exemple, de
suivre heure par heure une célèbre bataille vieille de deux siècles
: Waterloo. Ou de connaître, minute par minute, une célèbre
naufrage vieux de cent-trois ans : le Titanic. Par contre,
combien de livres ou articles de références pour indiquer que le
confetti, inventé ailleurs qu'à Paris, fut lancé mondialement au
Carnaval de Paris ? Un seul livre scientifique : le Manuel du
folklore français contemporain, édité en 1947, réédité en
1999, rédigé par Arnold Van Gennep. Cependant que l'ignorance que
le confetti a été lancé mondialement à Paris est le fait de
nombre d'articles.
Reflet de cette ignorance
générale, le nombre de spécialistes étudiant la fête est très
réduit. Arnold Van Gennep en était un. De nos jours, le Brésilien
Felipe Ferreira, professeur à l'université de Rio de Janeiro en est
un. Il a notamment écrit un livre : « L'invention du
carnaval au XIXe siècle, Paris, Nice, Rio de Janeiro ». Il
a été traduit du portugais en français et édité chez
« L'Harmattan » en 2014. Dans ce livre, il
explique notamment comment le Carnaval de Paris a influencé le
Carnaval de Rio. Combien de Français ont lu ce livre ? Combien se
doutent de cette influence ? Je me souviens que l'ayant évoqué un
jour, je me suis fait insulter par une personne qui refusait d'y
croire. Et me prenait donc pour un menteur voulant ainsi valoriser le
Carnaval de Paris, dont je suis l'organisateur et l'initiateur de la
renaissance depuis 1993.
Un autre spécialiste
actuel du Carnaval est l'Américain Samuel Kinser, Distinguished
Research Professor Emeritus à la Northern Illinois University.
Il m'a dit que l'étude de la fête était très difficile, car il
n'en reste après coup que 5 % de traces notamment écrites. Michel
Vallée, lui, est Québécois. Il approche la fête de manière
pratique, comme facteur d'intégration sociale. En qualité de
directeur du Service des arts et de la culture de la mairie de
Vaudreuil-Dorion, ville située près de Montréal, il développe
avec succès un programme qu'il a intitulé « Je suis ».
Arnold Van Gennep n'est
plus de ce monde. Tous les autres spécialistes cités ici m'ont fait
l'honneur de me contacter afin de me rencontrer lors de leur passage
en France. Je fais depuis vingt-deux ans des recherches sur la fête
et le Carnaval, ai notamment écrit des brochures, tracts,
contributions dans Wikipédia pour faire mieux connaître le sujet au
plus large public possible.
Ce qui handicape d'autant
plus la recherche et la connaissance de la fête est un phénomène
particulier propre aux festifs. Écrivez sur un sujet pointu
quelconque. Par exemple : les éoliennes Bollée ou la danse de cour
au XVIIème siècle à Versailles. Vous aurez un milieu de gens, même
réduit, passionnés par le sujet, qui s'empressera d'enrichir vos
contributions et les apprécier. S'agissant des festifs c'est bien
différent. Ceux qui font la fête n'écrivent pas et ne lisent pas
beaucoup non plus sur le sujet. Par exemple : le confetti en papier,
inventé ailleurs qu'à Paris, fut lancé mondialement à Paris en
1891 et arriva vers 1892 à Nice sous le nom de : « confetti
parisien » (Nouveau Dictionnaire Étymologique Larousse
1964, p. 188). Combien de personnes qui participent au Carnaval de
Nice le savent ? Quand on fait la fête on ne fait pas des recherches
sur elle. Et ceux qui écrivent sur la fête disent le plus souvent
des banalités, voire avancent des idées réductrices. Du genre
résumer en tout et pour tout le Carnaval à « une inversion
des valeurs », « la fête à l'envers », et ignorer
complètement la dimension festive, fraternelle et créative de
l'événement.
Je me suis vu reprocher
de ne pas être quelqu'un de connu. « Mais qui est ce Basile
dont on nous parle tant à propos du Carnaval de Paris ? » Tel
était le reproche étrange que j'ai rencontré. Soit j'étais un
inconnu cherchant à me valoriser en associant mon nom à une fête
importante. Soit il était évident que si mon nom inconnu était
associé à cette fête elle ne pouvait pas être
importante.
S'agissant de l'importance du Carnaval de Paris au cours des siècles, il existe quantité d'écrits et articles pour l'attester. Comme ce propos de Gustave Flaubert au sujet du cortège du Bœuf Gras en 1853 dans une lettre à Louise Colet (Correspondance, Bibliothèque de la Pléiade, t. 2, page 335) :
« Si l'on veut
prendre la mesure de ce que vaut l'estime publique, et quelle belle
chose c'est que “d'être montré au doigt”, comme dit le poète
latin, il faut sortir à Paris dans les rues le jour du Mardi Gras,
Shakespeare, Gœthe,
Michel-Ange n'ont jamais eu 400 mille spectateurs à la fois, comme
ce bœuf ! Ce qui le rapproche, du reste, du génie, c'est qu'on
le met ensuite en morceaux. »
Mon absence de notoriété
personnelle est facile à expliquer ici. Excepté le cortège du Bœuf
Gras de 1805, tous les moments forts du Carnaval de Paris, comme les
cortèges, ont été organisés par des initiatives privées. C'est
toujours le cas aujourd'hui. Et aucun des organisateurs, moi y
compris, n'y a trouvé quelque célébrité que ce soit. Qui connaît
dans le grand public les noms de : De Piis, Morel, Sémichon,
Brézillon, Zidler, Riou ? Ils ont joué pourtant un grand rôle
organisateur dans le Carnaval de Paris. Il faut dire que
l'organisation du Carnaval n'intéresse généralement pas le grand
public. On s'amuse dans le Carnaval, on parle du Carnaval, pas des
sociétés ou individus qui assurent son déroulement. Inutile
d'ajouter que, pas plus que la célébrité, la richesse ne guette
l'organisateur du Carnaval de Paris. Je la risque d'autant moins que
je ne reçois pas de subventions et en refuse l'éventualité. Ainsi
j'assure l'indépendance, l'authenticité et la pérennité de la
fête.
Donc, je reste un inconnu
qui parle d'une fête dont l'importante histoire n'intéresse guère
de monde. Car ceux qu'elle devrait intéresser ne s'y intéressent
pas. Ce qui va rendre ardue la défense d'un article historique que
j'ai écrit il y a cinq ans sur la fête. Et qu'on a proposé de
supprimer dans Wikipédia, car l'événement dont il traite serait
sans importance. De quoi s'agit-il ? D'une rencontre au Carnaval de
Paris en 2005 attestée par un traité signé par plusieurs
organisations participantes. Quelles sont ces organisations ? Elles
sont parisiennes, normande et étrangères.
Côté parisien, les
Fumantes de Pantruche ont joué un rôle marquant dans la
renaissance du Carnaval de Paris. Il faut souligner ici la présence
de la Grande Masse des Beaux-Arts, une des deux plus anciennes
et importantes associations festives d'étudiants français avec la
Faluche. Elle est surtout célèbre pour ses très fameuses
fanfares des Beaux-Arts, au nombre de plusieurs dizaines dans toute
la France. Elle organise tous les quatre ans le Concours National des Fanfares des Beaux-Arts.
La province française
est représentée par le dynamique Carnaval de Cherbourg-Octeville,
qui était alors soutenu par la mairie de la ville. Cette fête a
connu des moments prospères, d'autres difficiles. Notamment à
présent du fait des réductions des crédits culturels, qui à
Cherbourg-Octeville, comme ailleurs, affectent quantité de fêtes et
festivals.
La Goliardia est
la très ancienne société festive traditionnelle des étudiants
italiens. Célèbre dans le milieu étudiant italien, moins connue à
l'extérieur des écoles, elle est dépositaire des vénérables
traditions festives étudiantes italiennes.
Les associations
d'étudiants des Beaux-Arts d'Italie représentent une communauté
étudiante très importante et qui plus est, liée aux arts, dont la
place est immense dans ce pays.
Cette rencontre au
Carnaval de Paris de toutes ces associations peut paraître
d'importance négligeable pour celui qui ne considère pas la fête
comme quelque chose d'essentiel dans la vie. Pour autant, est-ce que
cette position doit être celle de l'encyclopédie Wikipédia ? Je ne
le pense pas. C'est pourquoi je souhaite que cet article soit
conservé.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 21 octobre 2015
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