J'ai fait ici un jeu de
mots. On parle des malades « mentaux ». Ici, j'ai
remplacé mentaux par « manteaux », pourquoi ? Parce que
beaucoup, peut-être même la plupart des troubles du comportement
sont en quelque sorte « extérieurs » à nous-mêmes. Ils
sont comme un manteau qui, posé sur nous, nous égare et nous fait
souffrir, nous empêche de vivre. Et le but à atteindre n'est pas de
se modifier soi, de renoncer à quelque chose... mais, de se
débarrasser du manteau.
Ce manteau est fait d'un
héritage de peur singulière ou de peurs au pluriel qui nous a été
transmis sans même s'en rendre compte par « les grandes
personnes » quand nous étions enfant. Ces « grandes
personnes » l'ont pareillement elles-mêmes souvent reçu
enfants d'autres « grandes personnes » qui les ont
élevés. Imaginons un exemple illustratif qui pourrait se passer en
2014 :
Voilà un jeune homme
sensible et courageux. Il choisit un métier dangereux : parachutiste
dans l'armée française. Il part en opérations extérieures, se
bat, risque sa vie, donne pleine satisfaction à ses chefs, se montre
très courageux. C'est un « baroudeur », un soldat
d'élite.
Et, voilà que,
subitement, il s'effondre moralement. Complètement déprimé, il se
retrouve rapatrié sanitaire et hospitalisé dans le service de psychiatrie
d'un grand hôpital militaire métropolitain. Que lui est-il arrivé
?
Les psychiatres, l'équipe
médicale soignante l'interroge. Il déclare s'être effondré
moralement suite à l'annonce que sa femme lui a faite qu'elle le
quittait... Ah ! L'Amour, me direz-vous... Pourtant, il y a un tas de
gens qui ne s'effondrent pas quand il y a ainsi séparation. Et ce
jeune homme paraît plutôt courageux.
On va soigner le soldat
avec des médicaments, de l'écoute, du dialogue, on fera tout ce qui
est connu médicalement pour l'assister.
D'autres, dans le même
cas d'effondrement moral pourraient ajouter la fuite dans l'alcool,
donc, un problème addictif en plus.
Le cas ici étudié est
illustratif et imaginaire. En fait, la raison imaginée ici pour ce
subit effondrement moral est la suivante :
Vers 1920,
l'arrière-grand-mère du jeune homme, quand elle avait treize ans,
un jour où elle était seule, a été agressée et violée par un
voisin. Elle a été extrêmement traumatisée par cet événement.
Et n'en a jamais parlé à personne. Bien plus tard, elle a eu des
enfants. Un de ceux-ci était la future grand mère du soldat.
L'arrière-grand-mère, sans l'expliquer verbalement, a transmis sa
peur à sa fille. Qui à son tour, a transmis celle-ci à ses
enfants, dont une fille qui deviendra la mère du soldat. Et ce
dernier recevra de sa mère cette peur en héritage, apparue dans
cette lignée vers 1920.
Le jeune homme sentant
cette peur sans l'analyser aura une réaction contradictoire. Il va
chercher à l'affronter, comment ? En devenant soldat d'élite
combattant... Mais, la peur en héritage va rester confinée en lui,
en embuscade. Quand sa femme va le quitter, cette peur terrible et
incontrôlable, sournoise, obscure, non verbalisée, va se réveiller.
Certains éléments de ce manteau parasite vont s'animer et étouffer
le jeune homme. Qui, bien sûr, ne saura pas donner l'explication
réelle de sa détresse.
Cet exemple, que
j'imagine en m'inspirant de loin d'un cas réel, illustre la théorie
du manteau.
Les soignants seront
confrontés à une détresse inexplicable par sa violence. Et
n'auront que peu de pistes à explorer pour chercher la raison de cet
effondrement moral.
Nous vivons presque tous
affligés par ce manteau. Pour nous en débarrasser, il faut du temps
et de la réflexion. A force de m'étudier, étudier les autres, me
confronter à eux, j'ai finalement identifié sa présence sous une
forme subtile : une peur permanente et totalement irraisonnée. Une
peur qui pouvait se manifester vis-à-vis d'absolument tout et
n'importe quoi.
Cette peur s'est
réveillée suite à un événement, mais en est en fait indépendant.
J'ai longtemps cru que mes difficultés de vie provenaient
d'attouchements sexuels subit quand j'avais huit ans. En fait ça
n'est absolument pas exactement ça. Le manteau se réveille quand un
changement survient. Ces attouchements ont juste été le détonateur
d'une bombe plus ancienne. Cette bombe, c'était le manteau fait de
la peur transmise par ma mère.
Elle, de son côté, a
connu les deux guerres mondiales, la guerre civile en Russie, dans
des conditions très difficiles. Bizarrement, elle m'a à plusieurs
reprises raconté que, quand elle avait dix ans, un jeune garçon de
quinze ans l'a poursuivi dans les rues d'Odessa en l'insultant. Et,
précision importante, il avait un couteau.
L'histoire, très
certainement, n'est pas entière. Ma mère, enfant, a très
certainement été violée par ce jeune voyou. Ce qui fait que, par
la suite, et toute sa vie, elle a eu peur. Et a transmis sa peur à
ses enfants.
Le détonateur du manteau
peut être tragique ou pas. Le résultat l'est toujours. Il faut
prendre conscience de ce que nous portons un manteau explosif et
devons réussir à nous en défaire.
Certaines peurs se
transmettent sur un nombre imposant de générations. J'ai relevé,
comme je l'ai déjà écrit dans ce blog, avoir rencontré des nobles
français d'aujourd'hui qui sont encore terrorisés par les drames
vécus par leurs ancêtres dans les années 1790. Ils ont peur qu'on
évoque publiquement et à haute voix leurs antiques titres
nobiliaires en présence de personnes qui pourtant ne posent aucun
problèmes à ce propos.
La peur en héritage peut
provoquer un phénomène étrange, celui de la « séduction
contradictoire ». Elle se manifeste par le
fait qu'on a l'impression avec quelqu'un d'avoir affaire à deux
personnes en une, qui s'ignorent parfaitement l'une l'autre. La
première sera discrète, réservée, timide, évitera le contact
« physique ». Cependant que la seconde sera exubérante,
provocante, tactile... tout le contraire. L'une conservera ses
distances, l'autre fera littéralement de la provocation sexuelle.
Je me souviens ainsi
d'une jolie fille qui travaillait dans un magasin de fournitures pour
les artistes. Quand je m'y rendais, une fois sur deux elle me tombait
littéralement dans les bras, me faisant des câlins... La fois
suivante, c'était un iceberg. J'en avais déduit le concept du
« frigidaire à éclipses ». Quand j'ai parlé récemment
avec un jeune homme de ce genre de conduite absurde et surprenante,
il m'a dit l'avoir également rencontré.
J'ai vécu une expérience
très intéressante de séduction contradictoire avec une jeune fille
qui a passé dix jours chez moi pour ses vacances. Confinés dans
un petit logement, ce fut comme une sorte de laboratoire où nous
étions deux sujets d'expérience. Cette jeune fille a eu tout à la
fois une attitude très réservée, pudique, gardant ses distances.
Et, par moments, des attitudes totalement en contradiction. Si
j'avais été un individu « classique » j'aurais pu
chercher à mettre le petit oiseau dans le nid. Je n'en ai rien fait.
Pourquoi ? Parce que je voyais très bien que cette jeune fille n'en
avait pas envie. Il y avait comme une sorte de jeune fille bis qui
faisait de la provocation sexuelle. Mais, j'aime ce qui est clair et
pas les situations qui ne le sont pas. Certains imbéciles
conformistes diront que « j'ai raté une occasion ».
Comme si la vie était faite d'occasions à saisir contre la volonté
des personnes à qui nous avons affaire ! Pour moi, il n'est pas
question de me conformer au consumérisme sexuel formaté de la
pornographie. L'acte sexuel considéré comme un gros gâteau au
chocolat ne m'intéresse pas. On prétend justifier cette
présentation de la chose en disant que c'est la plus agréable
activité qui existe. La plupart du temps, c'est faux. Et, à 63 ans,
ne plus guère bander me fait rigoler, ce n'est pas ma queue qui
décide pour moi. Pour notre « bonheur obligatoire », on
clame la perfection du sexe comme celle de la richesse matérielle.
C'est le boniment de la pensée unique. Il y a un tas de gens riches
qui s'emmerdent, sont malheureux, se droguent, se suicident, se
sentent seuls ou sont simplement malades, ça n'empêche pas qu'on
continue à voir répéter cette grandiloquente ânerie. Il y a aussi
un tas de dragueurs à succès qui sont très malheureux. La première
condition du bonheur consiste à se débarrasser du manteau fait de
peurs en héritage qui nous empêchent de vivre.
La séduction
contradictoire est un de ses produits. Il faut dire que la peur et le
sexe sont des très anciens compagnons. La quantité de peurs en
héritages issues de viols et autres agressions similaires est
incalculable.
Un autre cas de séduction
contradictoire que j'ai rencontré est celui d'une dame très
réservée. Par moments elle va avoir une attitude totalement
inverse. Par exemple, elle se laissera caresser la poitrine, mais
sans aucun plaisir visible. Ce qui fait que, raisonnablement et pour
ne pas aller dans un mur, j'arrête aussitôt.
J'ai parlé un jour avec
une jeune femme pratiquant la séduction contradictoire avec beaucoup
d'énergie. Elle m'a dit qu'elle draguait et « sortait »
avec des hommes, mais n'en éprouvait pas de plaisir. Je lui ai alors
posé la question : « mais pourquoi tu dragues alors ? »
Elle est restée silencieuse et ne m'a rien répondu. Point
intéressant à ajouter : elle m'a dit qu'au moins une de ses copines
pratique la même activité bizarre. Le manteau conduit à des
comportements surprenants par leur absurdité.
Si on cherche dans le
manteau on découvrira des faits qui expliqueront ces comportements.
Une grand mère tondue à la Libération, par exemple, transmettant
sa peur à sa fille puis à sa petite fille. Le manteau va entraîner
d'autres bizarreries : un attachement passionnel pour les valeurs
matériels, l'incapacité de s'arrêter pour se reposer et prendre
des vacances, la fréquentation sexuelle systématique de partenaires
beaucoup plus âgés que soi, etc.
La jeune femme évoquée
plus haut m'a un jour trouvé comme explication de son insatisfaction
sexuelle qu'elle serait en fait lesbienne. Alors, allait-elle vers
les femmes ? Pas question ! On voit le problème insoluble. Parce
qu'en fait il a sa source ailleurs, dans un manteau qui commande des
comportements de séduction contradictoire. Dont les poètes font
largement les frais.
Une jeune femme dont j'ai
été longtemps amoureux s'est par exemple un jour ramené à un
rendez-vous avec un tee shirt moulant et une minijupe
ras-la-foufoune. Elle connaissait mes sentiments pour elle et n'y
donnait pas suite. Quand je n'ai pas pu m'empêcher de tirer la
gueule à la façon du chat devant la vitrine du poissonnier
hermétiquement fermé, elle m'a engueulé. En disant que je gâchais
notre amitié en ramenant toujours ça. Mais, pourquoi m'obstinais-je
à poursuivre une relation qui me faisait souffrir ? Encore un coup
du manteau. Mais cette fois-ci du manteau à moi, le manteau à elle,
très pesant, l'amenant à me tourmenter.
Chercher à séduire et
fuir les conséquences de la séduction pourrait résumer la
séduction contradictoire. Combien de jeunes femmes portent des
tenues hyper-sexy dans la rue, l'autobus, le métro, au travail, et
sont horriblement gênées si un homme visiblement les regarde ?
Basile, philosophe
naïf, Paris le 28 décembre 2014
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