La misère, la guerre, la
prostitution, le trafic d'humains, armes, drogues, la propagande pour
le fanatisme et les sectes, l'abrutissement télévisuel, la
pourriture publicitaire, la prospérité des drogues légales comme
le tabac et l'alcool, le parasitage social dans le domaine de
l'amour, et mille autres horribles fléaux ravageant et dévastant
océans, montagnes, forêts, villes et Humanité entière n'existent
aujourd'hui que parce que l'argent et le capitalisme existent.
La corruption et la
colonisation financière est assurée par l'argent : la Grèce
vendue, l'Hôtel Dieu de Paris en voie de liquidation, l'hôpital du Val de Grâce
condamné, l'aéroport de Toulouse et le port du Pirée vendus aux
capitalistes chinois, tout cela n'est possible que parce que l'argent
existe. Mais l'argent n'a pas toujours existé, pas plus que le
capitalisme. Si cet outil et ce système qui n'ont pas toujours
existé ne fonctionnent plus, il
faut inventer d'autres choses pour les remplacer, mais quoi ?
J'ai
entendu pour la première fois parler de l'autogestion peu après les
événements de mai et juin 1968. C'était au moment de la campagne
électorale pour les présidentielles de 1969. Rocard, alors
dirigeant d'un parti appelé PSU vantait à la radio l'autogestion
yougoslave.
Pour
ma famille, c'était plutôt de la contre-publicité. La Yougoslavie
ne nous faisait pas rêver. A l'époque, et encore durant des années,
on voyait poser la question suivante : « si vous êtes pour le
socialisme, lequel préférez-vous ? Le russe, le chinois, le
yougoslave ou le suédois ? Et ne préférez-vous pas plutôt la
prospérité à l'américaine ? » On était sommé de choisir
son « paradis » sur Terre, son modèle incomparable de
société future française.
Le
temps a passé, il n'y a plus aucun modèle de « socialisme »
sur le marché. Et le capitalisme a étendu son empire sur la planète
entière. Il ne fonctionne plus. Il ne fabrique pas de la richesse
mais de la misère. Il ne produit pas la paix mais la guerre. Il ne
développe pas la Culture mais sert de terreau à des fanatismes
divers. Il est plus que temps de lui trouver un successeur.
Entendant
des militants dits « de gauche » ânonner le mot
« autogestion », j'en suis arrivé à trouver que ce mot
leur servait en quelque sorte de gadget. Une formule magique en guise
de réponse à la question : « qu'est-ce qu'on met à la place
du capitalisme ? » Je viens de changer d'avis et vais ici
expliquer comment.
J'ai
ouvert un livre de Voline intitulé : «La Révolution oubliée ».
Dedans, vers les pages 259-266 est raconté une anecdote de la
période de la révolution russe d'octobre 1917. A Petrograd, le patron de
la grande usine Nobel a fuit. Les 4000 ouvriers ont décidé de
remettre la production en route.
Voline
interroge leur assemblée. Mais, leur demande-t-il, avez-vous prévu
comment alimenter l'usine en énergie ? Oui, répondent les ouvriers.
Nous avons une commission qui s'est chargé de cette question pour
assurer l'arrivée de l'énergie. Mais, demande Voline, pour la
livraison des produits finis et la réception des fournitures
indispensables à la production, avez-vous prévu de régler le
problème des transports ? Oui, répondent les ouvriers, nous avons
organisé une commission qui a contacté les travailleurs des chemins
de fer et tout est prévu pour fonctionner. Et s'agissant des
clients, comment allez-vous faire ? Demande Voline. Les clients ?
Répondent les ouvriers, aucun problème, nous les connaissons et
arriverons également à gérer cet aspect de la production. Je cite
de mémoire, mais le sens y est.
Et
là, la vérité m'est apparue clairement. Les ouvriers qui
auto-gèrent l'usine ne font que prendre la place des patrons, qui
font exactement la même chose : assurer l'alimentation de la
production en énergie, matériaux, outils, livraison des produits
finis et négociations avec les clients. Ils font exactement la même
chose à une différence fondamentale près : le patron bichonne les
intérêts de lui et ses amis actionnaires. Les ouvriers pensent à
l'ensemble des ouvriers. En fait, « l'ordre » capitaliste
est un gigantesque désordre. On le voit bien aujourd'hui avec « la
crise ». Plus et mieux on produit, plus il y a de la misère
pour le plus grand nombre et trop de richesses pour une poignée.
L'autogestion c'est l'ordre enfin établi : l'ensemble des
producteurs produisent pour satisfaire l'ensemble des besoins réels
et pas la fringale absurde des milliardaires.
Les
tenants de l'autogestion ne semblent pas savoir l'expliquer
clairement. Et brandissent souvent le mot détaché de son sens. Ils
feraient mieux de l'expliquer.
Durant
les événements de mai et juin 1968, il y eut une grève générale
de dix millions de travailleurs qui fut trahie et brisée par les
directions syndicales. Cependant, au cours de cette grève survint un
phénomène très instructif et intéressant dont personne ou presque
n'a parlé :
L'ensemble
des hôpitaux de l'Assistance publique parisienne était en grève.
Au Kremlin-Bicêtre un grand hôpital s'est retrouvé sans direction.
Les employés grévistes en prirent le contrôle et le firent
fonctionner. Ça se passa très bien et dura au moins durant deux
semaines. Il n'y avait plus de patron représentant l'état. C'était
l'autogestion appliquée et réussie à l'échelle d'un grand hôpital
de la région parisienne.
La
grève terminée et trahie, la direction repris... la direction. On
s'appliqua soigneusement à « oublier » l'épisode
autogestionnaire. C'est un des gestionnaires de cette autogestion
ouvrière de mai et juin 1968 qui m'en a parlé il y a bien des années.
L'autogestion
ça n'est pas autre chose que les producteurs s'emparant de la
production. Et ôtant son contrôle des mains de ceux qui la
parasitent. Et sont incapables de la faire fonctionner correctement.
Leur incapacité ayant été baptisée ces dernières années : « la
crise ».
Les
ouvriers de l'usine Nobel de Petrograd ne purent expérimenter
l'autogestion. Un pouvoir prétendument ouvrier s'étant substitué
au pouvoir bourgeois classique interdit l'autogestion et ferma
l'usine en décembre 1917. Par la suite, une riche bureaucratie
étatique se substitua aux patrons et actionnaires traditionnels. Ce
fut le règne du capitalisme d'état qui devait durer sept décennies
avant le retour au capitalisme classique en Russie. Tel que nous le
connaissons encore aujourd'hui.
L'autogestion
ne devrait faire peur à personne, sauf aux ultra-riches. C'est
plutôt le capitalisme tel qu'il existe aujourd'hui qui a de quoi
nous faire peur.
Aujourd'hui
à Paris, a lieu pour la première fois dans l'histoire de France,
une manifestation commune de notaires, huissiers et avocats. Ils
s'opposent à la « loi Macron », qui doit les ruiner. Si
les capitalistes en sont à vouloir ruiner et affamer les avocats,
notaires et huissiers, c'est dire que les personnes de condition
modeste ne pèseront pas lourd face aux appétits cannibales des
ultra-riches et leurs serviteurs.
Il
est grand temps de balayer le vieux fatras capitaliste. Je ne me
réjouis pas de voir les notaires et huissiers ruinés, car je sais
que ça signifiera que moi aussi je n'aurais plus de quoi vivre même
très modestement. C'est l'amorce pour la France du cauchemar grec.
Je n'en veux pas. C'est pourquoi je suis solidaire des avocats,
huissiers et notaires contre la loi Macron. Et suis solidaire de tous
ceux qui résistent aux ignominies bruxelloises.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 10 décembre 2014
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