Qu'est-ce que « l'état
amoureux » ? On est joyeux, de bonne humeur, optimiste, on n'a
peur de rien, on se sent bien, insouciant, accepté, protégé, caressé, écouté,
apprécié... Et si « l'état amoureux » était notre
état normal et l'état « inamoureux », néologisme pour
dire « non amoureux », était un état en fait anormal,
insuffisant, perturbé, déficient, malade ? La société ayant fait
de l'état amoureux une dépendance, un otage de choses qui n'ont pas
lieu d'y être forcément associé ?
S'agissant d'une relation
d'un humain avec un autre humain, il existe quatre catégories : on
est au plus « juste amis », « on reste amis »,
c'est-à-dire qu'on ne se touche pas. Si on s'effleure
accidentellement on s'empresse de s'excuser. Ou alors on fait
semblant de se rapprocher, mais juste un peu. On « flirte ».
Dans les années 1950, une dame qui a aujourd'hui 74 ans, me disait
qu'on lui conseillait dans sa famille quand elle était jeune fille :
« rien en dessous de la ceinture ». En résumé plus
crûment : les mains, la bouche, les nichons, oui, mais pas le cul.
« Au delà du
flirt », il y a « l'aventure », rebaptisé
vulgairement de nos jours « plan cul », pratiquée
éventuellement avec un « fuck friend », ami de baise,
qu'on voit juste pour ça. Et, enfin, il y a le summum : l'amour,
c'est-à-dire la baise plus la jalousie et le paiement en commun des
notes de gaz.
C'est ainsi que de nos
jours fonctionnent et raisonnent de nombreux millions de personnes en
France. Mais, si on ne se coule dans aucune de ces catégories ? Si
on pense que l'amitié et la caresse peuvent s'associer. Que le flirt
et l'aventure sont des conneries et le mariage souvent une
hypocrisie, que devient-on alors aux yeux de l'entourage ? Un OVNI,
un Martien, un mutant, un être bizarre et incompréhensible.
J'observais dernièrement
une jolie femme classique. Pour elle n'existent entre un homme et une
femme que les quatre catégories réglementaires : juste amis,
flirteurs, baiseurs, ou mariés ou concubins. Avec moi elle s'est
laissé aller à des câlins qui n'étaient ni le flirt, ni la
drague, ni la recherche du mariage. Trop difficile d'être simple et
inhabituel. Elle y a mis brusquement un terme. Et a ensuite déployé
des trésors de séduction à mon égard, non pas pour chercher
quelque chose avec moi, mais en suivant la stratégie de l'araignée
végétarienne. Elle emprisonne complètement le moucheron mais ne le
mange pas. Ça lui fait plaisir de le voir paralysé et en
souffrance. Ça la valorise car ça veut dire qu'elle est toujours
baisable et cotée à l'Argus du cul. Comme je ne donnais pas signe
de succomber à son charme, elle est restée fort perplexe. Et a
cherché à me pousser dans les bras d'une autre. Rien à faire, le
flirt ou l'aventure ne m'intéressent pas. Je suis un mutant dont
elle n'arrive pas à saisir le fonctionnement.
Une autre femme n'a pas
fait un problème de ma conduite. Faire des câlins qui ne sont ni
fleurtage ni aventure lui est habituel. Là où ça devint difficile
en revanche, ce fut avec une troisième femme. Je lui expliquais ma
manière de voir les relations entre l'homme et la femme. Elle fit
mine de m'approuver. Et, au moment de nous quitter, plutôt que me
faire une bise elle me tombe dans les bras ! Surpris et sous le
charme, j'attends de la revoir une semaine après. Elle ne vient pas.
Et j'ignore son adresse et son téléphone. Souffrance et puis
raisonnement : cet état qu'elle a déclenché en moi en me prenant
dans ses bras, c'est un état amoureux. Mais qu'est-ce donc ? C'est
la sortie momentanée du triste état inamoureux habituel. Rien que
ça et il faut réagir. J'ai été à un concert. A la fin de
celui-ci j'ai invité à danser une femme que je trouvais très
belle. Et dans ma tête ai fabriqué un contre-fantasme. La fille qui
m'a posé un lapin est très belle... Et bien, celle-là est très
très belle. Penser à la femme au lapin ? Mais non ! Penser à
l'autre avec laquelle j'ai dansé. Résultat, j'ai cassé le fantasme
de la femme au lapin. Et le fantasme de la femme avec laquelle j'ai
dansé, je l'ai cassé en admirant une troisième femme. Me voilà
indemne et sorti d'affaire.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 19 avril 2016
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