samedi 26 janvier 2013

80 Binôme, couple et mariage


La base fondamentale d'organisation humaine est le binôme. Il consiste en l'association libre de deux individus. Ils peuvent bien sûr chacun participer librement en même temps à plusieurs binômes différents.

Un binôme n'est pas sexuel. Il consiste en ce qu'entre deux personnes on retrouve trois éléments : la confiance réciproque, la solidarité active et l'intimité. Concernant ce dernier terme, il signifie qu'on se sent à l'aise. Et on n'a pas grand chose à cacher à l'autre. Je me souviens d'une intimité très forte vécue avec une amie. Un de ses moments privilégiés était non pas quand elle se déshabillait, mais au contraire, quand elle s'habillait pour partir travailler. On se sentait absolument ensemble parce que ce geste intime consistant à s'habiller, elle le partageait avec moi. J'ai senti aussi cette proximité avec une autre amie du temps où elle se construisait une mezzanine chez elle. Je me sentais parfaitement en accord avec elle. J'ai éprouvé le même sentiment au cours d'une randonnée à vélos avec elle le long du chemin de halage du canal de l'Ourcq. C'est dire à quel point la notion d'intime que j'évoque ici est loin de toutes connotations obligatoires avec la sexualité.

Le binôme est fréquemment caché à la vue par la notion de « couple » qui implique une relation sexuelle. En fait, le couple est une invention culturelle. Il est inexistant dans certaines cultures. Et régit de façons très différentes suivant les lieux géographiques et les individus concernés. L'enfumage rencontré fréquemment consistant à prétendre que le couple suit un modèle unique et immuable. Une jeune femme a été jusqu'à m'affirmer un jour que le couple était en démonstration dès la petite enfance ! Quand un enfant déclare avoir un amoureux, il serait déjà en quelque sorte « en couple ». Prétention absurde quand on écoute attentivement la parole enfantine. De même que les enfants rêvent souvent d'être pompier, aventurier, vétérinaire, cow boy ou explorateur, ils s'imaginent papa, maman et mariés. Une petite fille me disait il y a une vingtaine d'années « j'ai échangé mon amoureux avec ma meilleure copine contre un sac de billes. »

Cette rage de justifier les structures existantes de la société se retrouve aussi chez ceux qui justifient le couple humain en faisant référence aux espèces animales qui vivraient en couple leur vie durant telles que l'oie, le loup ou le manchot. Cette prétention est comique. Car elle consiste à invoquer un aspect de la vie animale en oubliant les autres. Si nous sommes des loups, nous mangeons de la viande ou des manchots nous mangeons du poisson, crus et rien d'autre. C'est absurde. De plus cette invocation de la Nature est sélective. Si nous sommes réduits à notre nature, alors il faut aussi justifier pour la même raison par exemple le fait d'aller nu dehors quand il fait chaud.

Ce que je récuse dans la prétention à l'existence du couple et à sa réglementation légale : le mariage, c'est la prétention à l'intrusion de la chose publique dans la vie privée. Il est question ici de « consommation » officielle du mariage. Comme si en quelque sorte on le mangeait ou on mangeait l'autre ! De « séparation de corps » : mais de quoi le législateur se mêle-t-il donc ? En particulier je trouve un aspect de la loi que je rejette absolument : « les époux se doivent fidélité »; Ce qui dans le jargon légal signifie qu'ils sont tenus à baiser ensemble ! La Magistrature met son nez dans nos slips et sous nos draps. Je n'ai pas de compte à rendre ainsi aux autorités. Je suis libre y compris de vivre avec quelqu'un sans coucher avec. Ça ne regarde que nous deux et pas l'État.

Ou alors on fait comme la nuit de noces du Dauphin de France à laquelle s'invitait le roi en spectateur pour vérifier que les nouveaux mariés consommaient bien le fruit défendu.

Un ami qui était fiancé avec une jeune fille grecque dans les années 1950 m'a raconté une histoire similaire qui lui est arrivé en Grèce. Une nuit il sent que quelqu'un retire doucement le drap sous lequel il dort nu vu la chaleur. Il fait semblant de continuer à dormir. Et observe très discrètement. Il voit ses futurs beaux-parents et quelques autres membres de sa future belle-famille le regarder un long moment. Pour vérifier s'il est bien conformé physiquement. Puis ils remettent le drap. J'ignore si ce fut la raison, mon ami ne me l'a pas dit, mais par la suite il a rompu les fiançailles.

Croire que le binôme c'est le couple et que son ciment est sexuel est une prétention courante de nos jours. Au début des années 1990, une amie m'expliquait comme inéluctable la séparation qu'elle avait connu d'avec son petit copain. Pour preuve, elle invoquait qu'ils ne faisaient même plus l'amour. Le certificat d'amour se passe et remet à jour au lit. C'est un contrôle continu. On est un binôme parce qu'on couche régulièrement ensemble. Hier, c'était parce qu'on était marié ensemble.

Réduire la binômie au couple et au mariage indissociable d'une obligation sexuelle exclusive. Le coït impératif avec un partenaire qui occupe tout le champ de votre vie. Me paraît abusif et inhumain. Je revendique le droit légitime de vivre la relation de confiance, solidarité, intimité avec le nombre de gens que sera. Et être libre d'avoir avec ou non une relation à caractère sexuel ou pas.

L'équation jalousie ou débauche est caricaturale. Si on suit son cœur, on est très loin de vouloir coucher frénétiquement. On est plutôt calme, serein, tranquille. Ce sont les personnes liées par contrats et enfermées dans la jalousie qui se sentent frustrées, rêvent d'orgies et en font parfois.

Le contrat de mariage présente une anomalie. Il est en principe, sauf dénonciation, à durée illimitée. Or un engagement officiel à vie ne devrait jamais exister. Ça n'est pas humain. Il faut qu'il soit reconductible. La reconduction donnant lieu à autant de fêtes correspondantes. Si on s'entend bien, on se remarie un grand nombre de fois avec la même personne. Chaque échéance est une fête. Et si on ne s'entend plus, eh bien on ne renouvelle pas.

On fait aujourd'hui beaucoup de bruit autour du mariage pour tous. Le président de la République qui le défend a passé sa vie en concubinage. Son prédécesseur lui a divorcé trois fois ! Nous avons vraiment à la Magistrature suprême de la France des spécialistes de l'union matrimoniale à vie.

Le mariage n'est pas lié à l'amour. On peut se marier sans s'aimer. Ce qui est triste c'est de voir certains croire que le mariage régit l'amour, l'union entre les êtres. Alors que seuls les sentiments inter-agissent entre deux personnes. Et échappent au contrôle étatique.

J'ai l'impression que certains homosexuels s'imaginent qu'en accédant au mariage, ils feront reculer les comportements homophobes. En fait, l'homophobie est intolérante et irrationnelle. Seules les personnes qui rejettent l'homophobie verront dans le mariage pour tous un progrès. Les homophobes se replieront un peu plus sur eux-mêmes et en voudront encore plus aux homosexuels.

L'actuelle campagne contre le mariage pour tous en fait bien la démonstration. Les homophobes sont littéralement déchainés contre l'octroi d'un bout de papier légal que déjà des millions de personnes en union libre ne cherchent pas à mettre dans leur vie.

Chacun de ceux qui plaident pour ou contre le mariage homosexuel font du mariage un droit fondamental alors qu'un grand nombre de gens y ont déjà renoncé. La promotion de la binômie m'apparaît nettement plus importante que ce qui concerne l'arsenal juridique qui prétend régler la relation intime entre les humains dans notre société. Je vais sans doute me marier, y compris à l'église, pour faire plaisir à mon amie. Mais seule la relation avec elle m'importe. La cérémonie, les discours et papiers officiels m'apparaissent appartenir au folklore. Un peu comme ces châteaux-forts de jadis, hier disputés et symboles de pouvoir, et aujourd'hui réduits au rang de tas de cailloux touristiques. Le mariage est un cœlacanthe social, un souvenir des temps anciens, une relique du passé. C'est un reste de l'époque où le cocufiage était en France puni de prison pour les dames.

Basile, philosophe naïf, Paris le 25 janvier 2013

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