Il y a 2300 ans, Aristote
a dénoncé la maladie actuelle de notre société : la volonté
d'accumuler l'argent pour l'argent. Cette réflexion de l'illustre
savant est connue. Il a donné un nom à ce vice accumulateur digne
du hamster qui entasse quinze kilos de graines pour l'hiver dans son
terrier et dort durant cette période. La chrématistique ainsi
nommée est très rarement dénoncée, en particulier par ceux qui
devraient s'en charger. Si on critique l'argent lui-même, on soulève
un concert de hurlements. Pourtant, la plupart des gens souffrent de
l'argent et de la chrématistique des « grands de ce monde ».
Pourquoi ce refus quasi général de dénoncer l'argent et la
chrématistique ?
Parce que, en plus des
intérêts des uns ou des autres, il existe des croyances, des mythes
financiers qui alimentent la dévotion d'un très grand nombre de
gens au sacro-saint veau d'or et à une de ses expressions les plus
ignobles et caricaturales consistant à accumuler de l'argent à ne
rien faire tout en en privant et affamant de nombreux millions de
gens. Ces derniers temps, le nombre officiel d'humains affamés sur
la planète est passé de huit cent millions à un milliard cependant
que celui des « milliardaires » a bondi. C'est-à-dire
que la quantité d'humains qui ont faim a augmenté corrélativement
à celle des connards qui dorment sur un tas d'or.
Chez les petits,
l'adoration pour l'argent prend la forme d'un certain nombre de
mythes et petits avantages. On rêve ou on bénéficie de
passes-droits et salaires surévalués. Un député européen émarge
à 20 000 euros chaque mois. Les députés grecs sont les mieux payés
du monde. Un ministre français touche 20 000 euros par mois. A ce
prix-là, la conscience peut devenir moins dérangeante pour prendre
des mesures inhumaines. Au Parlement européen 20 000 euros
correspondent à 30 deniers jadis en Galilée.
Les super riches ont la
chrématistique. L'équivalant pour les petits, c'est le bas de
laine, l'épargne. On a de l'argent « de côté », pour
les « coups durs », les dépenses imprévues... ou le
plaisir vicelard de dévorer des yeux le chiffre atteint par votre
petit magot. J'ai connu un homme, fort sympathique au demeurant, qui
m'expliquait avec un regard positif que, sans aucun besoin pour, il
disposait d'un million de francs en liquide à la banque. Ça se
passait au milieu des années mil neuf cent quatre-vingt-dix. Moi,
j'entendais ça et comptais mes sous. Aujourd'hui, je compte toujours
mes sous. Et mon ami riche, il est où ? Au cimetière, il est mort.
Et son million a été transmis à ses héritiers. A quoi il lui a
servi ? Essentiellement à la jouissance de se dire : « je
possède un million ». Pitoyable jouissance.
Mais ça ne suffit pas,
il ne faut pas laisser « dormir » l'argent, il faut qu'il
travaille. Je n'ai jamais vu des billets de banque ou des pièces de
monnaies le matin dans le métro partant travailler pour leurs
maîtres. Bon, c'est une expression, que signifie-t-elle ? J'ai trop
d'argent, alors « je le place ». Il y
a au moins quinze ans, j'entendais un gars parler à des amis à lui
de ses appartements. Son rêve était d'en posséder vingt, un dans
chaque arrondissement de Paris. Il louerait chaque appartement. Et
avec les juteux loyers payerait les traites de l'achat de chacun
d'eux pour lequel il aurait déjà versé une certaine quantité
d'argent. Puis, à la longue il posséderait en propre vingt
appartements garni à chaque fois d'un locataire versant un juteux
loyer. Et, à lui, la retraite confortable ! Il possédait déjà
quelques appartements et comptait bien arriver au bout de son projet.
Ainsi, vingt humains se
retrouveront ses otages à payer un gras loyer sous peine
d'expulsion. Et lui, il jouira du fric ainsi rapporté. Fable
capitaliste parfaitement morale... pour les capitalistes petits ou
grands.
A cet homme est
certainement odieuse la dénonciation de l'argent ou de son
accumulation pour le plaisir. Ou la dénonciation du montant excessif
des loyers empêchant plein de gens de se loger correctement. Pour
lui, l'argent, c'est sa vie.
Mais, où ira la richesse
accumulée par cet homme-là quand il mourra ? On n'a jamais vu un
coffre-fort suivre un enterrement ! Et alors ? Vous n'avez jamais
entendu parler de cet autre mythe financier : le « patrimoine »
?
J'ai un bien, je le
transmettrai à mes enfants. Il restera dans la famille. Drôle de
famille ! Elle se compose alors pas seulement d'humains vivants, mais
aussi, par exemple, d'un tas d'appartements.
Il s'agit ici d'un mythe
survivaliste : je continue à exister et gagne mon immortalité en
étant en quelque sorte représenté dans la famille par mon précieux
bien « transmis » à mes enfants. Seul hic, les enfants,
petits-enfants ou arrière-petits-enfants n'en ont généralement
rien à foutre du « patrimoine » transmis par leur aïeul.
Ils vendent, gaspillent, liquident... et hop ! Plus de
« patrimoine ». Mais, le mythe a la vie dure.
C'est aussi vrai la
plupart du temps avec papiers et objets. Combien d'objets ou papiers
plus que centenaires sont encore présents chez vous venant de vos
aïeuls ? Peu, en général, voire pratiquement aucun. Les brocantes
et les poubelles regorgent de précieux albums de photos de familles,
trésors devenus anonymes, bazardés par morceaux ou brulés avec les
déchets.
Le rêve de devenir
riche, millionnaire hier, milliardaire aujourd'hui, trotte dans la
tête de millions d'affamés. Ainsi, l'argent se trouve sanctifié
chez ceux qui ont faim. Avec ce mythe on fait acheter des billets de
loterie. En fait, c'est un mythe. L'argent est un rationnement. Et
par définition il doit manquer au plus grand nombre et assurer le
gavage d'une poignée.
Le rêve de la richesse
en fait impossible s'accompagne du cauchemar : les démons que
seraient les feignants, assistés, tricheurs, voleurs, tziganes,
étrangers, gens du sud, Grecs, etc. Eux, ils « profitent »
indument d'un argent non mérité. Comme si l'argent était
« mérité » ! La plupart des riches l'ont « acquit »
par héritage. Quels efforts ont-ils faits pour l'acquérir ? A part
se faire expulser du vagin de leur mère ?
Il existe de vrais
profiteurs et parasites : les banquiers, et les seuls assistés
nuisibles qui sont les actionnaires. Si on pense et parle comme ça,
on vous traite de communiste, révolutionnaire, anarchiste, etc.
Mais, il n'y a pas besoin d'être communiste, révolutionnaire ou
anarchiste pour constater que les riches sont de plus en plus riches
et les pauvres de plus en plus nombreux aujourd'hui. Il suffit de
lire les statistiques officielles, y compris dans des journaux
« bourgeois » et boursiers ! Pas besoin de lire « Le
Capital » ou le pavé de Piketty pour se rendre compte que le
capitalisme ruine la planète. Et la misère des Grecs causée par le
remboursement d'une dette énorme, artificielle et imaginaire s'étale
dans tous les journaux.
Mais, à ce point de la
critique arrive le mythe de l'Apocalypse : sans l'argent, tout va
s'écrouler. Il faut que l'argent existe, sinon c'est le chaos. Mais,
avec l'argent tout s'écroule. 50 % des jeunes sont au chômage en
Grèce. Combien le sont ailleurs ? Pendant que des imbéciles
augmentent la durée du travail, d'autres n'en ont pas. La corruption
et la colonisation financière est assurée par l'argent : la Grèce
vendue, l'Hôtel Dieu de Paris en voie de liquidation, l'hôpital du
Val de Grâce condamné, l'aéroport de Toulouse et le port du Pirée
vendus aux capitalistes chinois, tout cela n'est possible que parce
que l'argent existe. A bas l'argent et ses mythes ! Ils nous
entraînent droit dans le mur. L'argent n'a pas toujours existé, pas
plus que le capitalisme. Pourquoi devraient-ils toujours exister ? Si
cet outil et ce système ne fonctionnent plus, inventons autre chose
comme jadis ils furent inventés. Certains imbéciles ont dit
que les pays de la zone euro avait adopté « définitivement »
l'euro. Pour combien de millions d'années ? Y compris après la
disparition du système solaire ?
Basile, philosophe
naïf, Paris le 10 décembre 2014
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