Une calamiteuse
conséquence de la peur en héritage est la dramatisation du
changement. Tout changement effraye, car il entre en résonance,
amplifie, évoque, éveille la peur en héritage. Peur d'autant plus
ravageuse que rien d'emblée ne permet de nous en rassurer étant
donné qu'héritée elle n'a pas de racine consciente en nous.
Cette dramatisation du
changement peut rendre effrayant et dramatique tout changement, y
compris objectivement anodin et sans importance, qui devient alors
subjectivement terrifiant et démesurément important.
Les exemples abondent et
expliquent quantité de comportements absurdes, illogiques,
irrationnels, incompréhensibles, chez les humains.
Quand en religion est
prôné une modification elle peut entraîner colère terrible,
violence, atrocité. A Paris, il y a quelques siècles, le seul fait
de manquer de respect à une hostie entrainait la mort assortie et
précédée de tortures... Or, il arrivait que ce « manque de
respect » émane simplement d'individus dérangés mentalement.
Ce n'était même pas une prise de position hostile à la religion,
mais l'expression d'un dérangement mental. Cependant, il s'opposait
à un état général de respect réel ou feint des masses. Changer
sa vision du fait religieux pour, par exemple, épargner les fous
sacrilèges, était trop effrayant. Car il impliquait d'affronter un
changement.... qui réveillait les peurs en héritage impossible à
affronter. Il était plus rassurant de réprimer les fous. Quand
bien-même il était évident qu'ils étaient fous.
Quand, de nos jours,
certains voudraient voir la contrainte du travail réduite, le temps
de travail considérablement diminué, l'obligation du travail cesser
d'être le plus souvent une activité abrutissante, désagréable,
aliénante, on voit quantité de gens s'y opposer. Crier à la
catastrophe au lieu de considérer les avantages du progrès
technique libérateur. Celui-ci aujourd'hui ne libérant personne,
car mis au service de la multiplication des chômeurs plutôt qu'à
l'amélioration de la vie des gens. Changer le travail remet en
question un état de choses très ancien. Et ce changement éveille
les peurs en héritage. Plutôt que les affronter, on voit des gens
qui aurait intérêt à ce changement s'y opposer. Y compris en
tenant des discours absurdes sur la croissance à tout prix et le
retour au plein emploi huit heures par jour, en fait inutile et
impossible.
En amour, le changement
également suscite l'horreur et des comportements extrêmes et
excessifs causés par les peurs en héritage. Quand on s'est mis « en
ménage », qu'on a vécu « en couple » et que le
couple se rompt, la fureur, le désespoir, l'envie de tuer l'autre,
qui rompt, peut vous envahir. Ces sentiments et comportements
violents ont pour origine la dramatisation du changement consécutif
à la ou les peurs en héritages.
En politique, que de
comportements extrêmes et absurdes rencontre-t-on ! Qui témoignent
de la peur du changement expression indirect des peurs en héritage.
Jusqu'à l'absurde. La volonté de ne rien changer à une orientation
ancienne et catastrophique dans le domaine économique anime
visiblement notre actuel président de la République. Il est
incapable de changer de voie, car il a peur d'essayer d'aller
ailleurs. On le voit même content et rassuré de scier
consciencieusement la banche sur laquelle il est assis, car il ruine
sa base électoral. Mais il est incapable d'agir autrement.
L'Europe est un autre
aspect du comportement absurde des humains. On a répété, ânonné
l'Europe depuis soixante-dix ans... à présent une masse de gens est
incapable d'abandonner son attachement irrationnel à un projet qui
entraine au désastre ensemble vingt-huit pays. Même des partis qui
seraient logiquement des opposants à l'Europe s'appliquent à y
faire référence, se prendre les pieds dans le tapis européen.
Jusqu'à l'étape suivante qui verra l'inverse : tout le monde
maudire ensemble l'Europe...
Car la dramatisation du
changement peut aussi amener son contraire : la dramatisation du non
changement. La peur est irrationnelle, ou plus exactement a son
fonctionnement propre, qui suit une logique particulière.
On voit même des humains
tellement terrorisés par la perspective de mourir, qu'ils vont se
suicider pour échapper à la peur de mourir plus insupportable à
leurs yeux que la mort elle-même.
Un domaine où la peur du
changement est souvent flagrant est celui de l'argent. Évoquez la
nuisance de l'argent, ça va encore pour beaucoup de gens. Mais,
suggérez de supprimer l'argent. Vous verrez alors la panique. Ah !
Non ! Supprimer l'argent ? Pas question !
J'ai même vu quelqu'un
m'affirmer que « l'argent a toujours existé » !!
L'absence de changement
rassure. Ainsi, une vieille institution, un objet ancien, une
tradition vénérable, charment plus d'un. Dans les brocantes et chez
les antiquaires l'amour pour l'ancien fait dépenser beaucoup
d'argent.
La peur ou les peurs en
héritages pourront également provoquer l'inverse : l'envie de
rejeter systématiquement ce qui est ancien.
De nos jours, nous sommes
habitués aux automobiles. Il y en a trop. On doit imaginer d'autres
solutions... Mais non, plutôt que changer, on fuit en avant et il y
a de plus en plus d'automobiles. Jusqu'aux centrales nucléaires que
nos politiques sont incapables d'envisager d'éliminer. Car ce serait
un changement. Et ce changement leur fait peur. Jusqu'au jour où la
peur s'inversera. Suite à un accident, ils voudront toutes les
fermer en catastrophe, ou pas. Ils se disputeront.
En 1983, quand, suite à
vingt-six années de réflexion j'ai abandonné la croyance
matérialiste, durant une année j'étais incapable d'en faire part à
qui que ce soit. Il m'a fallu encore trente ans pour arriver à
déclarer tranquillement que je suis « croyant » puisque
tel est le terme en usage. (Ceux qui croient en la non-existence de
Dieu sont aussi des croyants, mais ils refusent de l'avouer).
Comme tout changement
peut faire très peur du fait de la peur ou des peurs en héritages,
toutes nouvelles idées tend généralement à être rejetées ou
ignorées. C'est pourquoi, si mes idées sont nouvelles ou tout au
moins différentes de celles habituellement avancées, elles seront
ignorées ou rejetées. Ce qui fait que, par exemple, dans mon
entourage je vois une amie passionnée de philosophie lire une
quantité de livres. Et ignorer complètement mon blog philosophique.
Car lire des auteurs connus la rassure. Ils ne remettent pas en cause
son monde, ils en font partie. Leur existence ne change pas sa vie.
Et comme elle a hérité d'un sacré paquet de peurs, elle se trouve
bien uniquement avec ses philosophes habituels. Tout, plutôt que le
changement.
La peur en héritage a
encore de beaux jours devant elle. Peut-on y remédier, au moins
partiellement ? La question mérite d'être posée. Il existe sans
doute des solutions. Il faut en tous cas commencer par étudier ce
phénomène, l'analyser. Connaître ses conséquences pour tenter
d'agir contre lui. Ces peurs sont omniprésentes, mais ça ne
signifie pas nécessairement qu'on ne puisse pas au moins réduire
considérablement leur influence. Pour l'instant, seuls les éleveurs
de chevaux manient couramment la notion de peur en héritage. A ceux
qui s'occupent des humains, de l'amélioration de leur vie, de se
pencher sur la très intéressante et actuelle question de la peur,
ou des peurs en héritages, qui empêchent de vivre et s'amuser de
vivre.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 26 décembre 2014
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