Ces temps derniers on a
vu fleurir à nouveau à Paris un vieux débat : celui de la fin de
la prostitution obtenue par les moyeux répressifs de la loi.
Prétendre faire disparaître la prostitution grâce à un arsenal
juridique doublé de l'action de la police est une prétention aussi
absurde que de prétendre faire disparaître le vol ou la conduite en
état d'ivresse simplement en l'interdisant.
Et la férocité ne
résout rien, ne fait pas de miracles. Jadis les voleurs et les
braconniers étaient pendus. Le vol et le braconnage existaient quand
même et existent toujours.
La trouvaille qui a
séduit les partisans de la « disparition » de la
prostitution était la loi miracle : on allait sanctionner les
clients ! Résultat, la prostitution disparaîtrait faute de clients
terrorisés par le glaive de la loi. C'est méconnaître la réalité
de la prostitution et choisir de s'attaquer aux conséquences et non
aux causes de la prostitution. Ces causes sont connues et au nombre
de deux :
La misère matérielle
qui poussent des femmes et également des hommes et des enfants à se
prostituer. On ne se prostitue pas pour le plaisir.
La misère morale et
relationnelle qui conduit des individus à faire appel aux services
des prostitués. La plupart des clients préféreraient des
partenaires sexuels consentants et amoureux d'eux.
Il existe aussi des
personnes qui sont forcées par la violence de réseaux maffieux à
se prostituer, et aussi une faible proportion de personnes qui se
prostituent du fait d'un dérangement mental ou psychologique.
Je parle ici de la
prostitution prise dans son sens d'activité professionnelle.
Si on veut la voir
disparaître, il faut faire disparaître les deux misères :
matérielle et morale. Tant que la misère matérielle régnera et
s'étendra de par le monde, la prostitution prospérera. Et un million
de lois répressives sophistiquées ne parviendront pas à la faire
disparaître.
Il faut assurer les
moyens matériels contre la misère. Pour faire disparaître la misère
morale, c'est plus difficile. C'est, en particulier, une question
d'éducation. Mais, de nos jours, les brutes abondent.
Un moyen efficace de
réduire la misère matérielle est d'assurer un revenu décent pour
tous, par une mesure simple : établir un revenu de base correct
permettant de vivre décemment, versé à chacun de la naissance à
la mort, qu'il « travaille » ou pas. En fait, ce revenu
corresponds au travail fourni et non reconnu, non rémunéré, comme,
par exemple, le travail de gestation, parturition, élevage et
éducation des enfants. Si j'élève des souris blanches c'est un
métier : on me paye. Si j'élève mes enfants on ne me paye pas. La
non reconnaissance du travail de fabrication des enfants et de leur
accompagnement jusqu'à l'âge adulte est une des raisons majeures de
la prostitution. Si les femmes ayant un ou plusieurs enfants
n'avaient pas à se soucier de leur trouver de quoi se nourrir,
s'habiller, etc. une quantité innombrable de prostituées mamans de
par le monde cesseraient immédiatement de pratiquer cette
profession. Elles le font en raison du « chantage aux enfants »
: « tu aimes tes enfants, tu n'as pas de quoi les nourrir...
alors vends ton cul pour leur épargner la faim ! »
La prostitution n'existe
pas que sous sa forme plus ou moins illégale selon les pays. Il
existe aussi un certain nombre de formes de prostitution légale :
Se prostituer dans le
cadre conjugal. Accepter de se faire sauter par son mari parce qu'on
craint que si on refuse il s'en ira, laissant le foyer déserté et
sans ressources.
La prostitution pour des
câlins. La femme n'a pas du tout envie de passer à la casserole.
Mais, elle sait que si elle veut apprécier le contact et la chaleur
des bras de l'homme qu'elle aime, il lui faut au préalable accepter
les exigences de cul de ce connard. Généralement, cet état de
choses dure un certain temps, puis la relation casse.
La prostitution pour les
enfants : si on refuse le droit de cuissage à son mari, il s'en ira
laissant la femme s'occuper seule de ses enfants.
Une forme de prostitution
particulièrement vicieuse car rongeante et peu identifiable est
celle consistant à se prostituer à l'idée de « couple ».
On s'aime. Mais, on ne se désire pas. Mais, on va quand-même singer
les gestes de l'amour dit « physique ». C'est-à-dire
baiser parce qu'on est « un couple ». On baisera pour
devenir ce couple rêvé, idéal et... on gâchera la relation. Je
l'ai vécu.
Toutes ces formes de
prostitutions peuvent disparaître à condition d'anéantir leurs
causes : la misère matérielle et la misère morale. Et, dans la
misère morale : les idées fausses et l'ignorance.
Les discours sur
l'anéantissement de la prostitution par la répression sont du même
ordre que les discours sur la « tolérance zéro » contre
le crime. Ce sont des effets de manche électoraux pour tenter de
convaincre ce cochon d'électeur d'aller « veauter ».
C'est-à-dire être un bon gentil petit veau qui ne réfléchit pas.
Vote pour choisir son boucher. Et peut ensuite finir dans sa
boucherie.
On ne décrète pas plus
la disparition de la prostitution qu'on ne peut décréter le bonheur
universel. Quand bien-même le souhaiterions-nous, ça n'est pas avec
ces discours récités ou imprimés qui se nomment des lois, qu'on peut amener son
règne sur Terre.
Qu'est-ce que « la
loi » ? Un peu de mots appris par cœur ou d'encre sur du
papier, qu'on a cherché à revêtir d'une signification magique.
Je regardais dernièrement
une vidéo sensée prévenir les enfants contre les agressions
sexuelles. On y voyait un dessin animé où un homme vieux et moche
avec une grimace bizarre caresse la poitrine d'une enfant. Qui se
révolte. Et appelle d'autres adultes à l'aide, dont un policier.
Conclusion : ce genre de caresse est une agression sexuelle. Et elle
est interdite par la loi.
La forme du message
pêche. Tout d'abord parce qu'on doit dire qu'un agresseur peut être
un homme OU une femme OU un enfant... Et, si c'est un homme, il peut
aussi bien être jeune et beau.
De plus, condamner la
caresse en général comme « sexuelle » peut conduire à
d'autres problèmes. Causés justement par le manque absolu de
contacts physiques, y compris sains, qui amène des déséquilibres.
J'ai vu un jour un orphelin roumain complètement déséquilibré par
cette carence.
Enfin, dire qu'une chose
est à rejeter parce que la loi l'interdit, c'est mettre la charrue
avant les bœufs. Quand la loi est juste, c'est parce que quelque
chose est mauvais que la loi l'interdit. Si je dis à un petit enfant
: « ne touches pas à la porte du four qui fonctionne, c'est
interdit ! » j'aurais un discours inefficace. En revanche, si
je dis : « ne touches pas à la porte du four qui fonctionne,
car alors tu auras très mal, tu te brûleras, c'est pourquoi je
t'interdis de le faire », mon discours aura un sens. Il faut
expliquer le sens des lois. Sans compter qu'une loi n'est pas
toujours juste. Et qu'il faut justement en avoir conscience, pour
être prêt à y désobéir à l'occasion, comme ça s'est fait, par
exemple, sous l'Occupation avec les lois contre les Juifs, les
syndicalistes, les résistants... De plus, en temps normal, quantité
de gens font des choses, pas nécessairement intelligentes, justement
parce que c'est interdit. C'est pourquoi il faut toujours définir au
mieux la place et le rôle exact des lois.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 18 mars 2014
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