vendredi 30 août 2013

150 L'homme s'empare du pouvoir... non : le pouvoir s'empare de l'homme

Le roi Louis XIV eut un règne qui dura 72 ans. Dont la moitié environ, soit 32 années, s'est passée à faire la guerre. Au moment de mourir, il déclara à son futur successeur : « j'ai trop aimé la guerre ».

La Grande Terreur en France est arrivée à son paroxysme alors que la France n'était plus menacée. Elle n'avait plus aucun justificatif. Au point qu'il est des historiens sérieux qui ont avancé l'hypothèse d'une provocation anglaise. Ils ont imaginé que celui qui personnifiait cette terreur, le médecin Jean-Paul Marat, était un agent provocateur anglais qui cherchait à affaiblir la France.

Notre actuel président de la République, François Hollande, est un homme apparemment très doux, un intellectuel et notable de province. Il n'aurait jamais du devenir président de la République. C'est par accident qu'il l'est devenu. Le candidat qui devait être choisi par son parti, et probablement élu ensuite par les Français, ayant été mis hors compétition par ses ennuis new yorkais.

Et pourtant, une fois entré à l’Élysée, le président du conseil général de la Corrèze fait le président et applique avec célérité la politique dans la continuité de son prédécesseur. Avec quelques différences de style, il devient au fil des mois, le parfait clone politique de Nicolas Sarkozy. Quelle étrange métamorphose !

Et pourquoi Louis XIV foudre de guerre regrettait-il ses campagnes à la fin de sa vie ? Et Marat encourageait l'extermination de plein de gens alors que plus aucune raison ne le justifiait ?

Tout ceci pour la même raison. Qu'il s'agisse de Louis XIV, Marat ou François Hollande.

On dit qu'un homme « s'empare du pouvoir ». Alors que c'est exactement l'inverse qui se produit. C'est « le pouvoir qui s'empare de l'homme ». Et lui impose ensuite son fonctionnement..

A partir du moment où Louis XIV monte sur le trône, il fait la guerre. Son pouvoir le lui dicte. Marat applaudit la guillotine pour les mêmes raisons. Et Hollande fait du Sarkozy.

Ici, la fonction fait l'homme. Elle le soumet et le transforme à sa guise à la façon d'un pantin.

Et non l'inverse.

Suivant les époques, elle entraine le chef de l'état, le leader politique dans d'interminables guerres, l'encouragement des exécutions en masses ou la sinistre politique « européenne ».

Telle est la vérité.

Louis XIV n'était pas un amoureux du carnage. Pourtant il a été à l'origine de plus d'un de ceux-ci.

Marat n'était pas un agent anglais. Pourtant il a encouragé le coupage de têtes en masses de quantité de gens, dont une partie de l'élite française, au nombre de laquelle le savant chimiste Antoine Lavoisier.

Hollande ne s'est pas dit : « je vais tromper les Français et faire du Sarkozy quand je serais élu ».

Non, tous les trois, et bien d'autres encore, le pouvoir s'en est emparé. Et leur a dicté, leur dicte sa logique. On ne répétera jamais assez la phrase ultra-juste de Louise Michel : «le pouvoir est maudit ». Il est maudit, j'ajoute, car il s'empare des gens.

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 août 2013

149 La démocratie dictatoriale

Ce que nous avons de nos jours pris l'habitude d'appeler « démocratie » et assimilons à « la liberté », est en fait une dictature : c'est la pleine liberté de ne faire exclusivement que ce qui est autorisé.

Je vais donner ici des exemples simples et illustratifs :

A Paris ou à Londres, j'ai envie d'uriner, j'urine, on m'arrête. De manger, je mange, on m'arrête. De dormir, je dors, on m'arrête. De me promener, je me promène, on m'arrête. De me laver, je me lave, on m'arrête. De partir en vacances, je pars, on m'arrête. De partir en voyage avec ma petite amie, je le fais, on m'arrête. D'écrire un poème, je l'écris, on m'arrête. De mettre un message sur Internet, je le mets, on m'arrête. De dire ce que je pense, je le dis, on m'arrête. D'embrasser quelqu'un, je le fais, on m'arrête. De caresser un outil, je le fais, on m'arrête. De prendre un enfant par la main, je le fais, on m'arrête.

Explications : j'urine sur le mur d'un monument public, en plein jour, en public : épanchement d'urine sur la voie publique, dégradation d'un monument public, outrage public à la pudeur. Je mange : je me sers sur l'étalage de fruits d'un magasin, sans payer, car je n'ai pas d'argent. Vol, cependant que de nos jours 70 à 90 % des fruits frais, invendus, finissent en France à la poubelle. Pour dormir, comme je n'ai pas de logement, je m'introduis dans un logement spacieux et confortable, inhabité et vide depuis des années : délit de squat. Je me promène, et comme c'est l'été et il fait 29° à l'ombre, je suis sorti de chez moi tout nu : outrage public à la pudeur. Pour me laver, j'ai été à une fontaine publique et me suis mis dans la même tenue : même délit. Pour partir en vacances, j'ai voulu monter dans un avion sans avoir de billet, car je n'ai pas d'argent pour l'acheter. L'avion a décollé à moitié vide, mais on m'a empêché d'y monter. Je suis Anglais, ai 30 ans, ma copine 17, et pars en France refaire ma vie avec elle : on m'arrête, expulse et emprisonne pour « détournement de mineur ». C'est un fait divers récent. J'écris mon poème sur un mur : dégradation de monument public. Je mets sur Internet la recette pour tuer quelqu'un, ou l'appel à le faire : même s'il ne se passe rien de ce fait, appel au meurtre. Je déclare que tel personnage public est un imbécile et un voleur : diffamation, même si c'est vrai. Je suis dans le métro et embrasse spontanément un inconnu sans lui demander son avis : agression, etc. Je suis assis sur un strapontin du métro, montent trois policiers. L'un d'eux me tourne le dos et son pistolet à la ceinture est juste devant moi. Je mets avec douceur ma main dessus : agression d'un représentant de l'ordre. J'entre dans un square et prends un enfant inconnu par la main juste pour l'emmener faire un tour : enlèvement d'enfant.

Toutes ces situations réelles ou caricaturales, presque absurdes, illustrent bien que quantité de gestes à la seconde-même où on sort du cadre officiel autorisé déclenchent une avalanche d'ennuis gigantesques et démesurés. Habitués à cette dictature, nous n'arrivons souvent même plus à percevoir sa réalité effective. Clamons et croyons que « nous sommes libres ».

On rétorquera à ma critique que notre liberté est que nous avons le droit de critiquer. C'est vrai. Il y a des années la sidérurgie lorraine était menacée de liquidation. Les Lorrains sont montés manifester en masse à Paris. Ils l'ont fait. Et ensuite les usines ont fermé.

En démocratie, on a le droit de manifester quand ça ne dérange personne. Juste manifester, pas plus. Après, « la loi » s'applique. Et si on fait partie des petits, des obscurs, des sans grades, on se retrouve le plus souvent perdant. Pourquoi ? Parce que la loi est faite par et pour les forts, les grands, les riches. Telle est la triste réalité. La loi est « égale pour tous ». Ce qui se traduit pratiquement toujours en fait par : « elle donne raison à tous les riches, et tort à tous les pauvres. »

Basile, philosophe naïf, Paris le 30 août 2013

mardi 27 août 2013

148 Plus le pouvoir est concentré, plus le régime est meurtrier

A quoi servent les empires ? Ils passent le temps à se construire, s'étendre et se maintenir par la guerre. Ils tuent des gens. Que ces empires soient politiques, industriels, économiques ou financiers, la mort est au bout. Elle est leur but, leur finalité. Et ils finissent tous par mourir. C'est-à-dire s'effondrer. Mais avant cela, combien ils ont couté cher en souffrances et vies humaines !

Quand on regarde les conditions de vie dans les usines du Bangla Desh, de Chine, certaines de ces usines font frémir. Dans une immense usine de téléphones, en Chine, des filets aux fenêtres sont là pour éviter que les ouvriers se suicident en sautant. Au Bangla Desh, l'effondrement d'une seule usine a fait récemment plus de mille morts. Et derrière ces usines sont des hommes et femmes très comme il faut qui vivent chez nous et passent leurs commandes à une main d'œuvre pas chère.

La nourriture atteint des prix délirants en France. Le kilo de fruits frais en saison atteint couramment 4 euros et plus alors que les salaires ne bougent pas. Et même doivent pouvoir reculer en vertu du dernier accord sur l'emploi dit l'ANIL. La faim réapparait alors que la France est un grand pays agricole. On jette massivement les aliments à la décharge au lieu de nourrir les gens.

En France, le nombre de services d'urgences des hôpitaux est passé de 1988 à 2013 de 3000 à 950 et ça n'est pas fini. L'Hôtel Dieu au centre de Paris doit laisser la place, selon les plans officiels, à un hôpital avorton et des bureaux en un premier temps. A un hôtel de luxe en un deuxième temps, selon les projets non officiels mais bien réels, comme cela s'est déjà fait avec l'Hôtel Dieu de Lyon. Avec pour résultat des morts à la clé. Ceux qui n'auront pu être soigné à temps faute d'hôpital au centre de Paris. Et ce n'est pas tout. Les hôpitaux de Beaujon et Bichat, tout neuf, ce dernier, vont fermer avec la suppression de 500 lits quand sera ouvert un hôpital les remplaçant. Encore des morts en perspective faute de moyens médicaux. Des morts, toujours des morts... dans tous nos pays dits « civilisés », car ailleurs c'est pareil. Sous les ordres de l'horrible troïka, en Grèce, huit hôpitaux à Athènes et Salonique vont fermer remplacés par des centres de soins légers. Exactement le programme prévu en un premier temps pour fermer l'Hôtel Dieu, le plus vieil hôpital parisien.

Et pourtant, quand on regarde les hommes et femmes qui prennent ces décisions, ils nous ressemblent. On dirait qu'ils sont comme nous. Mais pourquoi alors font-ils tout ça ?

Un historien tchèque, Karel Bartošek, que j'ai croisé il y a des années, et qui avait souffert et passé six mois en prison suite à l'intervention militaire soviétique du 21 août 1968 en Tchécoslovaquie, m'a dit : « tu sais, tous les dictateurs, autour d'une table avec une tasse de thé, sont des hommes charmants avec lesquels on passe un très bon moment. » Je cite de mémoire. Mais le sens y est.

Qu'est-ce qui fait alors de ces humains ordinaires des ennemis de l'Humanité ?

La réponse est simple, mais difficile à trouver, la voilà :

Il faut aller à la base des choses. Les hommes et femmes de pouvoir cherchent le pouvoir. Pourquoi cherchent-ils le pouvoir ?

A y regarder de près, ça n'est pas vraiment folichon, le pouvoir. C'est plutôt l'assurance de se ruiner la vie. Vivre sous pression et dans des luttes permanentes. Être sur ses gardes. Voir des ennemis, des solliciteurs, des concurrents partout. Devoir sortir toujours escorté par une nuée de gardes du corps. Et tout ça pour arriver à quoi dans sa vie ?

Essentiellement arriver au pouvoir pour le pouvoir. Henri Kissinger, qui fut un des plus puissants hommes politiques du monde, secrétaire d'état à la Défense des États-Unis, a dit un jour que le pouvoir était la plus merveilleuse des drogues.

Le ministre français Edgar Faure disait beaucoup apprécier d'aller travailler dans des palais.

A différents moments de leurs activités, une garde spéciale, habillée à l'ancienne, sonne de la trompette, roule le tambour, présente le sabre à nos chefs d'états.

La dernière unité à cheval de France est la Garde Républicaine, équivalent de la Garde Royale marocaine. On trouve ce genre de militaires dans un tas de pays.

Et les hommes et femmes qui se font présenter le sabre, et souffler de la trompette dans les oreilles s'en sentent flattés. Alors que tout cela est programmé. Les hommes et femmes qui leur présentent le sabre et soufflent dans les trompettes n'ont qu'une hâte : que leur journée de travail soit terminée. Qu'ils puissent vaquer à leurs affaires. Sortir leur chien. Retrouver leurs enfants. Ils honorent les chefs d'états. Mais rient intérieurement de les voir passer. Et quelquefois les méprisent. Car ils voient bien que les hommes et femmes fiers de leur pouvoir n'ont rien de plus qu'eux. Urinent, défèquent, meurent et ont mal aux dents comme eux.

Mais alors, qu'est-ce donc que ce mystérieux « pouvoir » ? Est-ce seulement la possibilité de commander les autres ? Et quel intérêt de pouvoir le faire ?

Observons de près, de très près, ces hommes et femmes de pouvoir.

Un aspect de la vie de nombre d'entre eux, qu'ils dissimulent souvent mal, va nous éclairer sur leurs motivations.

Ils ont très souvent une hyper activité sexuelle. Catherine II de Russie, par exemple, a eu des milliers d'amants. D'autres, on le sait, en ont eu des centaines. Leur sexualité est compulsive : ils sautent sur tout ce qui bouge. Et cette pratique continue avec nombre de dirigeants actuels.

Un des plus puissants hommes politiques du monde, à la veille de devenir chef d'état d'un grand pays européen, a vu sa carrière brisée par une malencontreuse histoire de sexe avec une femme de ménage new-yorkaise. Alors qu'il avait déjà connu d'innombrables femmes. Qu'il peut en rencontrer plein d'autres. Il lui a sauté dessus. Selon lui, elle était consentante. Selon elle, il s'agissait d'un viol.

Certains hommes d'état sont de manière avouée des violeurs, par exemple : Louis XV qui chassait avec ses courtisans des jeunes filles enlevées et lâchées dans l'île au Cerfs. Beria qui les faisait enlever par sa police, Khadafi, le maréchal de Saxe, etc. Et nous ne savons et saurons pas tout.

Pourquoi une telle frénésie sexuelle ?

On avance des explications :

Ils aiment ça. C'est un peu léger comme explication.

Ils aiment la transgression, pareil.

La transgression fait partie de leurs privilèges, tiens ! tiens !

Ils sont beaucoup sollicités. C'est certainement vrai, mais n'explique pas tout.

La vraie raison est la suivante : ce qui rend attractif le pouvoir pour certains hommes et femmes, c'est leur peur de mourir.

Ils s'illusionnent en ayant un pouvoir : ils seraient avec plus qu'eux-mêmes. Et, en quelque sorte, acquerraient ainsi un soupçon d'immortalité.

Ils finissent tous par mourir, bien sûr.

Mais avant ça, qu'est-ce qu'ils peuvent nuire aux autres avec leur souffrance !

Et comme ce sont des êtres humains, ils développent très souvent un processus naturel. Vivant dans l'angoisse permanente de la mort, ils sont comme des humains en danger de mort. La Nature réagit à cette alerte et leur intime l'ordre de se reproduire au plus vite et le plus possible pour sauvegarder l'espèce. D'où leur sexualité frénétique, qui exprime l'angoisse et non le plaisir.

L'homme politique très puissant qui a ruiné sa carrière avec une femme de ménage new-yorkaise se demande encore comment ça a pu lui arriver.

Car, bien sûr, les hommes et femmes de pouvoir ne pensent pas aux vraies raisons de leur quête.

Mais cette quête, sa raison, a une autre conséquence : le pouvoir, qu'il soit financier, économique, industriel ou politique, est marqué par l'origine de sa recherche.

Le pouvoir, c'est la mort.

Louise Michel disait : « le pouvoir est maudit ».

Car si la mort, sa crainte, motive les hommes et femmes de pouvoir, elle marque de son empreinte celui-ci.

Et plus le pouvoir est concentré, plus le régime est meurtrier.

Adolf Hitler a gouverné à titre personnel durant douze ans le plus puissant pays d'Europe occidentale : l'Allemagne. Résultat : des millions de morts, y compris par des exterminations de masses, organisées au nom de délirantes théories racistes sur la « pureté du sang » et de « la race ».

L'Union soviétique, dirigée par Joseph Staline, a vu le massacre de millions d'êtres humains, notamment par la famine organisée en Ukraine : l'Holodomor. On peut continuer la liste.

Plus le pouvoir est concentré, plus c'est la mort qui commande. Et elle en redemande. Elle est gourmande. Et son appétit n'a pas de limites tant que la table est servie.

Un de ceux qui veulent à tous prix fermer l'Hôtel Dieu de Paris est aujourd'hui un homme politique et un médecin. J'ai été curieux de voir sa photo sur Internet. Ce qui m'a frappé, c'est qu'il est prématurément vieux. Et il est triste. Cet homme a peur de mourir. Il est d'autant plus affolé par son éphémérité qu'il est médecin et a disséqué des cadavres durant ses études. Alors, pour se sentir fort, il veut détruire. Connaissant sa motivation, il me fait pitié. C'est un pauvre homme, vraiment.

Et connaissant les motivations et finalités du pouvoir, il est de notre devoir d'éviter absolument la construction d'une Europe unie politique. Qui entraînerait fatalement des morts par millions. Le drame actuel de la Grèce montre à quelle horrible désolation ce projet nous condamne s'il aboutit.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 août 2013

lundi 26 août 2013

147 Redéfinir la place de l'Homme dans la Nature

J'aime bien écouter sur Internet les discours de Mélenchon. Il dit des choses justes et d'autres qui le sont moins. Je ne suis pas forcément toujours d'accord avec lui. Ce qui est agréable, c'est qu'il a un vrai talent d'orateur. Et un sens pédagogique qui fait que ses exposés sont toujours clairs et faciles à comprendre.

Aujourd'hui, j'écoutais son discours de cloture des Remues-méninges, l'université d'été de son parti. A un moment-donné, il s'étonnait que les masses ne le rejoignent pas. En y réflechissant, je crois connaître la raison de ce phénomène. Son discours est un discours du XIXème siècle. Dedans, il y a des choses très justes. Il y a aussi la marque propre au mouvement ouvrier de ce temps-là. Il était issu à ses débuts des traditions du christianisme social. Et donc était imprégné par la morale judéo-chrétienne qui condamne l'oisiveté « mère de tous les vices » et encense « le travail ».

Cette morale, traduite par Marx et d'autres, a donné l'antagonisme entre le capital parasite et le travail producteur. La lutte des classes qui en découle existe effectivement.

Selon cette morale : le riche « s'enrichit en dormant » alors que l'ouvrier va travailler.

Comme le dit Eugène Pottier, auteur de L'Internationale, dans sa chanson L'Insurgé : il faut faire « la guerre sociale »

Dont on ne verra pas la fin
Tant qu'un seul pourra, sur la sphère,
Devenir riche sans rien faire,
Tant qu'un travailleur aura faim !

Le dernier couplet de L'Internationale précise qu'après la victoire ouvrière « L'oisif ira loger ailleurs ». Loger « ailleurs » que sur Terre, c'est mourir. Juste après 1917, les bolcheviks écrivaient partout en Russie la phrase de Saint Paul « qui ne travaille pas, ne mange pas ». Staline a décrété dans les années 1920 que les paysans russes « riches », les koulaks, étaient des feignants, des parasites sociaux. Il les a fait mourir par millions. Ils sont aller « loger ailleurs », au ciel, avec leurs familles. En résumé : le travail c'est bien, le capital c'est mal. Admettons que le capital c'est mal. En quoi le travail c'est bien ? Car, depuis le XIXème siècle, la productivité du travail a augmenté vertigineusement. Aujourd'hui, l'homme peut enfin s'asseoir sur l'herbe et contempler les étoiles. Pour la première fois depuis des millions d'années il a la possibilité, sans être riche, de prendre le temps de rêver. A condition, bien sûr, de se débarrasser du capital.

Mais Mélenchon, que propose-t-il comme projet de société ? Trrrrravailler ! Conquérir les océans et créer des millions d'emplois. Voilà qui ne change pas fondamentalement les choses. Alors que le progrès technique permet de redéfinir la place de l'Homme dans la Nature. Donner à chacun un revenu de base suffisant pour vivre en travaillant ou non. Et travailler au plus deux jours par semaine et quatre pour commencer. Développer un urbanisme paysager avec des salles des fêtes et des salles de bals et de concerts partout. Pourvoir chaque quartier ou village d'une fanfare, etc.

De tout cela, il n'y a pas trace chez Mélenchon comme chez bien d'autres. Juste : travailler. C'est certainement mieux que le chômage. Mais ça n'a rien d'enthousiasmant. Ce n'est pas un projet de société. Mélenchon veut conquérir les mers. J'aimerais lui conseiller de continuer à embêter les hommes d'affaires, les riches, les banquiers, les financiers. Et laisser tranquille les poissons et le plancton. Le seul océan à conquérir est celui de la poésie en action et de la sieste crapuleuse.

Basile, philosophe naïf, Paris le 26 août 2013

146 Quatre rencontres extraordinaires

Il m'est arrivé au moins quatre fois de faire des rencontres extraordinaires au sens étymologique de ce mot : sortant tout à fait de l'ordinaire.

Tous les humains, moi y compris, sont en général plus ou moins bloqué par une quantité de peurs les plus variées : peur d'être seul, peur d'être ridicule, peur d'être rejeté, peur de la violence, peur de ne pas y arriver, peur d'être bête, peur de rater quelque chose, peur de ne pas faire assez bien, peur de faire une chose interdite, peur de prendre des risques, d'être incorrect, indécent, vieux, etc., etc.

En résumé : nous ne sommes jamais libres. Car, tout au moins, nous ne nous sentons jamais libres.

Et il se trouve qu'un soir, j'ai croisé une personne libre. Je l'ai senti parfaitement ainsi.

C'était à une soirée organisée je ne sais plus exactement pourquoi dans un cinéma qui existait à Paris avenue Victoria et qui à présent a fermé depuis des années.

J'ai rencontré et parlé avec une jeune femme d'une trentaine d'années environ. Je l'ai senti étrangement complètement différente de tous les gens qui nous entouraient. Je l'ai senti comme quelqu'un qui était sans limites. Ne connaissait ni blocages sexuels, ni blocages d'aucune sorte.

Elle m'a parlé. Elle paraissait maitriser parfaitement tout ce qu'elle faisait. Elle était comme dans un autre monde, une autre dimension. Un peu comme la visiteuse d'un zoo humain qui voit des humains dans des cages et leur parle gentiment. Tout en sachant bien qu'elle ne peut nullement les libérer. Car leurs cages sont à l'intérieur d'eux et eux seuls peuvent s'en libérer.

Elle ne me témoignait ni condescendance, ni pitié. J'étais un humain sympathique pour elle, mais dans une cage. A l'issue de sa visite parmi les humains encagés, elle repartirait continuer sa vie avec des humains libres. Des humains libres, qui ne sont pas comme moi, comme la plupart, captifs de leurs illusions. A tel point que le mot liberté a perdu son sens. Ainsi, certains croient que la « liberté sexuelle » consiste à baiser furieusement. Alors que la liberté consiste justement à ne se sentir ni obligé de baiser, ni obligé de ne pas baiser. Mais baiser seulement quand on en a vraiment envie et que c'est possible.

La seconde rencontre extraordinaire dont je voudrais parler s'est déroulée il y a une quinzaine ou vingtaine d'années dans le bus 62 à Paris.

Je suis monté dans le bus. Et aussitôt ai aperçu de loin une très jeune fille.

Nous avons eu tous les deux en même temps le sentiment de nous retrouver. De très bien nous connaître. Nous nous reconnaissions avec beaucoup de plaisir. Je me suis approché d'elle et lui ai parlé.

En bavardant, nous avons très vite réalisé que nous ne nous connaissions absolument pas. Et que, si ça se trouve, nous ne nous étions jamais rencontré.

Le constater nous a amusé tous les deux. Puis, elle est descendu du bus. Je l'ai salué comme une amie que j'allais revoir. Et ne l'ai jamais revu.

J'ai cherché des mois après à retrouver sa trace. J'ai juste retrouvé l'arrêt précis où elle était descendue. Mais le peu qu'elle m'avait dit indiquait qu'elle rendait visite à une amie et n'habitait pas là.

Nous nous sommes vraiment « reconnus » sans nous connaitre. Quelle explication peut-on donner à ce phénomène ? Je n'en vois qu'une, qui n'est pas « rationnelle ». Nous nous sommes déjà connus et avons été très proches tous les deux avant, dans une autre vie. Et nous sommes ainsi recroisés.

Les deux dernières rencontres extraordinaires dont je voudrais parler concernent le toucher.

J'ai fait un stage de massages en 1986. A son début, après nous avoir parlé autour d'une bougie allumée, la monitrice a éteint et retiré la bougie. Et nous a dit : « à présent, fermez tous les yeux et allez tous les uns vers les autres en vous touchant les uns les autres ».

C'était pour nous familiariser avec le toucher, je suppose.

Or, dans le groupe emmêlé que nous avons formé, j'ai tout de suite ressenti un accord, une harmonie incroyable avec une des participantes. Comme ça, à priori, rien ne l'indiquait visuellement.

Je ne m'explique pas cet accord.

J'ai ressenti la même chose avec une autre jeune femme quelques années plus tard.

Nous pratiquions en groupe une espèce de yoga relationnel.

Et, quand je ne faisais même pas des exercices avec elle, simplement quand je m'approchais d'elle pour lui faire la bise, je ressentais comme une harmonie extrêmement forte de contact avec elle.

J'ignore ce qu'elle ressentait précisément de son côté. Était-ce aussi harmonieux pour elle ? Je ne sais pas.

Et ce n'était ni de l'amour, ni une attirance « sexuelle ».

Existerait-il des groupes tactiles affinitaires ? Un peu comme les groupes sanguins ?

Une jeune fille m'a dit un jour ressentir pour un jeune homme quelque chose d'extraordinaire. Une sorte d'attirance tactile irrésistible. Parlait-elle du même genre de phénomène que j'ai ressenti ainsi ?

Ce qui paraît intéressant en tous cas, c'est qu'il existe de types de peaux différentes. On ne ressent pas du tout la même chose en touchant la peau d'une personne ou d'une autre personne. Même en la frôlant seulement en la croisant dans la rue. Ce qui peut arriver en été avec nos avant bras nus.

Les genres de peaux sont-elles classables ?

A quoi tiennent nos ressentis différents ?

Autant de question auxquelles il serait intéressant de répondre. Et un champ de recherches inexploré dans notre société malade du non toucher.

Et pour quelle raison est-il interdit ou « sexuel », ce qui revient au même, de toucher l'autre ? Cela aurait-il un rapport avec l'horreur de toucher les morts ? Horreur étendue aux vivants ? Je n'en sais rien. Mais une chose est de toutes façons certaine : notre société est très gravement malade dans le domaine du toucher.

Basile, philosophe naïf, Paris le 26 août 2013

samedi 24 août 2013

145 L'influence du toucher sur la pensée

Je suis né dans une famille où les câlins n'existaient pas, sitôt passé le sevrage tactile. J'ai découvert le toucher en 1986, il y a vingt-sept ans. J'avais alors trente-cinq ans. C'était dans le cadre d'un stage de massages à Paris que m'avait proposé et offert un ami, décédé depuis. J'ai observé à l'occasion de ce stage divers phénomènes bizarres touchant au psychisme et résultant des massages.

Il s'agissait d'un massage genre massage californien, en partie programmé, en partie spontané, opéré avec de l'huile de pépins de raisin parfumée à la lavande. Toute la surface des personnes présentes était concernée, exceptées les parties génitales. La monitrice nous avait prévenu sans autres précisions ou développements : « Ce n'est pas sexuel ». Nous étions tous nus, trois garçons pour un groupe de filles.

En massant un jeune homme j'ai découvert le toucher non homosexuel. Auparavant, toucher un homme était assimilé pour moi à l'homosexualité. N'étant déjà pas à l'aise avec l'hétérosexualité, je l'étais encore moins avec l'homosexualité. Disons que sexuellement, exceptée ma petite amie d'alors, je fuyais de facto toutes les femmes. Et les hommes me faisaient encore plus peur.

Je ne connaissais pas le toucher. J'ai pu constater que certains, suite à un long massage, faisaient une sorte de crise de nerfs. Rapport aux seul type de contact « physique » qu'ils connaissaient en temps normal avec des adultes : celui dit « sexuel ». Au moins deux dames ont fait une crise de larmes mêlée à des récriminations contre des hommes qu'elles avaient fréquenté.

Le soir du premier jour, un des participants devait s'en aller pour revenir le lendemain. Tous les autres dormaient sur place. Quand ce participant, un homme, s'en allait, un nouveau phénomène lié au toucher s'est produit.

Une journée passé à se masser les uns les autres et voir les autres le faire et être vu le faisant par eux avait modifié notre approche de l'autre. Quand, machinalement, j'ai tendu la main pour saluer cet homme, ça a paru tellement absurde et évident qu'on ne pouvait se quitter qu'en se faisant la bise, que nous avons tous rit. Une sorte de douceur irrésistible et neutre nous avait gagné.

Le lendemain, je me souviens qu'à plusieurs reprises j'ai été amené à aller vers une grande et belle jeune fille blonde de 17 ans. Et la serrer dans mes bras avec beaucoup de plaisir et sans aucun à-priori de drague ou quoi que ce soit d'approchant. C'était une étreinte pure. Pas dans le sens « pureté morale », mais pureté du geste. Cela, sans plus, rien d'autre et le plaisir partagé en le faisant. Ce n'est pas ce qui arrive « en temps normal » dans notre société. Et nous étions nus tous les deux !

Un phénomène très étonnant nous avait été d'entrée de stage décrit par la monitrice qui nous encadrait. Elle nous avait dit que le massage pouvait induire un état où le massé partait dans un enchaînement de mouvements très harmonieux mimant quelque chose. Une sorte d'état particulier, ni de sommeil, ni d'éveil. Elle avait cité une fille qui avait mimé très joliment l'éclosion d'une fleur. Par la suite, au cours d'un massage, cette dame était partie dans cette sorte d'état. Elle maniait visiblement une rame imaginaire. Je m'étais demandé si elle ne mimait pas volontairement et consciemment ces gestes, pour nous berner, nous mystifier et se faire valoir auprès de nous par ses propos.

Or, au cours d'un massage, j'ai moi-même ressenti ce curieux état. J'étais massé par la fille de la monitrice, qui participait au stage. Elle s'était placé en tête de la table de massage et avait posé mon bras gauche sur son épaule. A un moment donné, j'ai senti mon bras, sans que je le lui commande, effectuer un lent mouvement gracieux en arc de cercle pour rejoindre la table. J'ai parfaitement bien senti qu'il ne tombait pas et que je ne le dirigeait pas. La masseuse la remis sur son épaule. Il est reparti pareil. Alors elle la replacé sur son épaule et coincé avec son bras. Le phénomène s'est arrêté. Mais j'avais ressenti ainsi son début. J'ignore de quoi il s'agit et n'en ai aucune explication.

A la fin du stage, nous sommes reparti en voiture, la monitrice, plusieurs personnes du stage et moi. Il tombait de la neige à gros flocons, comme rarement cela arrive à Paris. Je me souviens que nous bavardions et approuvions en commun l'idée que les massages manquent cruellement à la société. S'il y en avait beaucoup, les gens seraient meilleurs.

A l'époque, la pornographie n'était pas aussi envahissante qu'aujourd'hui. Je me souviens qu'après mon travail j'allais déjeuner dans une sorte de cantine rue de Tournon. Pour y aller, je prenais un autobus. A l'arrêt où je descendais se trouvait un kiosque à journaux. Le célibataire craignant les femmes que j'étais ne le manquait pas. J'allais à chaque fois dévorer des yeux les couvertures des magazines qui affichaient de l'épiderme féminin de façon audacieuse. Or, je me suis étonné au sortir du stage, en passant près de ce kiosque, ou d'autres devantures de marchands de journaux ailleurs. Durant deux ou trois semaines je n'éprouvais rigoureusement aucun intérêt pour la pornographie. Et pas plus pour la masturbation.

Autre conséquence « sexuelle » du stage. Durant à peu près la même période, me retrouvant en compagnie de ma petite amie, il m'arrivait des érections d'une dureté que je n'avais jamais vu jusqu'à présent. On aurait dit que mon membre avait pris une consistance ligneuse et était comme du bois. Ma petite amie en était surprise et m'en a parlé. Puis, ce phénomène est passé.

Ma sensibilité sexuelle, elle, restait médiocre comme elle l'avait pratiquement toujours été.

Voilà donc les divers phénomènes que j'ai pu observer en marge de ce stage de massages.

Par la suite, j'ai essayé d'améliorer la situation du toucher dans la société. Et n'y suis jamais arrivé. Il faut dire que la terrible confusion régnante à propos du toucher ne me favorisait nullement.

J'ai écrit pas mal de textes sur le toucher, dont quatre petites brochures.

J'ai même confectionné un jour un panneau et, avec des tracts ou une brochure, je ne me rappelle plus très bien, ai été diffuser mes idées à l'entrée de l'hôpital de la Pitié à Paris. Je l'ai fait une fois. Et eu à cette occasion une discussion avec une infirmière qui prenait son service et m'a emmené voir le cadre misérable et délabré de son local de prise de service.

Elle m'a plaidé dans le domaine du toucher la théorie de « la bulle ». Soi-disant nous aurions tous « une bulle » autour de nous. Dans laquelle nous ne laisserions entrer que certaines personnes sélectionnées. Et ce serait là la chose la plus banale, normale et légitime du monde.

Cette théorie niant le caractère de besoin universel du toucher.

Vingt-sept ans de réflexions après mon stage de massages de 1986, je vois plus clairement la question tactile. Je crois toujours à son caractère fondamental, essentiel.

Et, sans prétendre changer le monde entier, j'espère au moins parvenir à un peu améliorer ma vie à la lumière d'une certaine compréhension que je crois avoir acquis.

Quant à la société qui m'entoure en général, concernant le toucher, elle me paraît en triste état. Et ne pas être spécialement en voie d'amélioration.

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 août 2013

144 Faute de grives on mange des merles

Un ami épouse une dame.

Celle-ci, au bout de quelques années refuse tous contacts dit « sexuels ».

Cet ami est désespéré au point de tenter même une nuit de se suicider.

Sa femme, de son côté, me confie, parlant du sexe : « le pauvre ! Il ne se rend pas compte que je ne ressens rien ! »

Au bout de dix ans de mariage, elle le quitte.

Et alors, il cherche à tous prix à ce qu'elle revienne.

Une psychothérapeute fait remarquer à mon ami : « mais vous souffriez énormément de cette relation. Pourquoi tenez-vous tant que ça à retrouver cette situation ? »

L'ami est resté perplexe. M'en a parlé. Je n'ai pas su lui expliquer sa manière de réagir.

Aujourd'hui j'ai la réponse :

Dans la relation insatisfaisante qu'il connaissait il trouvait un peu de très précieuse satisfaction tactile. Ne serait-ce que dormir dans le même lit que son épouse.

Celle-ci partie, c'était le désert.

Alors, il regrettait les miettes tactiles. Faute de grives, on mange des merles.

C'est pourquoi on voit des maris malheureux, des épouses malheureuses, du jour où l'autre les quitte les implorer de revenir.

C'est pourquoi des femmes battues, des enfants battus, n'arrivent pas à quitter leur tourmenteur.

Parce qu'ils n'ont pas le choix entre un bon ou un mauvais, insuffisant rassasiement tactile. Ils ont le choix entre un mauvais, insuffisant rassasiement tactile ou le retour, l'arrivée dans le désert tactile qui leur fait peur.

Ceci explique aussi pourquoi certains couples qui ne marchent pas ne cessent pas de se quitter pour revenir ensuite ensemble et se quitter à nouveau

Et aussi pourquoi tant de gens préfèrent rester mal accompagnés que se retrouver seuls.

Ça n'est pas « l'amour » ou « le sexe », mais la tactilité qui mène la danse. Et explique quantités de comportements bizarres, paradoxaux, incompréhensibles, apparemment contradictoires.

Et aussi pourquoi certaines femmes devenues mères délaissent tactilement leur époux. Avec l'enfant, elles ont la satisfaction tactile qui leur manque. Et non assortie d'ultimatums sexuels qui les ennuient. Devoir « passer à la casserole » pour avoir droit à des câlins devient insupportable quand arrive le bébé qui n'a pas encore subi le sevrage tactile et échange les câlins gratuits en permanence.

Basile, philosophe naïf, Paris les 23 et 24 août 2013

143 Prendre quelqu'un sur ses genoux

Prétendre établir une frontière « sexuelle » dans la vie courante. Entre ce qui relève de « la vie » en général et du « sexe » en particulier, frontière correspondant au sevrage tactile universel. C'est un phénomène qui s'observe dans les gestes les plus anodins. Ainsi, prendre quelqu'un sur ses genoux.

S'il s'agit d'une petite fille ou un petit garçon, ce n'est pas « sexe ». En revanche, dès qu'il s'agit d'un jeune homme ou une jeune fille, ça n'est plus la même chose. Ce geste étant d'ailleurs jugé ridicule si c'est la jeune fille qui prend le jeune homme sur ses genoux. Il s'agit donc d'un geste « sexuel » à caractère dominateur. Celui qui prend l'autre sur ses genoux le domine. Et il appartient, dans nos innommables traditions machistes que le garçon domine la fille. De même que dans le discours hypocrite de la société « la femme est l'égal de l'homme » et non « l'homme est l'égal de la femme ». Ce genre de préséance révélant bien les fondements sexistes et machistes de notre société.

Dans un reportage télévisé, une dame qui élevait une trentaine de chats disait au reporter : « vous ne voulez quand-même pas que je prenne mon fils de 15 ans sur mes genoux ! » Sous-entendu : ça ne se fait pas. C'est pourquoi j'ai plein de chats à la maison. Eux, je peux les prendre sur les genoux.

Une amie me disait qu'arrivée à l'âge de 14 ans elle continuait à s'asseoir sur les genoux de son très gentil papa. Et elle surprit un jour une engueulade de sa très gentille maman à son très gentil papa lui signifiant qu'il n'avait plus à accepter de prendre leur fille sur ses genoux. Car c'était à présent une jeune fille... Donc, c'était « sexe ». Et il ne devait pas le faire.

Un jour, j'ai vu une scène cocasse : un père de famille dont la très jeune fille de 13 ans s'asseyait sur ses genoux. Le pauvre était comme paralysé et n'osait pas la toucher avec ses mains ! Il était débordé, par quoi ? Par la tendresse de sa fille que son éducation interdisait à présent de toucher.

L'interprétation culturelle stupide de certaines réactions physiologiques tout à fait innocentes et courantes vient ajouter à la confusion. Elle se retrouve dans une anecdote concernant un célèbre pédagogue polonais : Janusz Korcjack. Une ancienne pensionnaire de son orphelinat avec deux amies aussi ex pensionnaires retrouvent un jour Korcjack après quelques années. Elles ont 13 ans et lui font des câlins. Et son très déçues et choquées par l'accueil glacé qu'il leur réserve.

En fait, il faut savoir que le simple plaisir peut provoquer des réactions génitales. Chez l'homme : sensations agréables au niveau génital, avec éventuelles émissions des glandes de Cowper, érections plus ou moins marquées. Les imbéciles tenants de la sinistre « pensée unique » en concluent qu'il a envie de « faire l'amour ». Que c'est bien de le faire. Qu'il faut le faire... C'est faux. Le seul plaisir amène ces réactions. L'envie, elle, se manifeste par l'envie et non l'observation de son zizi et les conclusions intellectuelles qu'il faudrait soi disant en tirer. Comme si on devait obéir à son zizi ! C'est absolument stupide et risible. Korcjack avait certainement grand plaisir à revoir ces très jeunes filles. Mais il était victime de son éducation. Comme le papa paralysé avec sa fille sur les genoux. Si ça se trouve il sentait chez lui d'agréables réactions génitales qui le terrorisaient. Alors qu'il aurait du se dire : « c'est normal, ce n'est rien. » Et quand bien-même il aurait vraiment eu envie de « faire l'amour » il pouvait très bien ne pas suivre ce désir contraire à son éducation.

Une jeune femme très impressionnable et au franc parlé me disait un jour : « j'espère que tu n'as pas d'érection au contact de ma fille ! » Je n'en avais pas. Le « contact » en question se résumant à faire la bise à sa très jeune fille pubère. Mais quand bien-même aurais-je eu une telle réaction, je n'avais nullement à m'y « conformer » pour suivre les schémas imbéciles dominants de la société. De ces pensées je n'ai pas soufflé mot à la maman inquiète que ça n'aurait pas rassuré. J'ai juste dit non.

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 août 2013

vendredi 23 août 2013

142 La rupture de la nuit

Une des conséquences les plus dévastatrices de nos cultures anti-tactiles, tactilophobes, est « la rupture de la nuit ».

A un certain âge, on devient « grand » et on doit dormir seul.

Alors, on abandonne l'enfant dans une chambre obscur, un lit froid et seul. Il arrive qu'il hurle de terreur et désespoir. On vient le câliner et hop ! on l'abandonne à nouveau.

C'est ainsi. Il est sensé « grandir ». Et être abandonné ainsi serait une « étape » indispensable.

Qui quelquefois dissimule aussi l'égoïsme parental. Si maman et papa veulent se faire des câlins, la présence du marmot les interdit... Alors, ouste, dehors ! Dans « son intérêt », bien sûr.

Un jour, il y a une vingtaine d'années, j'entendais deux dames bavarder à la roseraie de l'Haÿ-les-Roses. Elles s'indignaient à propos d'une connaissance commune. « Tu te rends compte ! Elle dort avec son fils qui a treize ans ! » « C'est de l'inceste ! » Et l'autre approuvait.

Comme les gens sont bêtes ! Dormir dans le même lit, c'est forcément baiser... Le langage va en ce sens : « dormir avec », « passer la nuit avec », « aller au lit avec » signifie invariablement baiser !

Il existe des cultures où on dort ensemble, jeunes gens et jeunes filles confondus, sans nécessairement baiser. On dort ensemble, tout simplement.

C'est ce que m'a raconté un soir une jeune dame qui venait du Niger. Elle disait à moi et deux de ses amis présents : « chez nous, une jeune fille peut dormir dans le même lit qu'un jeune homme. Ça ne signifie pas autre chose que dormir ensemble. » Elle ajoutait qu'un jeune Français, confronté à une jeune fille nigérienne qui lui avait proposé de dormir ainsi « ça le rendait fou ».

Moi-même, j'ai dormi huit nuits de suite avec une jolie fille qui n'était pas amoureuse de moi. Il ne s'est rien passé de « sexuel » entre nous. Et on était très bien tous les deux.

Quand j'en ai parlé à un ami médecin, il a paru très surpris.

Je connais un jeune homme qui a dormi au moins jusqu'à l'âge de treize ans avec ses parents. Il est extrêmement doux et gentil. Résultat, il a quitté l'école où il ne supportait pas ses camarades élevés autrement et qui étaient durs et méchants avec lui. Fort heureusement il a trouvé un emploi chez son oncle par alliance qui vend des fruits et légumes sur les marchés et les cultivent également.

Le fils de Céline Dion a neuf ans dort avec ses parents.

Un ami particulièrement gentil a dormi jusqu'à l'âge adulte dans un lit à côté de celui de ses parents.

Et qu'est-ce qui fascine et fait rêver tant de gens à l'idée de se retrouver « en couple » ? Dormir ensemble !

C'est l'expression de la nostalgie de « la rupture de la nuit » subie durant la petite enfance ! Est-il normal de priver ainsi de la présence des grandes personnes qui s'occupent d'eux et les protègent les enfants huit ou dix heures par nuit ? Répondez à la question. Mais réfléchissez bien avant.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 août 2013

141 Le repentir et la culpabilité

Le repentir et la culpabilité sont deux comportements frappants qu'on peut observer en relation avec les problèmes causés par la satisfaction momentanée de la faim tactile chez les humains.

Soit un individu qui connait une satisfaction relative de sa faim tactile dans le cadre d'une relation dite « amoureuse ». Il est jaloux et possessif car il craint de perdre cette source de satisfaction tactile. Celle-ci, une personne de sexe opposé ou non, interrompt la relation « amoureuse » et s'éloigne.

On voit alors le jaloux ou la jalouse implorer subitement l'autre de revenir en arrière en acceptant tout ce qu'il ou elle refusait jusqu'à présent !

« J'étais jaloux, je t'empêchais de voir d'autres personnes. Reviens !!! A présent j'accepte tout ce que tu veux ! »

Ce changement surprenant s'explique par le fait que c'est la faim tactile qui fait pression et amène à envisager tout... pour être au moins un peu rassasié par l'autre.

Un autre comportement surprenant dans ce type de situation dite « de rupture » est la culpabilité.

Une fois que l'autre est parti, celui ou celle qui reste se morfond et cherche désespérément ce qu'il ou elle a pu faire de mal qui a provoqué cette situation. Y compris quand il n'en a pas du tout la responsabilité. Ce genre de culpabilité peut confiner à l'absurde. « Voilà, au bout de plusieurs années qui se passaient bien, j'ai eu ce très petit geste qui n'allait pas. »

La culpabilité prend parfois des allures ridicules, car elle a pour source la recherche fébrile de l'acte à réparer à tous prix pour retrouver la source tactile perdue.

Une fois encore, cette situation, qui peut donc être largement caricaturale, exprime la souffrance extrême causée par la famine tactile retrouvée.

Ce sont là les expressions visibles du problème de la carence tactile généralisée. Qui est causée aujourd'hui et de longue date par le sevrage tactile universel chez les humains.

D'autres réactions peuvent être carrément infiniment plus tragiques par leurs conséquences.

Privé de sa source tactile, l'affamé ressent une culpabilité telle qu'elle le mène à la dépression nerveuse. Ou, à l'inverse, cette culpabilité est rejetée sur l'autre, qui est parti. Il devient un monstre auquel on en veut. Et auquel on n'arrête pas de penser. Voire en vouloir presque au monde entier.

Et il suffit d'un petit massage du dos et des épaules avec une pommade réconfortante, fait par un tiers, pour juger l'autre, qui est parti, avec une animosité envolée.

Le toucher influe directement la pensée. Il ne crée pas toujours des cargos d'illusions qui s'évaporent en pleine mer alors que nous voguions joyeusement dessus. Il peut également être un facteur d'équilibre. Et pas seulement chez les nouveaux nés pour qui cela est reconnu. Et prendre pleinement conscience que ce fait existe bien réellement aussi pour les adultes sera une source de grands bouleversements. Il n'y a pas que la parole pour résoudre les problèmes dans la conscience. Le geste tactile existe aussi avec infiniment plus de force que le verbe et l'échange parlé.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 août 2013

mercredi 21 août 2013

140 Quelques pièges du sevrage tactile

Le sevrage tactile pèse effroyablement en permanence sur les humains adultes. Mais ils y sont habitués, en dépit de son caractère extrêmement pénible. Ce n'est que lorsque la carence tactile se réduit qu'ils réalisent quel poids ils doivent supporter habituellement. Et le soulagement est tel qu'ils accordent alors à celui-ci des « lettres de noblesse » extraordinaires. C'est « le grand amour », ou « l'amour ». C'est « la paternité » ou « la maternité », etc.

Quand le moment de soulagement cesse, des conduites et pensées à risques arrivent.

Ou bien le désespoir, avec le risque de conduites suicidaires. Ou encore, par exemple, des comportements et pensées aberrants.

Ainsi, quand on a connut une intimité physique avec une personne dans le cadre d'une « liaison » ou « aventure » amoureuse, on peut, suite à l'arrêt de celle-ci chercher à tomber dans les bras de la première personne venue.

Ou bien enjoliver à l'extrême le souvenir d'une personne qu'on a aimé ou voulut aimer auparavant.

Ou bien découvrir une séduction invraisemblable à quelqu'un qu'on ne trouve pas ainsi en temps normal et jusqu'à présent.

Tous ces comportements, toutes ces pensées, ont un point commun : ils vous emmènent « droit dans le mur ».

En cas de déception « amoureuse » méfions-nous de nos sentiments : le désespoir comme l'enthousiasme subit pour telle ou telle personne.

D'autant plus qu'il existe aussi des prédateurs ou prédatrices qui, connaissant notre faiblesse suite à une « rupture », rôdent et sont à l'affût pour profiter de la situation.

Quand on se retrouve « seul » il faut savoir garder la tête froide. Ce n'est pas parce qu'on vient de renoncer à nos illusions pour quelqu'un qu'il faut se précipiter vers d'autres mirages.

Au contraire, profitons de cette situation pour régler leur compte à au moins une partie de ces mirages et progresser dans la vie. Pour, à l'avenir, être moins victime de nos illusions et des prédateurs et prédatrices affectifs en tous genres.

La liberté retrouvée, ne cherchons pas tout de suite à nous rebâtir de nouvelles prisons.

Sachons reconnaître faiblesses et fragilités en nous, et tâchons de ne pas mettre en avant notre vulnérabilité.

Après tout, nos prédateurs et prédatrices ne sont forts que de nos faiblesses. Analysons les comportements de ces rapaces. Ils ont choisi d'être des prédateurs, ne soyons pas leurs souris.

Il s'agit de se prémunir et défier de leurs nuisances, sans s'égarer dans une nostalgie, une pitié, une animosité, une hostilité contre eux qui ne feraient que leur profiter. Car la meilleure de toutes les armes contre les prédateurs et prédatrices affectifs, c'est notre indifférence. Qu'ils vivent et meurent sans nous et loin de nous. Leurs vies et leurs malheurs ne nous intéressent pas.

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 août 2013

vendredi 16 août 2013

139 A propos du sexe et des câlins

Scène étrange : une jeune femme qui a dépassé les quarante ans, vit loin de sa famille et en toute indépendance matérielle depuis des années, n'est plus vierge depuis longtemps, se plaint amèrement à moi : « ma mère ne m'a jamais fait de câlins ». Quel propos bizarre ! Et alors, où est le problème ? N'est-il pas déjà plus d'actualité ? Quand on est une femme adulte et qu'on peut trouver et trouve des aventures amoureuses ?

Pourtant, la jeune femme qui se plaint ainsi souffre visiblement, mais de quoi au juste ? Ne pas avoir reçu de câlins étant petite fille ? Qu'est-ce qui la pousse à y penser ?

En fait, sans le réaliser consciemment, la jeune femme, appelons-là Thérèse, souffre de son sevrage câlinique, dont elle n'est jamais sorti.

On ne dira jamais assez la nuisance de la confusion entre le besoin de câlins et la relation – c'est à dire l'acte – sexuel. Cette jeune femme a toujours confondu les deux depuis qu'elle a atteint l'âge adulte. Et suite à la convergence à ce propos de la plupart des cultures régnantes, ce sont des centaines de millions d'autres humains qui pratiquent la même confusion.

Confondre sexe et câlins rend impuissant câliniquement, et quelquefois transforme en obsédé de l'acte sexuel.

Cette jeune femme, si elle « tombe en câlins », c'est-à-dire se retrouve de façon imprévue dans une chaleureuse séance de câlins avec un ami, décrète aussitôt : « il n'y aura pas de deuxième fois. Car ça nuirait à notre amitié ». Ainsi elle évacue toutes interrogations.

La confusion « sexe » égal câlins et réciproquement se retrouve dans les magazines. Dans une revue féminine j'ai lu un jour, parlant de l'organe sexuel masculin : « c'est une bombe ». Sous-entendu : « Mesdames, si vous posez la main dessus, vous devrez passer à la casserole ».

« Les hommes pensent ainsi » diront certains. Ce n'est pas forcément vrai. Une amie se plaignait à moi qu'il est arrivé que son copain soit en érection et ne lui saute pas dessus pour « l'honorer ». Il a fallu que j'explique à cette amie qu'une érection ne signifie pas nécessairement qu'on a envie de « faire l'amour ». De même qu'on peut en avoir envie et ne pas avoir d'érection. Mais mon propos se situe à des années lumières de la majorité des articles et écrits divers qui abondent sur le sujet.

La pensée unique dominante est celle du sexe automatique et formaté : caresses, bisous, léchages, déshabillages, érection et son équivalent féminin qui n'a pas de nom, égal acte sexuel, point.

Une dame que j'ai connu, pour résumer la nécessité selon elle de quitter son copain me disait : « on ne faisait même plus l'amour ».

Une autre, qui pourtant était laissée libre de butiner le sexe où elle voulait, a quitté son copain faute de sexe partagé avec lui, disait-elle. Son discours bizarre consistant à se plaindre de « ne pas être libre » alors qu'elle l'était effectivement.

L'absence de formatage inquiète, quand bien-même sa remise en question pourrait être confortable. L'être humain tiraillé entre Nature et Culture n'est pas à une contradiction près. On croirait qu'il cherche plaisir, douceur; bonheur, tranquillité. Ce n'est paradoxalement souvent pas vrai. A choisir, il préfère d'abord se sentir être un individu conforme à l'idée dominante de l'individu « normal ».

Basile, philosophe naïf, Paris le 16 août 2013

jeudi 15 août 2013

138 Les valets de cœur

Comme je l'ai déjà décrit, le processus de « tombage en amour » ou « énamourage » consiste à s'illusionner en une personne comme permettant de remédier complétement ou très largement à la détresse tactile engendrée par le sevrage tactile.

Quand quelqu'un « tombe amoureux » il devient « bête ». Il régresse à un état semi infantile. La confiance et l'admiration submerge le malade psychique d'amour. Il veut alors faire tout pour l'objet de ses illusions. Il se met à son service et devient alors un « valet de cœur ».

Le moindre désir de l'être aimé est à satisfaire.

Et ce dernier, comment réagit-il ?

S'il n'accepte pas d'être le support des illusions de l'autre, ça va l'énerver.

S'il accepte et joue le jeu, il peut tirer beaucoup d'agrément de son valet de cœur.

Ce faisant, est-il de mauvaise foi ? Ça dépend, pas forcément.

Son éducation lui a fait admettre qu'on pouvait tomber amoureux. Il laisse l'autre se mettre en quatre pour lui servir de valet. Et pense y compris agir normalement et bien faire.

Quand il pense à son « couple », il se dit, pensant à son valet : « il est amoureux » ou bien encore : « il est très amoureux ». Il ne se dit pas : « nous sommes amoureux ».

Le valet de cœur gavé par ses endorphines vit comme dans un rêve.

Gare au réveil ! Il peut être pénible.

Quand l'objet de son délire passe à autre chose et se fatigue de son valet.

Et s'éloigne pour s'en trouver un autre.

Le valet délaissé peut alors être amer. Comme on peut se sentir mal après s'être saoulé.

Un valet de cœur peut aussi être de sexe féminin. Ce sera alors une « servante de cœur », qui sera du valet de cœur l'alter égo féminin.

Une grinçante sagesse populaire dit que, dans un couple, il y en a un qui souffre et un qui s'ennuie... Celui ou celle qui souffre est le valet. Celui ou celle qui s'ennuie est son maître.

Un valet de cœur peut vivre dans cette situation plusieurs dizaines d'années. Son maître en fait ce qu'il veut. Ça peut conduire à des drames. Car les décisions du maître ou les conséquences de sa vie peuvent être très désagréables au valet qui veut rester attaché.

Le résultat est que sa vie peut devenir insupportable. Quitter le maître, il n'en est pas question. Et vivre avec est visiblement rigoureusement invivable. Alors le valet devient morose... et son maître commence à ne plus le trouver aussi distrayant qu'avant. C'est pourquoi il va bientôt le jeter dehors sans autre forme de procès. Le valet devra rapprendre à vivre libre ou se trouver un nouveau maître.

Basile, philosophe naïf, Paris le 15 août 2013

mercredi 14 août 2013

137 L'origine du concept de « complexe d'Œdipe »

Freud a plus ou moins bien vu quelque chose et a cherché à l'expliquer avec les outils intellectuels dont il disposait. Il a approché le sevrage tactile, quand l'enfant est introduit par son éducation et la pression voire la répression des grandes personnes dans le désert câlinique.

L'enfant, contrairement aux idées freudiennes, n'éprouve pas le désir de posséder sexuellement, « faire l'amour » avec sa mère. Ce qu'il désire, ce sont les gros câlins dont il a besoin et qu'on lui refuse. Ces gros câlins n'ont rien à voir avec l'acte sexuel, auquel le petit enfant n'aspire pas, dont il n'est pas capable et dont il n'a souvent même pas idée. Freud, victime de son éducation puritaine et anti-tactile a voulu voir du « sexe » là où se trouvait autre chose.

Le petit enfant d'après Freud veut « tuer » son père. Mais où donc se situe le conflit et sa forme ? Il est d'origine culturel. Au temps de Freud dans son entourage et bien souvent ailleurs encore récemment, c'est le papa qui faisait le gendarme à la maison, punissait, etc.

Pour imposer le sevrage tactile il est alors au premier rang. Le petit enfant essaye de retrouver les câlins perdus avec sa mère et entre en conflit avec le gendarme.

Plus tard, Freud imagine l'enfant devenu plus grand devoir « résoudre son Œdipe ». Ne plus vouloir posséder sexuellement sa mère et tuer son père et chercher l'amour « adulte » avec une personne extérieure...

En fait, le jeune sevré tactilement depuis de très longues années tente tant bien que mal — et plutôt mal que bien, — et dans la confusion d'éveiller son côté câlins non entretenu.

La famine tactile qu'il ressent, il cherche alors à y remédier avec au moins un ou une partenaire. Qui va prendre une place et importance démesurées dans sa vie. On dira alors et il se dira qu'il « tombe amoureux ».

La légendification de la personne de son cœur amènera encore d'autres troubles et désagréments.

Car, comme le dit la sagesse populaire : « la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu'elle a ».

Mais le jeune victime du fantasme amoureux rêve néanmoins à l'impossible : retrouver sa plénitude tactile perdue au sein d'une relation humaine surévaluée et élevée au rang du mythe amoureux.

Vouloir rencontrer — et vivre avec — une personne qui serait plus qu'une personne est un fantasme irréalisable. Ces histoires d'amour finissent toujours par des déceptions. Car elles ont mal commencé. Le jour où encore très petites, les personnes concernées ont été sevré tactilement. De tout ce drame Freud a approché la vérité. Ne l'a pas comprise et l'a mal interprété. Il ne disposait pas des outils intellectuels pour expliquer les choses et répondre aux interrogations.

Prendre conscience de la réalité du sevrage tactile qu'on a subi et inflige aux autres c'est prendre le chemin d'un meilleur équilibre affectif, moral, physique, psychique, tactile et social. Quant à « résoudre » quelque chose, on ne resout rien. On progresse dans la vie et tout le long de la vie. Et comprendre ses besoins ne signifie pas forcément mieux les vivre ou réussir à les satisfaire. Faire pleuvoir et cueillir une pluie de bisous dans notre société n'est pas réalisable. En tous cas aujourd'hui et dans notre monde bien dur et triste qui préfère la violence à l'amour.

Basile, philosophe naïf, Paris le 14 août 2013

136 Le discours mort de la pornographie

Ce qui fait la vie des choses et des gens, c'est la variété, le changement, la diversité. L'uniformité, c'est la mort. Or, il n'y a pas plus uniformisé que la pornographie.

Le « théâtre » pornographique obéit à des règles impératives, commerciales et redondantes. Il existe des centaines d'enchaînements de scènes rigoureusement semblables, par exemple :

Quand elles sont hétérosexuelles, ces scènes connaissent très fréquemment un programme identique : fellation, pénétration, extraction de l'engin, masturbation et éjaculation faciale finale.

Quand elles sont saphiques, ça donne : roulage de pelles, léchage de seins, cunnilingus avec orgasme réel ou simulé à la fin.

La répétition inlassable de ces scénarios signe leur invraisemblance.

Certains aspects « naturels » de la pornographie sont d'un naturel imaginaire. A en croire la pornographie, toutes scènes de sexe doit s'achever par une « conclusion » orgasmique. Or, dans la réalité, un moment de câlins peut très bien se finir différemment sans pour autant marquer manque ou frustration.

Autres âneries : la pornographie porte au pinacle le triolisme, la sodomie et la double pénétration.

J'ai connu une jeune dame qui n'avait gardé aucun souvenir impérissable d'une partie à trois. Elle ne se rappelait même pas exactement ce qui s'y était passé.

S'agissant de la sodomie, une jeune femme de mes connaissances m'a raconté avoir voulu un jour l'essayer par curiosité. Elle a eu, m'a-t-elle dit, le sentiment d'« avoir une grosse crotte qui montait et descendait ». Ayant derechef fait part de ses impressions à son partenaire et petit ami, celui-ci s'est senti ridicule et a arrêté aussitôt. On le voit, cette activité n'est pas jouissive pour tout le monde.

Quant à la double pénétration tant vantée, elle a été ainsi appréciée par une amie qui l'a pratiqué quelquefois : « c'est absolument nul. Quand tu la pratique tu ne peux absolument pas remuer ! »

Ce qui est extrêmement triste, c'est que la pornographie sert aujourd'hui en France d'« éducation sexuelle » à quantité de jeunes et moins jeunes. Ils croient trouver là des recettes à suivre.

Dans le discours pornographique se trouvent d'immenses absurdités telles que : « il ne faut rater aucune occasion », « il faut tout essayer », « il faut réaliser des performances », etc.

Pour les juger, faisons un parallèle avec la nourriture : si vous invitez à manger quelqu'un, c'est qu'au moins vous le connaissez un peu. Si c'est dans votre lit que vous invitez, il faut au moins que ça soit pareil. Donc, toutes les « occasions » ne sont pas forcément à saisir.

« Il faut tout essayer » : si vous êtes gastronome, pour être heureux avez-vous besoin de goûter absolument tous les plats existants, toutes les nourritures existantes, y compris les rats, les limaces et les araignées ?

Pour ce qui est des « performances », observez les concours de mangeurs de boudin. Ça vous tente ? Il n'y a rien de plus absurde et stupide que prétendre à des « performances » sexuelles !

Basile, philosophe naïf, Paris le 14 août 2013

135 A propos de la culpabilité ressentie par les victimes d'agressions sexuelles

Les victimes d'agression sexuelle souvent éprouvent paradoxalement un sentiment de culpabilité.

D'où cette étrange réaction peut provenir ?

On a avancé diverses hypothèses : dans certains cas les victimes auraient éprouvées du plaisir au cours de l'agression. D'autres ont incriminé l'influence de traditions religieuses qui condamnent les activités charnelles.

Une hypothèse me paraît intéressante :

L'agression sexuelle entraîne un « choc nostalgique », que j'ai décrit par ailleurs. Celui-ci inclus confusément le souvenir oublié, refoulé du sevrage tactile.

Or, ce sevrage a bien souvent été opéré avec la complicité passive, voire active, de la personne sevrée.

On connait tous la fameuse expression : « je ne suis plus un bébé » qu'utilise plus d'un enfant.

L'avidité d'être apprécié positivement par les adultes amène souvent les enfants à les suivre, y compris dans des comportements privatifs de plaisirs, voire franchement désagréables pour eux. Au nombre de ceux-ci se trouve le sevrage tactile.

S'agissant de victimes d'agressions sexuelles, le choc nostalgique leur amènera tout à la fois la nostalgie des câlins perdus au cours des années et le souvenir cuisant de l'acceptation du début de ce désert tactile lors du sevrage tactile.

Cette acceptation vue rétrospectivement plus ou moins clairement comme ayant favorisé un immense gâchis générera un sentiment de culpabilité aiguë.

En l'absence d'analyse claire du processus y conduisant, l'origine de ce sentiment apparaîtra incompréhensible.

Le manque généralisé de câlins entre les humains fonctionne comme une sorte de système de prisons individuelles invisibles. La victime d'agression sexuelle va se heurter violemment aux barreaux de sa prison individuelle. Se fera mal et ne comprendra pas ce qui arrive. Son sentiment de culpabilité témoigne de l'incapacité de la société à se regarder en face et se remettre en question.

En quelque sorte la société évite de se culpabiliser en renvoyant la culpabilité aux victimes. Ce qui lui permet par la même occasion d'éviter le débat sur l'agresseur ou les agresseurs.

Ceux-ci sont eux-mêmes très largement protégé dans notre société.

Avez-vous remarqué qu'il est courant d'évoquer en France de nos jours le nombre immense des victimes d'agressions sexuelles et jamais le nombre d'agresseurs forcément correspondant ?

On nous dit : « tant de pour cent de femmes, hommes et enfants sont victimes. » Mais pas : « tant d'hommes, femmes et enfants que vous pouvez également cotoyer tous les jours sont des agresseurs. » Ceci est révélateur de la laide réalité de notre société, qui les protège bien souvent.

Basile, philosophe naïf, Paris le 14 août 2013

134 Théorie du « choc nostalgique »

A la naissance nous sommes des petits singes. Cet état est plus ou moins bien respecté dans notre société « civilisée », c'est-à-dire dénaturée par des centaines de milliers, des millions d'années de pratiques industrielles, sociales, linguistiques, religieuses et culturelles diverses.

Initialement, le petit singe connaissait une intimité physique et morale intense avec les grands singes. Léchages pour la toilette, caresses, sommeils partagés et promiscuité épidermique...

Chez le singe dénaturé, « acculturé », cet état de choses est vite remis en question. Certes, on entend des mères dirent aujourd'hui qu'elles « mangent » leur bébé. Une jeune femme me racontait que très petits, elle, son frère et sa sœur avaient le visage léché par leur père.

Cependant, très vite intervient le sevrage tactile. Les caresses sont drastiquement rationnées. Le léchage ou même simplement tirer la langue est interdit. Le petit singe s'adapte plus ou moins bien à cette misère tactile. Car il la voit omniprésente dans la société qui l'entoure. Elle fait partie de la vie des adultes. Cette dernière impression est d'autant plus ressentie et convaincante que les câlins classés « sexuels » entre adultes se déroulent en cachette et hors de sa vue. Et on n'en parle pas.

Durant un certain nombre d'années, le petit singe va vivre une vie vidée des câlins. Cet état de choses d'origine culturelle a été vu jadis comme d'origine « naturelle ». Il a été baptisé par Freud « période de latence ». Le terme plus juste est « période de post-sevrage ». De plus, Freud s'est embrouillé en déclarant les câlins « sexuels », alors que c'est exactement l'inverse. Il y a les câlins qui intègrent les gestes « sexuels ». Et non les câlins intégrés au « sexe » : Freud interprétait la satisfaction de la tétée chez les bébés comme une satisfaction d'ordre sexuel. On ne voit pas ce que le sexe va faire là-dedans ! C'est une satisfaction tactile, affective, nourrissante, buccale... mais pourquoi « sexuelle » ? Sinon pour justifier la vieille culpabilité générale et religieuse du « plaisir ».

Quand l'âge de la capacité procréative arrive, ou avant, les jeunes singes humains rêvent confusément de rompre leur jeûne câlinique. Ou tentent de le faire, avec plus ou moins de succès. Certains ne le feront jamais ou seulement plus tard. Mais le manque câlinique, lui, reste sous jacent depuis le début du sevrage. Ce qui explique l'étrange phénomène du « choc nostalgique ».

Quelquefois, un événement accentue subitement et de manière cuisante la souffrance engendrée par l'absence de câlins. Et aussi la nostalgie des câlins qui n'ont pas été reçus, donnés, échangés durant de nombreuses années. Une tristesse terrible et confuse peut en résulter et pousser même au suicide.

L'événement qui provoque ce « choc nostalgique » peut être violent ou en apparence pas. Mais il ébranle la personne concernée. Ça peut être un viol, une agression sexuelle. Mais ça peut aussi bien être un chagrin d'amour, un divorce, un renoncement à enfanter, le deuil d'un proche, etc.

Quand le réveil de la faim câlinique survient ainsi, le désespoir n'est pas le fruit de l'événement réveillant, mais des années de souffrances par manque. On n'a pas été caressé. On l'a accepté et apparemment bien vécu. Et quelque part on le vivait en fait très mal. Et le réaliser est pire.

L'association des câlins avec un événement désagréable qui en a réveillé la faim peut amener à renoncer aux câlins. Vécus comme quelque chose de désagréable car associés au désagrément réveilleur. Ainsi, une femme violée refuse par la suite les câlins. C'est un phénomène que j'ai vu. La femme en question refusait tout ce qui lui rappelait la tendresse. Car elle l'avait refoulé et associé au souvenir de son agression dont elle ne parlait jamais. Et qui avait « remué » sa faim de câlins.

Basile, philosophe naïf, Paris les 13 et 14 août 2013