Une amie très chère
m'avait invité à venir en vacances quelques jours dans sa famille,
sans préciser encore la date. Je l'appelle et au téléphone évoque
son invitation. Il serait bien de connaître le moment choisi afin
que je puisse réserver d'avance les billets de train les moins chers
possible. Ce qui ne peut s'effectuer que bien des semaines d'avance,
ces places étant en nombre limité.
Chose inattendue,
je comprends à la réponse que me fait mon amie que, d'une part,
visiblement ma visite est complètement exclue. Et, d'autre part, que
mon amie ne me dit pas tout, me cache le motif de mon rejet.
Je raccroche à la fin de
la conversation. Et la pensée me vient que notre relation paraît
terminée. Pourquoi ? Je me perds en conjectures. Ai-je fait quelque
chose de mal la dernière fois qu'on s'est vu ? Je ne trouve rien qui
pourrait expliquer ce changement d'attitude. Alors, ai-je été
calomnié ? Rien ne paraît justifié dans cette manière sournoise
de m'éliminer. Par ailleurs, je prends la nouvelle paradoxalement
avec bonne humeur : « tant mieux si cette relation est
terminée, elle était fausse ! »
Dans les jours qui
suivent, je cherche encore des explications. Tout en connaissant un
certain nombre de phénomènes curieux.
J'ai faim, et n'arrive
pas à être rassasié. Tout en connaissant des pensées déprimantes
allant d'une certaine façon dans le même sens. Je me dis : « avec
la misère, je risque de me retrouver affamé sans pouvoir y
remédier. » Ma faim est tant non rassasiable qu'un jour-même,
je dîne par deux fois et, il me semble m'en souvenir, ai encore faim
après ! J'avais dîné et ensuite, avais été invité à dîner.
J'ai mangé sans problèmes toute cette nourriture... Pourtant je ne
suis pas un goinfre.
Autre chose : je me sens
fatigué, vraiment fatigué. Et puis, des pensées déprimantes
m'assaillent : « je n'ai jamais été heureux en amour ! »
Puis, le lendemain : « si c'est arrivé, c'est que toutes les
femmes sont infréquentables, ne valent rien, sont à éviter. En
tous cas moi j'ai intérêt à le faire ! » Et le jour d'après
: « non, finalement, les femmes sont très bien... mais, elles
sont toutes incapables de rendre heureux en amour, en tous cas moi. »
Et encore le jour d'après ? Je n'y ai même pas pensé.
D'autres pensées
négatives me viennent : je me vois souffrant d'ennuis matériels
graves et précis. Et, chose qui ne m'arrive jamais, je pense à ce
qu'il ne me reste plus qu'une fraction de vie à vivre...
J'avais promis à l'amie
qui m'avait rejeté de lui envoyer un courrier avec un texte
philosophique. Je pense ne pas le faire. Puis le fais quand-même.
Après, je me dis : « cette amie, sa famille, c'est terminé,
nos relations ! Il faut à présent que je les oublie ! »
Trois jours plus tard mon
amie perdue m'appelle pour me remercier pour mon courrier qu'elle a
bien reçu et grandement apprécié. Puis, chose stupéfiante, elle
me parle de l'invitation chez elle. Me demande quand je viens. Me dit
que toute la famille m'attend ! Et éclaircit un mystère : si elle
m'a paru ne pas du tout vouloir me recevoir et ne pas tout me dire,
je ne m'étais pas trompé. Mais je n'étais pas la cause de ce rejet
à présent passé. Mon amie avait été malade et n'avait pas voulu
me le dire. Elle allait mieux et réitérait son invitation ! Tout
était arrangé ! Mais comme furent étranges mes réactions : nier
le chagrin en me disant que la fin de nos relations était une
clarification, une bonne chose... Avoir faim, être fatigué, penser
« aux femmes » en général comme une source de malheurs
divers. A la venue d'ennuis matériels graves et même d'une certaine
façon à la mort dont je n'ai pas considération comme un événement
irrémédiable, étant croyant. Toutes ces réactions me paraissent à
présent avoir illustré la complexité et l'irrationalité de notre
être face à l'adversité.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 17 octobre 2015
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