mardi 24 janvier 2017

716 Sortir des sentiers battus de la morale sexuelle

Jadis certains papas croyaient bien faire en emmenant leur fils de treize ans au bordel pour « le déniaiser ». Version modernisée de cette pratique, quand j'ai eu vingt-deux ans ma mère et notre médecin de famille me mirent littéralement dans les bras d'une demoiselle qui se chargea de la tâche jadis dévolue aux prostituées. Calamiteuse et dévastatrice ânerie ! Je n'avais nul désir de « faire la chose ». Sous la pression maternelle et médicale j'acceptais la perspective. Partant en vacances avec ladite demoiselle, je pensais résigné : « il faudra bien en passer par là ». Et une fois arrivé au lieu-dit des vacances j'obéis au plan conçu par d'autres que moi. Grande fut cette bêtise. Faire la chose par raisonnement, obligation, revient à se forcer. On réalise ici littéralement un « auto-viol ». J'en suis resté traumatisé. Rejetais quelque temps plus tard une jeune fille qui me plaisait et à qui je plaisais. Longtemps n'aimais pas le physique de filles ressemblant à ma déniaiseuse. J'ai mis plus de quarante années à me remettre du traquenard sexuel familial et médical. Car l'épreuve en question initia en moi un faux besoin : se trouver à tous pris un trou, pardon ! Une « copine ». Je n'aurais jamais fait la chose, ou l'aurais fait plus tard et dans de meilleures conditions, où était le problème ? Mais les gardiens de la pensée unique veillaient. A vingt-deux ans un jeune homme doit avoir mis sa queue dans un trou, sinon « il lui manque quelque chose ». Quoi exactement ? J'aimerais le savoir. Je remarque aussi que la sollicitude déniaiseuse dans ma famille n'a jamais touché ma sœur. Elle, sa virginité visiblement prolongée ne tourmentait pas la conscience familiale et médicale.

La pensée unique règne. Et ses victimes sont innombrables. Combien de jeunes qui souffrent du sentiment de solitude ? Paraît-il aujourd'hui notamment trente pour cent des étudiants de France ! Et combien de couples apparemment équilibrés et solides, prospères, qui inexplicablement explosent au bout de dizaines d'années de vie commune ? Et combien de personnes âgées qui sont seules à crever ? Qui n'ont l'opportunité de recevoir des câlins que des petits enfants ?

Dans le domaine « sexuel » règne bien souvent : la peur, l'ignorance, la pensée unique, qui est une forme d'ignorance, les idées inculquées qu'on croit siennes et qu'on a le devoir d'identifier et éliminer de soi. Et enfin, tout n'est pas forcément souhaitable à faire, quand bien-même les personnes concernées seraient majeures et consentantes. Si la Nature se sent bafouée, elle se venge.

Au cours des années, j'ai cherché à me débarrasser des pensées inculquées qu'on m'avait mis dans la tête et que je croyais miennes. C'est un travail long, laborieux, minutieux, difficile. Arrivé à éliminer certains mécanismes courants conduit à une sorte d'impasse. Je ne cherche plus « la petite amie obligatoire » et me suis libéré de cette contrainte. Ce qui fait que je vois bien que deux comportements sont susceptibles très fréquemment d'être ceux de rencontres féminines éventuelles. Ou bien croire que je cherche « la bagatelle », ce qui n'est plus le cas. Et n'étant pas d'accord avec cette idée me repousser. Ou bien penser que je cherche « la bagatelle », l'accepter et vouloir m'y inciter, ce qui ne me convient pas non plus.

Car dans notre société, on croit à tort que toutes sortes de phénomènes, comportements, situations impliquent forcément le coït. Ça peut être « l'amour », des fantasmes sexuels, la nudité, le simple toucher, la caresse, l'érection, la « salive d'amour » (émission des glandes de Cowper), le doigtage, la masturbation féminine ou masculine, la vie à deux, dormir ensemble, le mariage, etc. Or rien en fait n'implique l'obligation du coït. Quand on l'a compris, j'ai mis du temps, on acquiert un sentiment de très grande liberté. Au lieu de se poser le faux problème « comment y arriver ? » simplement on réalise que la question ne se pose pas. Sans un sentiment très particulier et peu courant de désir réciproque, authentique et véritable, la plupart du temps, l'éventualité d'un vrai coït n'existe pas. Il existe seulement parfois la possibilité d'une masturbation dans un orifice humain naturel. Si on s'en passe, on évite de souffrir de la quête erronée d'une pseudo sexualité à tous prix.

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 janvier 2017

mercredi 11 janvier 2017

715 L'état préamoureux et ses suites

L'état préamoureux se manifeste ainsi : quelqu'un vous plaît. Vous lui plaisez. Il ou elle souhaite vous revoir pour mieux vous connaître.

Comment se résout cet état ?

Ou bien il ne se passe rien de nouveau, de particulier.

Ou bien l'un des deux ou les deux vont chercher à aller vers « l'amour ».

On va alors se heurter à la définition de ce qu'on cherche ainsi.

Par exemple, quelle pourra être la définition de l'expression « faire l'amour ».

Jadis « faire l'amour » signifiait : « faire la cour ».

À présent « faire l'amour » signifie « baiser ». C'est-à-dire soit une relation entre deux êtres passant par le coït. Soit une situation où on se sert de l'autre comme branloir, où on l'emploie pour se branler. Ces deux manières d'agir étant radicalement différentes, en dépit des ressemblances apparentes.

L'expression « faire l'amour » pourrait demain voir sa définition une nouvelle fois modifiée. Ça pourrait alors signifier tous les gestes possibles de l'amour, sans inclure nécessairement toujours l'acte sexuel où le pseudo acte sexuel représenté par la masturbation en utilisant l'autre comme branloir.

Dans notre société française et parisienne, que signifie aujourd'hui le plus souvent « l'amour » ? C'est quand l'homme se branle dans le ventre d'une femme ou dans le cul d'un garçon, ce qui n'est pas du tout l'acte sexuel, mais un pseudo acte sexuel. Durant le pseudo acte sexuel la femme s'emmerde. Se sent utilisée, dévalorisée, méprisée, ignorée.

Une amie me disait amusée que durant ce moment-là il lui arrivait de simuler l'orgasme : « pousser des oh ! et des ah ! pour que le garçon finisse plus vite. » Il y a des années, une Parisienne cultivée assez âgée, qui s'était mariée en 1944-1945, me racontait un peu sa vie. Elle me disait qu'elle et toutes ses copines mariées ne ressentaient rien durant l'acte. Et en parlaient avec mépris comme de la « petite affaire » de l'homme, leur mari. Quand la « petite affaire » arrivait, elles se disaient : « alors, il a fini sa petite affaire ? Que j'aille me laver. » Ce qu'elles croyaient sincèrement être l'acte sexuel était, on le voit bien ici, un pseudo acte sexuel.

Durant le pseudo acte sexuel l'homme aussi s'emmerde plus ou moins. Il se dit alors, pour se rassurer : « ce sera mieux une autre fois, avec la même personne ou une autre. » Ou bien il se dit, pensant au passé : « un jour ce sera aussi bien que ça a été une fois avec unetelle. » Il pense aussi que la seule et unique chose qu'il a à faire c'est continuer ses prestations. Alors, réussies ou pas, il continue ses galipettes et s'obstine dans l'impasse et l'agitation corporelle. Quelquefois, plus raisonnable que lui, son pénis commence la grève de l'érection.

L'état préamoureux amène divers comportements :

L'homme parisien peut draguer en espérant trouver « la bonne occase ». Il use pour ça de gestes codés ou déclarations orales « officielles ». Ainsi, par exemple, « je t'aime » signifie : « je te baise et conserve l'accès exclusif à tes trous sur abonnement ». Ou, par exemple, si la femme accepte d'être embrassée sur la bouche ou sur l'oreille, ou qu'on lui mette la main à tel ou tel endroit, ça signifie qu'elle est d'accord pour passer au lit et à la casserole.

La femme parisienne, qui autrement est en permanence sur la défensive vis-à-vis des hommes, drague en espérant découvrir autre chose que l'ennui habituel. Le mec qui ne pense qu'à sa queue. À la femme il peut arriver de faire littéralement « la putain bénévole » avec un partenaire, en croyant bien faire. Aller dans une bonne direction, prometteuse de retours positifs. Cet altruisme excessif, téméraire et déplacé généralement ne dure pas. Il est vite déçu. La générosité débordante de l'une ne rencontre pas nécessairement la générosité et surtout l'écoute de l'autre.

En l'absence de revenus suffisants pour être indépendante financièrement, pouvoir par exemple se payer seule un logement décent, certaines femmes continuent à cohabiter à contre-cœur avec leur compagnon. Alors qu'elles n'ont qu'une idée en tête : s'en aller. D'autres continuent à accepter de subir les assauts indésirés de leur compagnon pour rester deux à s'occuper de leurs enfants.

La branlette dans le corps d'un autre est insipide. Alors c'est l'assaisonnement qui lui donne sa saveur, comme pour les plats d'escargots. Plusieurs ingrédients possible peuvent entrer ici en ligne de compte.

Voir nu et pouvoir palper l'autre compense un peu le manque général, la famine tactile et visuelle régnante. Les mythes amoureux peuvent aussi venir ici illusionner.

L'amour mythologique aide à parer la médiocrité de vives couleurs. L'autre, qui est quelconque, se pare de couleurs vives. C'est « l'être unique, prédestiné et merveilleux ». Un autre mythe extrêmement pesant consiste à croire que chaque fois que l'homme entre en érection, émet un liquide baptisé « pré-séminal » ou « pré-coïtal » et que la femme connaît un phénomène réciproque au niveau génital et des mamelons, il y aurait besoin, désir, urgence de s'accoupler. Alors que ces divers petits phénomènes génitaux surviennent en quantité d'occasions non sexuelles. C'est un peu, au résultat, comme si on disait que les humains ont besoin de manger trente fois par jour. Le plus beau et extraordinaire de l'affaire est que la plupart des gens croient à cette fadaise et cherchent à s'y conformer. Si un petit garçon de deux ans ou un nouveau-né a une érection, personne ne s'avisera de dire qu'il besoin de s'accoupler. Mais allez expliquer la même chose à un homme de quinze, vingt, trente ans et plus ! Il ne vous écoutera pas, car il est bien propagandé, formaté par le discours officiel de la société. Par la pensée unique qui lui dira aussi que dormir avec quelqu'un, aller au lit avec quelqu'un signifie nécessairement baiser. Ces pseudo-obligations de baiser causée par la simple érection où le partage d'un matelas relèveraient d'un sentiment spécial, en fait absolument imaginaire, baptisé « amour sexuel ». Pour conforter ce discours bizarre on affirmera que l'homme connaît une sorte de jouissance automatique et facile à chaque fois qu'il éjacule. « Éjaculer » et « jouir » étant même synonymes. Ces affirmations sont rigoureusement fausses. Quand bien-même l'homme semblerait jouir, contrairement aux mensonges dominants, l'éjaculation peut être elle aussi insipide, voire même des fois carrément douloureuse.

L'état amoureux contribue aussi souvent, au moins momentanément, à embellir artificiellement la situation relationnelle entre partenaires en bricolage sexuel. La surcharge d'endorphines amenée par l'état amoureux crée une sorte d'ébriété. Tout paraît alors en amour plus sûr et joli que ce qui nous arrive réellement.

Enfin, la branlette opérée dans un orifice naturel peut être plus ou moins agréable en soi, surtout d'abord pour l'homme qui se branle ainsi. La branlette en question paraîtra à la femme à terme ou d'emblée une activité écœurante. On cherchera alors souvent à la culpabiliser systématiquement en l'accusant de faiblesse, manque d'appétit et sensibilité sensuels et « sexuels ». Puisque l'homme est là, elle devrait avoir faim. Sinon, c'est elle qui aurait « un problème ». Ce problème de ne pas avoir envie de manger quand on n'a pas faim sera baptisé « frigidité ». Comme elle est très souvent plus authentique et naturelle que l'homme, c'est pratiquement toujours la femme qui prendra l'initiative de rompre une relation masturbationnalisée et dite souvent « de couple ». Cesser de se faire gaver de sperme le vagin représentera pour la femme un vrai soulagement. Même si par ailleurs elle souffrira de devoir pour y arriver se priver de la compagnie d'un homme.

Le « sexe » deviendra le maillon faible de la relation homme-femme. Mais, dans la configuration dominante admise aujourd'hui le plus souvent par les Français et Parisiens et pas qu'eux, concernant ce qu'ils appellent « l'amour » : on baise parce qu'on est ensemble et on est ensemble parce qu'on baise. Autrement dit : « on sort ensemble ». Et pour ça, par exemple, si on se plaît, on court faire le test de dépistage du SIDA, « parce qu'on sait » qu'on va forcément baiser ensemble. Mais mettre un pénis dans un orifice naturel n'est pas un acte anodin. On ne doit le faire ou l'accepter que s'il existe un désir authentique, réciproque et véritable, qui est un sentiment très particulier, original et peu courant. Sinon, avec la pièce rapportée du sexe masturbationnel on détruit très efficacement la relation d'amour ou sa simple possibilité. On tourne le dos à l'amour, et ensuite on se plaint de ne pas le trouver, ou l'ayant trouvé de l'avoir perdu. Toutes sortes de situations douloureuses et insatisfaisantes découlent du malaise masturbationnel entre l'homme branleur et la femme réduite au rôle de trous à éjaculer. Ainsi, par exemple, un homme va regretter de ne jamais avoir le courage d'aller vers la femme qui lui plaît. En fait, il sentira plus ou moins clairement que le pseudo acte sexuel dont il rêve n'a pas sa place dans une vraie relation amoureuse. Ce qui va bloquer son élan. Ou bien, dès qu'un couple paraissant harmonieux et équilibré connaîtra une séparation momentanée, la pression causée par le pseudo-acte sexuel répété va faire se décomposer la relation. Subitement la relation cessera d'exister. Autre exemple que j'ai entendu détailler : une divergence professionnelle. L'épouse enseignante veut aller travailler en ville. Le mari lui veut rester responsable du centre culturel de son village. Il dit qu'il ne retrouvera jamais une telle situation professionnelle idéale en ville. Dispute, séparation en apparence pour des motifs professionnels. En fait, ils sont le révélateur du malaise masturbationnel et le prétexte pour y mettre un terme en se séparant. Fait significatif : si l'animosité paraît réciproque, l'initiative de la rupture relève de l'épouse. Celle qui subit le pseudo acte sexuel initié et répété par le mari au détriment de sa femme. On verra aussi des couples tristes, des personnes « vivant en couple » déclarer « souffrir de la solitude », etc. Certaines femmes castreront psychologiquement leur compagnon. Refusant tous contacts charnels et leur interdisant « d'aller voir ailleurs ».

Et si, partant de l'état préamoureux, on essayait autre chose comme conduites que les modes de faire, inconduites et erreurs traditionnels habituels ?

Voltairine de Cleyre disait au dix-neuvième siècle que si un homme et une femme s'aiment et s'accordent, c'est une erreur pour eux de choisir de vivre ensemble. Car deux personnes n’évoluent jamais de la même manière.

On dirait que pour beaucoup l'amour serait comme un oiseau qu'on conserve dans une cage pour l’entendre chanter. Mais l'oiseau qui chante sur une branche en liberté n'est pas du tout la même chose. Pour faire vivre et perdurer l'amour entre les humains, il faut trouver d'autres moyens que des cages, dont nombreux sont ceux et celles qui finissent par s'échapper.

L'enjeu de la recherche est énorme, vertigineux et réaliste : se libérer des contraintes et souffrances qui parasitent, contrarient, handicapent depuis des temps immémoriaux l'amour, le respect, la joie et l'harmonie entre les humains. C'est possible d'y arriver. Car ces fléaux n'ont pas toujours existé. C'est pourquoi ils n'existeront pas forcément toujours. Il faut nous en débarrasser. Pour nous-mêmes, les enfants d'aujourd'hui et les générations futures.

Basile, philosophe naïf, Paris les 9, 10 et 11 janvier 2017