mardi 26 mai 2020

1301 La veste de golf

Une poétesse
Dame assez riche,
M'a offert un jour
Un très beau présent.
Une veste de golf.
Je n'avais jamais vu
Ni possédé
Un vêtement aussi chic.
Elle m'allait très bien.
Il allait falloir l'inaugurer,
Assurer sa première sortie.
Mais voilà,
Une dame de l'entourage
De ma généreuse donatrice
Et vague parente
Visiblement n'appréciait pas
Qu'un si resplendissant objet
Échoue dans la garde-robe
D'un misérable poète
Pauvre, pouah !
Un Russe inconnu
À la famille
Ruinée par la Révolution,
Et devenu balayeur.
Quelle horreur !
Elle ne cachait pas sa pensée,
Me disant que le don à moi
De cette belle veste
Était mal venu, n'était pas justifié,
Était une erreur.
Elle réservait ce présent
À un homme chic
De son entourage.
Cette dame m'a fait un charme fou.
Devant ce tir de barrage
De Cupidon,
Ce bombardement de l'Amour,
Ces shrapnels d’Éternel Féminin,
Mon cœur de poète
S'est illuminé, embrasé,
Carbonisé, soumis
Et asservi.
Ma séductrice n'a pas eu
Trop de mal pour y arriver.
Comment un vieux garçon
Sentimental et solitaire
Pourrait résister
À une telle offensive ?
Sous le feu de ses bisous
La capitulation était inévitable.
J'ai déposé les armes,
Toute résistance était impossible.
Les fortins de la ligne Maginot
De mon cœur
Se sont tous rendus.
Drapeaux blancs
Sur toute la ligne de front.
Heureuse capitulation !
Cette dame me promettait,
Sans rien me donner,
À part quelques bisous un peu appuyés
Sur les joues,
Mais hors d'œuvres
De folles nuits d'amour.
Me promettait,
Que dis-je, m'assurait
De tout son merveilleux cœur de femme,
De dame d'honneur de Vénus,
D'esclave d'Aphrodite,
De suivante d'Astarté,
D'héritière de Cléopâtre
Et Marilyne...
L'amour, la tendresse,
Une agréable compagnie,
Bref, ma vie transfigurée
Par la grâce d'une personne
Qui se donnait à moi
Et ne me demandait rien.
Si, la veste de golf.
Devant une telle chance,
Une telle générosité,
Un tel avenir doré,
Que pesait cet équipement
De golf, auquel je ne joue pas ?
Sans aucune hésitation
J'embarquais l'objet
Et le portais
À notre rendez-vous.
Ma future compagne
Embarqua la veste
Dans un grand sac.
Je la vis s'éloigner.
Et depuis ce jour
Je n'ai plus jamais entendu parler
De la belle récipiendaire
Et de son précieux objet.
J'ai ainsi eu le potentiel
De me vêtir très chic.
Ce potentiel a duré
Trois ou quatre semaines
Il y a bien longtemps.
J'aurais pu ainsi
Concurrencer en élégance
Mes ancêtres
Qui, dans leur grand palais,
Aujourd'hui bibliothèque d'état
De Russie,
Prenaient le thé
Avec le tsar,
Et le rendait parfois
Cocu.
À défaut de posséder
L'élégance du passé,
J'en conserve au moins
Le souvenir.
Il m'a permis d'écrire
Aujourd'hui,
Cette poésie,
Qui, j'espère
Vous a apporté
Un peu de bonheur.

Basile
Paris, le 26 mai 2020

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