samedi 22 décembre 2012

34 Les « grands initiés »


Dans notre culture, il est classique de parler de « grands initiés ». On nous les présente souvent comme des personnes hors du commun, presque des sortes de « surhommes », qui ont accédé à un savoir secret et mystérieux, ésotérique voire magique, réservé à une « élite », et leur permettant d'acquérir des pouvoirs supra-normaux. Ce serait autant dire des « mutants par le savoir », appelés à devenir nos « gourous », nos « maîtres ». Je ne souscris pas à ce type de définition, bonne pour des romans ou des publications commerciales à prétention « sensationnelles ».

Nous avons tous à progresser dans la compréhension du monde dont nous avons hérité de notre milieu culturel et familial. Cette progression s'effectue en nous par la recherche personnelle et pas par l'accès à des livres de recettes magiques et providentielles. Quand nous progressons, nous nous simplifions, débarrassons d'idées fausses et préconçues, élargissons notre champ de vision et augmentons l'audace de notre pensée contre la misère de la « pensée unique » qui cherche à nous empêcher de nous servir de notre tête.

Ainsi, avec les années, nous franchissons étape après étape un chemin de connaissance et de reconnaissance de la réalité, qui nous permet de mieux découvrir le monde. On peut le figurer comme une succession de portes intérieures que nous franchissons l'une après l'autre.

Cette progression est tout à la fois théorique et pratique, intellectuelle et sentimentale.

Il arrive parfois que nous franchissions une grande étape d'un coup, plus qu'une porte, un très grand portail.. Après celui-ci, nous réalisons que notre vision d'un très grand nombre de choses s'est modifiée d'un coup. C'est comme un éclairage nouveau se projetant sur un ensemble de faits et connaissances qui nous étaient déjà familiers.

Nous remarquons alors que cette progression est personnelle et qu'il nous est impossible de la faire directement partager aux autres, car aucun discours ne peut parvenir à rapporter notre vécu.

La plupart de nos contemporains ont le cerveau bridé par la censure de la société. Quand nous dépassons celle-ci par un pas important, on peut dire que nous devenons de « grands initiés ».

Pour prendre un exemple : dans un texte antique grec que j'ai vu citer, un philosophe parlait de la condition de la femme et du travail domestique. Ses propos paraissaient à moi des plus modérés. Mais, un commentateur actuel avait ajouté à ce texte que certainement le philosophe antique avait abouti à des conclusions bien plus audacieuses. Il aurait acquit la certitude de l'égalité entre la femme et l'homme. Mais, en son temps, une telle affirmation paraissait beaucoup trop audacieuse, alors il avait modéré son propos.

Si cela est vrai, ce philosophe correspond bien à ce que j'entends comme étant un « grand initié ». Par notre progression personnelle, nous pouvons tous tendre à le devenir, sans pour autant prétendre nous transformer en magnétiseur, oracle ou magicien.

Dans les arts, nous pouvons également devenir de « grands initiés ». A une dame qui lui posait la question : « est-il facile ou difficile de composer un opéra ? » le compositeur Reynaldo Hahn répondait : « Madame, la question est mal posée. Ou c'est facile, ou c'est impossible ! » Celui pour qui il est facile de composer un opéra est un grand initié dans le domaine de l'opéra. Et sans prétendre toujours arriver à devenir un « grand initié », fixons-nous inlassablement pour but de progresser notre vie durant par rapport à nous-mêmes.

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 décembre 2012

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