dimanche 20 janvier 2013

74 La merveilleuse année 1818


En lisant quantité d''auteurs qui parle du dix-neuvième siècle, on apprend que la population française fut « Prise en étau entre le souvenir de l'épopée révolutionnaire et impériale et le présent beaucoup plus terne de la Restauration ». Et que dans les années 1820 elle regrettait amèrement ce brillant et mouvementé proche passé. Cette « kolossale » ânerie est proférée de bonne foi par des auteurs consciencieux qui la répètent sans se poser de questions.

Certes, il y eu certainement des Français pour regretter une époque tragique qu'ils avaient vécus parce que c'était simplement celle de leur jeunesse, et d'autres aussi qui y restaient attachés pour d'autres motifs. Mais qu'en fut-il exactement pour le plus grand nombre ?

Depuis 1792 jusqu'à 1815 la France connut vingt-trois années de guerres étrangères. Et aussi de conflits internes, telle que la guerre civile en Vendée et Bretagne, ainsi que toutes sortes d'autres épisodes répressifs sanglants dont le plus connu est la Terreur. Ces bouleversements coûtèrent à notre pays la vie de centaines de milliers de personnes. On estime à six millions les pertes totales en vies humaines engendrées par la folie guerrière de Napoléon 1er et ceux qui s'affrontèrent à lui.

Que de vies bouleversées et de destructions ! Après la déroute de la Grande Armée en Russie, durant l'hiver 1812, vint le printemps 1813 et le dégel. Les militaires vaincus avaient laissé sur la terre russe les dépouilles d'innombrables chevaux qui se mirent alors à pourrir. Le spectacle fut si impressionnant que le mot « chval », du français « cheval », est resté depuis dans la langue russe avec le sens de « charogne ».

Mon père eut en Russie dans les années 1910 un précepteur russe du nom de Courvoisier, qui descendait d'un soldat français de Napoléon 1er resté en Russie après la défaite napoléonienne.

Après la bataille de Waterloo, la France fut occupée jusqu'en 1818.

Les derniers occupants quittèrent le sol français au mois de novembre. Et alors la France, pour la première fois depuis presque trente ans se retrouva en paix.

Contrairement aux boniments des nostalgiques d'épopées sanglantes qu'ils vantent, assis confortablement à leur bureau, le peuple français fut immensément heureux d'avoir enfin vu clore un épisode guerrier qui avait duré vingt-six très longues et très meurtrières années.

L'année 1818 est marquée en France par la naissance d'une multitude de joyeuses sociétés chantantes : les goguettes. La paix retrouvée amène la fête, le rire, la poésie et la chanson.

Le peuple n'est pas le produit des historiens. Les mensonges sur son histoire, oui.

Nous pouvons célébrer à notre tour la merveilleuse année 1818, ou plus exactement son souvenir.

Je propose que les quatre chiffres « 1818 » deviennent un motif décoratif dans le mouvement de renaissance des goguettes dont j'ai pris l'initiative il y a environ deux ans.

Sur nos costumes, objets souvenirs, peintures, sculptures, emblèmes, bannières, n'oublions pas 1818. L'année merveilleuse où le peuple de France, enfin délivré de la guerre, se lança dans la poésie et la joie des goguettes. Oui, célébrons et honorons le souvenir de l'année où il a posé le fusil pour le remplacer par la plume et où le bruit du canon a laissé la place à la chanson.

Basile, philosophe naïf, Paris le 20 janvier 2013

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