Pour combien de femmes
aujourd'hui « faire l'amour » se résume à écarter les
jambes et attendre que ça se passe ? Cependant que Monsieur se
branle consciencieusement dans un vagin en étant persuadé de
réaliser un acte relationnel ? Il n'est rien de plus fréquent que
la surdité masculine à la sensibilité féminine. Persuadé que son
zizi, son érection et son éjaculation sont le centre du monde de
leur compagne, un nombre énorme d'hommes résument celle-ci à un
trou consentant. Et cette gymnastique baptisée « faire
l'amour » serait l'alpha et l'oméga de la relation
d' « amour ». Ne dit-on pas justement « faire
l'amour » ou « finaliser » ?
A partir du moment où la
femme n'exprime pas exactement le désir symétrique et
complémentaire de ses obsessions intromissives, l'homme proclame
qu'elle est « incompréhensible » ! Curieuse conception
du dialogue et de la complémentarité. Fait ce dont j'ai envie, sois
ce que je veux que tu sois et « je te comprendrais »,
« je t'accepterais » !
Quand la femme se trouve
réduite à un trou, il ne lui reste que trois choix possible : la
fuite, le rejet et l'adaptation. Mais quelle adaptation ? A partir du
moment où une femme considère que l'homme est chiant mais qu'il
faut faire avec, elle se dit : « s'il est chiant, au moins
tirons-en des compensations ». Et alors s'ouvre « le
marché du cul ». Dans ce marché, on cesse de donner, on
échange.
C'est ainsi que j'ai vu
deux jolies filles se dire : « l'homme est chiant, mais au
moins que le mien soit très beau. » Et c'est ainsi qu'elles
collectionnent les très jolis garçons, qu'elles finissent toujours
par jeter. Car ils sont trop cons et chiants à la longue. Mais,
elles ne désespèrent pas et continuent leurs pérégrinations
gymnastiques.
Quand on idéalise, on
poétise, on rêve... on veut ignorer la réalité sordide de ce
marché qui fait des partenaires des êtres misérables et
calculateurs. On se dit : « moi, je donne, je ne prend pas, je
suis différent des autres, bon, généreux, attentif,
désintéressé... » Las ! On est juste un OVNI dans un marché.
On vient chez le marchand de fruits. On lui dit : « vos fruits
sont beaux. Vous êtes heureux de les proposer. J'aime vos fruits. »
Vous tendez la main pour en gouter un. Et là, la poigne du marchand
s'abat sur votre main tendue et il s'écrie : « le kilo c'est
trois euros ! » Dans le marché du cul, c'est pareil. Vous
pouvez rêver, complimenter, imaginer vous entendre de manière
désintéressée. Si vous n'avez pas le profil attendu, vous serez
ignoré, fuit ou rejeté.
Une jolie fille que j'ai
croisé un jour me disait chercher l'amour. Je lui demandais
perfidement : « et si vous êtes amoureuse d'un garçon fauché,
le rejeterez-vous pour cette raison ? » Elle a hésité un
instant, puis a acquiescé. Mais bien sûr, en général on ne dit
pas d'emblée : « je veux coucher avec un homme ou une femme
ayant un CDI, un bon salaire, un appartement de deux pièces et une
automobile ». Ça ferait pute. On dit : « je ne veux pas
me retrouver avec un homme ou une femme que je devrais entretenir. »
Toute la subtilité est dans la formulation pour dire en fait
exactement la même chose, mais présentée joliment. On ajoutera
quelques belles phrases où apparaîtront les mots « amour »,
« bonheur », « famille ». Et hop !
D'intéressé on passera au rang de « raisonnable »,
« ayant les pieds sur terre ». On dit que « l'amour
est aveugle ». Mais certaines personnes ont tout à fait par
hasard le chic de « tomber amoureuses » de créatures
promises à un bel avenir professionnel ou déjà bien installées
dans la vie. J'ai connu ainsi une jolie fille qui proclamait haut et
fort être résolue à ne pas travailler. Elle est tombée amoureuse
et a épousé comme par hasard un futur médecin. Cupidon a le sens
des affaires ! Et la poésie dans tout ça ? Mais, croyez-vous que la
vie soit de la poésie ? Dans la vie, seul le fric compte ! Mais chut
! Il ne faut pas le dire trop fort, ça ferait vulgaire. Parlons
d'« amour » et gardons bien les pieds sur Terre et la
main sur le portefeuille !
Basile, philosophe
naïf, Paris le 21 avril 2016
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