dimanche 28 décembre 2014

324 Nous sommes presque tous des « malades manteaux »

J'ai fait ici un jeu de mots. On parle des malades « mentaux ». Ici, j'ai remplacé mentaux par « manteaux », pourquoi ? Parce que beaucoup, peut-être même la plupart des troubles du comportement sont en quelque sorte « extérieurs » à nous-mêmes. Ils sont comme un manteau qui, posé sur nous, nous égare et nous fait souffrir, nous empêche de vivre. Et le but à atteindre n'est pas de se modifier soi, de renoncer à quelque chose... mais, de se débarrasser du manteau.

Ce manteau est fait d'un héritage de peur singulière ou de peurs au pluriel qui nous a été transmis sans même s'en rendre compte par « les grandes personnes » quand nous étions enfant. Ces « grandes personnes » l'ont pareillement elles-mêmes souvent reçu enfants d'autres « grandes personnes » qui les ont élevés. Imaginons un exemple illustratif qui pourrait se passer en 2014 :

Voilà un jeune homme sensible et courageux. Il choisit un métier dangereux : parachutiste dans l'armée française. Il part en opérations extérieures, se bat, risque sa vie, donne pleine satisfaction à ses chefs, se montre très courageux. C'est un « baroudeur », un soldat d'élite.

Et, voilà que, subitement, il s'effondre moralement. Complètement déprimé, il se retrouve rapatrié sanitaire et hospitalisé dans le service de psychiatrie d'un grand hôpital militaire métropolitain. Que lui est-il arrivé ?

Les psychiatres, l'équipe médicale soignante l'interroge. Il déclare s'être effondré moralement suite à l'annonce que sa femme lui a faite qu'elle le quittait... Ah ! L'Amour, me direz-vous... Pourtant, il y a un tas de gens qui ne s'effondrent pas quand il y a ainsi séparation. Et ce jeune homme paraît plutôt courageux.

On va soigner le soldat avec des médicaments, de l'écoute, du dialogue, on fera tout ce qui est connu médicalement pour l'assister.

D'autres, dans le même cas d'effondrement moral pourraient ajouter la fuite dans l'alcool, donc, un problème addictif en plus.

Le cas ici étudié est illustratif et imaginaire. En fait, la raison imaginée ici pour ce subit effondrement moral est la suivante :

Vers 1920, l'arrière-grand-mère du jeune homme, quand elle avait treize ans, un jour où elle était seule, a été agressée et violée par un voisin. Elle a été extrêmement traumatisée par cet événement. Et n'en a jamais parlé à personne. Bien plus tard, elle a eu des enfants. Un de ceux-ci était la future grand mère du soldat. L'arrière-grand-mère, sans l'expliquer verbalement, a transmis sa peur à sa fille. Qui à son tour, a transmis celle-ci à ses enfants, dont une fille qui deviendra la mère du soldat. Et ce dernier recevra de sa mère cette peur en héritage, apparue dans cette lignée vers 1920.

Le jeune homme sentant cette peur sans l'analyser aura une réaction contradictoire. Il va chercher à l'affronter, comment ? En devenant soldat d'élite combattant... Mais, la peur en héritage va rester confinée en lui, en embuscade. Quand sa femme va le quitter, cette peur terrible et incontrôlable, sournoise, obscure, non verbalisée, va se réveiller. Certains éléments de ce manteau parasite vont s'animer et étouffer le jeune homme. Qui, bien sûr, ne saura pas donner l'explication réelle de sa détresse.

Cet exemple, que j'imagine en m'inspirant de loin d'un cas réel, illustre la théorie du manteau.

Les soignants seront confrontés à une détresse inexplicable par sa violence. Et n'auront que peu de pistes à explorer pour chercher la raison de cet effondrement moral.

Nous vivons presque tous affligés par ce manteau. Pour nous en débarrasser, il faut du temps et de la réflexion. A force de m'étudier, étudier les autres, me confronter à eux, j'ai finalement identifié sa présence sous une forme subtile : une peur permanente et totalement irraisonnée. Une peur qui pouvait se manifester vis-à-vis d'absolument tout et n'importe quoi.

Cette peur s'est réveillée suite à un événement, mais en est en fait indépendant. J'ai longtemps cru que mes difficultés de vie provenaient d'attouchements sexuels subit quand j'avais huit ans. En fait ça n'est absolument pas exactement ça. Le manteau se réveille quand un changement survient. Ces attouchements ont juste été le détonateur d'une bombe plus ancienne. Cette bombe, c'était le manteau fait de la peur transmise par ma mère.

Elle, de son côté, a connu les deux guerres mondiales, la guerre civile en Russie, dans des conditions très difficiles. Bizarrement, elle m'a à plusieurs reprises raconté que, quand elle avait dix ans, un jeune garçon de quinze ans l'a poursuivi dans les rues d'Odessa en l'insultant. Et, précision importante, il avait un couteau.

L'histoire, très certainement, n'est pas entière. Ma mère, enfant, a très certainement été violée par ce jeune voyou. Ce qui fait que, par la suite, et toute sa vie, elle a eu peur. Et a transmis sa peur à ses enfants.

Le détonateur du manteau peut être tragique ou pas. Le résultat l'est toujours. Il faut prendre conscience de ce que nous portons un manteau explosif et devons réussir à nous en défaire.

Certaines peurs se transmettent sur un nombre imposant de générations. J'ai relevé, comme je l'ai déjà écrit dans ce blog, avoir rencontré des nobles français d'aujourd'hui qui sont encore terrorisés par les drames vécus par leurs ancêtres dans les années 1790. Ils ont peur qu'on évoque publiquement et à haute voix leurs antiques titres nobiliaires en présence de personnes qui pourtant ne posent aucun problèmes à ce propos.

La peur en héritage peut provoquer un phénomène étrange, celui de la « séduction contradictoire ». Elle se manifeste par le fait qu'on a l'impression avec quelqu'un d'avoir affaire à deux personnes en une, qui s'ignorent parfaitement l'une l'autre. La première sera discrète, réservée, timide, évitera le contact « physique ». Cependant que la seconde sera exubérante, provocante, tactile... tout le contraire. L'une conservera ses distances, l'autre fera littéralement de la provocation sexuelle.

Je me souviens ainsi d'une jolie fille qui travaillait dans un magasin de fournitures pour les artistes. Quand je m'y rendais, une fois sur deux elle me tombait littéralement dans les bras, me faisant des câlins... La fois suivante, c'était un iceberg. J'en avais déduit le concept du « frigidaire à éclipses ». Quand j'ai parlé récemment avec un jeune homme de ce genre de conduite absurde et surprenante, il m'a dit l'avoir également rencontré.

J'ai vécu une expérience très intéressante de séduction contradictoire avec une jeune fille qui a passé dix jours chez moi pour ses vacances. Confinés dans un petit logement, ce fut comme une sorte de laboratoire où nous étions deux sujets d'expérience. Cette jeune fille a eu tout à la fois une attitude très réservée, pudique, gardant ses distances. Et, par moments, des attitudes totalement en contradiction. Si j'avais été un individu « classique » j'aurais pu chercher à mettre le petit oiseau dans le nid. Je n'en ai rien fait. Pourquoi ? Parce que je voyais très bien que cette jeune fille n'en avait pas envie. Il y avait comme une sorte de jeune fille bis qui faisait de la provocation sexuelle. Mais, j'aime ce qui est clair et pas les situations qui ne le sont pas. Certains imbéciles conformistes diront que « j'ai raté une occasion ». Comme si la vie était faite d'occasions à saisir contre la volonté des personnes à qui nous avons affaire ! Pour moi, il n'est pas question de me conformer au consumérisme sexuel formaté de la pornographie. L'acte sexuel considéré comme un gros gâteau au chocolat ne m'intéresse pas. On prétend justifier cette présentation de la chose en disant que c'est la plus agréable activité qui existe. La plupart du temps, c'est faux. Et, à 63 ans, ne plus guère bander me fait rigoler, ce n'est pas ma queue qui décide pour moi. Pour notre « bonheur obligatoire », on clame la perfection du sexe comme celle de la richesse matérielle. C'est le boniment de la pensée unique. Il y a un tas de gens riches qui s'emmerdent, sont malheureux, se droguent, se suicident, se sentent seuls ou sont simplement malades, ça n'empêche pas qu'on continue à voir répéter cette grandiloquente ânerie. Il y a aussi un tas de dragueurs à succès qui sont très malheureux. La première condition du bonheur consiste à se débarrasser du manteau fait de peurs en héritage qui nous empêchent de vivre.

La séduction contradictoire est un de ses produits. Il faut dire que la peur et le sexe sont des très anciens compagnons. La quantité de peurs en héritages issues de viols et autres agressions similaires est incalculable.

Un autre cas de séduction contradictoire que j'ai rencontré est celui d'une dame très réservée. Par moments elle va avoir une attitude totalement inverse. Par exemple, elle se laissera caresser la poitrine, mais sans aucun plaisir visible. Ce qui fait que, raisonnablement et pour ne pas aller dans un mur, j'arrête aussitôt.

J'ai parlé un jour avec une jeune femme pratiquant la séduction contradictoire avec beaucoup d'énergie. Elle m'a dit qu'elle draguait et « sortait » avec des hommes, mais n'en éprouvait pas de plaisir. Je lui ai alors posé la question : « mais pourquoi tu dragues alors ? » Elle est restée silencieuse et ne m'a rien répondu. Point intéressant à ajouter : elle m'a dit qu'au moins une de ses copines pratique la même activité bizarre. Le manteau conduit à des comportements surprenants par leur absurdité.

Si on cherche dans le manteau on découvrira des faits qui expliqueront ces comportements. Une grand mère tondue à la Libération, par exemple, transmettant sa peur à sa fille puis à sa petite fille. Le manteau va entraîner d'autres bizarreries : un attachement passionnel pour les valeurs matériels, l'incapacité de s'arrêter pour se reposer et prendre des vacances, la fréquentation sexuelle systématique de partenaires beaucoup plus âgés que soi, etc.

La jeune femme évoquée plus haut m'a un jour trouvé comme explication de son insatisfaction sexuelle qu'elle serait en fait lesbienne. Alors, allait-elle vers les femmes ? Pas question ! On voit le problème insoluble. Parce qu'en fait il a sa source ailleurs, dans un manteau qui commande des comportements de séduction contradictoire. Dont les poètes font largement les frais.

Une jeune femme dont j'ai été longtemps amoureux s'est par exemple un jour ramené à un rendez-vous avec un tee shirt moulant et une minijupe ras-la-foufoune. Elle connaissait mes sentiments pour elle et n'y donnait pas suite. Quand je n'ai pas pu m'empêcher de tirer la gueule à la façon du chat devant la vitrine du poissonnier hermétiquement fermé, elle m'a engueulé. En disant que je gâchais notre amitié en ramenant toujours ça. Mais, pourquoi m'obstinais-je à poursuivre une relation qui me faisait souffrir ? Encore un coup du manteau. Mais cette fois-ci du manteau à moi, le manteau à elle, très pesant, l'amenant à me tourmenter.

Chercher à séduire et fuir les conséquences de la séduction pourrait résumer la séduction contradictoire. Combien de jeunes femmes portent des tenues hyper-sexy dans la rue, l'autobus, le métro, au travail, et sont horriblement gênées si un homme visiblement les regarde ?

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 décembre 2014

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