lundi 3 décembre 2012

20 Coming out mystique - Parcours de la religion du désespoir jusqu'à une vérité vivante et stimulante

1 – Introduction

Aujourd'hui, au côté des grandes religions traditionnelles, chrétiennes, juive, musulmane et autres, existe et prospère une grande religion dont la prospérité est plus récente et qui ne dit pas son nom. Elle prétend ne pas être une religion, reposer sur « la Raison », un concept supérieur, et s'opposer à toutes les croyances, qui représenteraient par rapport à elle des rêveries idiotes et des sentiments infantiles.

Cette grande religion fait d'une chose définie par elle comme la « matière » - en fait le non-Dieu, - la base de tout. Et du « néant » le point de départ et retour de tout y compris nous-mêmes.

De ce fait, n'offrant aucun espoir face à la mort, la grande religion en question n'est absolument pas stimulante et peut être baptisée « religion du désespoir », ou encore « matérialisme scientiste », en référence à son principe universel magique « la matière » et ses prêtres, astronomes et scientifiques en général (pas tous les astronomes et scientifiques).

La religion matérialisme scientiste prétend donner aux humains un réconfort existentiel en fait totalement creux. Ainsi les rodomontades hégéliennes : « tout ce qui naît est digne de périr ». Quelle belle jambe cela peut faire à un humain qui chie dans son froc à l'idée d'inévitablement crever et disparaître, l'idée que la perspective de sa mort qui le terrorise est drapée dans une mystérieuse « dignité » ? Tu vas crever, mais, réjouis-toi, tu es digne de crever !

Au début des années 1970, je lisais un article de Pierre Lambert, farouche matérialiste, qui rendait hommage à son ami et camarade Paul Hirzel mort en 1968. Je relevais une phrase (je cite de mémoire) : « matérialiste convaincu, seule une intense préparation a permis à Paul Hirzel d'affronter la mort ». Je restais perplexe. Quelle préparation ? Justement, le matérialisme scientiste n'offre aucune perspective à ses adeptes face à la mort ! Les diverses autres religions oui, pas celle-là !

Si je me souviens bien, le scientifique et vulgarisateur Hubert Reeves cherche à nous consoler de notre disparition à venir par le fait que nous serions composés de « poussières d'étoiles », qui se retrouveront plus tard composantes de nouvelles étoiles... Belle consolation ! En tant que consolation, c'est désolant et risible.

On trouve encore, de ci, de là, des propos sur le sujet relevant d'une mystique à deux balles : l'homme est comme une vague de l'océan de la vie, qui lui se perpétue. Ou encore, la vie se poursuit à travers le cycle du carbone, etc. Et moi, dans tout ça ? Bêtises impuissantes que ces « consolations »-là !

Les balbutiements du matérialisme scientiste se retrouvent dans des textes religieux mal rédigés ou mal traduits. Ainsi, la célèbre phrase biblique « tu es poussière et tu redeviendras poussière ». Un jour, j'ai parlé avec un jeune homme qui m'a dit qu'un de ses amis, rabbin spécialiste de la Bible lui avait dit qu'en fait les mots employés à l'origine avaient deux sens : un sens symbolique, mystique, et un sens littéral. Et qu'en fait, au lieu de « poussière » on devait lire « subtil ». Ce qui fait que la phrase en question devenait : « tu es subtil et tu redeviendras subtil ». Le « subtil », autrement dit l'âme. Exactement le contraire du sens matérialiste proposé habituellement.

De la religion matérialiste scientiste j'ai été bien longtemps un fidèle adepte. Puis, j'ai changé, il y a trente ans, et j'écris ce texte aujourd'hui pour expliquer pourquoi et comment je suis devenu croyant en autre chose, de bien plus stimulant que « la religion du désespoir ».

2 - Moi et ma mort

Quand j'étais enfant, élevé dans un cocon familial hyper-protecteur, la mort, ma mort, n'était pas un souci. Elle me paraissait si lointaine ! A des années lumières.

Sauf un jour, je devais avoir six ans. Il me passa dans la tête l'idée suivante : « je change à chaque instant. Donc, d'une certaine façon, je meurs à chaque instant. Y compris maintenant, donc ma mort est immédiate. Dans un instant moi, je serais mort et laisserais la place à un autre moi, différent. »

J'étais dans mon lit, couché depuis pas très longtemps. Cette perspective de ma mort inévitable et à l'instant, de mes morts à répétition, m'affola considérablement. Je me levais, descendis l'escalier menant de la loggia où était mon lit et retrouvais mon père qui n'était pas couché et était réveillé, dans la cuisine du logement familial.

Je lui expliquais le motif de mon affolement, de ma peur. Je ne me rappelle pas ce qu'il me répondit exactement. Je crois qu'il a éludé la réponse à mon interrogation. Toujours est-il que ses propos calmes et rassurants, son calme à lui, effacèrent ma crainte et je suis parti me recoucher tranquillement.

Des années plus tard, je l'interrogeais sur la mort, pour moi sujet abstrait, que je sentais extérieur à moi-même. Il me raconta un joli récit sur les âmes qui se retrouvent à tourner autour de la Terre, faisant référence, si je me souviens bien, aux croyances théosophiques.

Ces belles histoires paraissaient jolies comme des contes et me satisfaisaient pleinement.

Les années passèrent. Je me souviens que, s'agissant de la mort, je regardais les passagers de la rame de métro où je me trouvais, et plus d'une fois, me faisais la réflexion : « comme c'est curieux, tous ces gens que je vois là, eh bien, dans 100 ans, ils seront tous morts ! »

Je ne m'incluais d'aucune façon dedans. Voyant la scène plus comme un spectacle extérieur que comme un théâtre dont j'aurais été partie prenante. Je n'ajoutais pas : « et moi aussi ». L'idée ne m'en venait même pas.

Et un jour, cela changea, je perdis ma tranquillité. Je m'en souviens très bien, c'était au début de 1968. J'allais avoir dix-sept ans bientôt. La pensée terrifiante me vint : « je vais mourir un jour. Et alors, je ne vais plus exister, je ne pourrais même plus penser. Je n'existerais plus ! Horreur ! »

Et me voilà envahi par une peur terrible. J'en suis malade de me voir ainsi appelé à être précipité inévitablement dans le terrifiant néant de la non-existence !

La peur me colle. Je n'ose avouer mon tourment à l'entourage. J'ai peur, peur, peur... et cela ne s'arrête pas. J'en ai cru même que je devenais fou, tellement j'étais mal.

Ma famille se soignait à l'homéopathie. Je cherchais dans un ouvrage d'homéopathie le remède à ma folie. J'identifiais un médicament : « Stramonium ». Je demandais à ma mère de me l'acheter, sans dire pourquoi. La peur paralysait y compris l'expression verbale de celle-ci, tant ma mort à venir paraissait terrifiante, implacable et sans appel possible.

J'ai pris des granules de Stramonium, que ma mère acheta à la pharmacie. Et, suite à cela ou pour une autre raison, ma peur passa.

Mais, elle allait revenir. Par période d'une semaine environ, survenant de temps en temps sans prévenir.

Je me retrouvais alors absolument terrorisé par l'idée fixe que j'allais mourir, disparaître, ne plus penser, ne plus exister.

Ces périodes où la peur m'empêchait-même de dormir, je les baptisais d'un nom à moi : « déprite ».

Je fais de la déprite, me disais-je alors. Cette peur était terrible.

Je n'en parlais à personne. Je me souviens que le soir de mon arrivée en vacances au camping de La Bérarde, en 1982, j'ai eu une trouille telle dans ma tente, que le temps de me précipiter aux sanitaires, j'avais effectivement « chié de peur » dans ma culotte.

Mais, pour rien au monde, je ne souhaitais adhérer à une quelconque croyance mystique rassurante. J'étais farouchement attaché à « la Vérité ». Quand bien-même celle-ci m'apparaissait terrifiante, je préférais rester dans la vérité que chercher à croire à des âneries rassurantes quelconques.

Au cours de ces années, de 1968 à 1983, une seule fois j'ai sollicité un appui extérieur face à mes frayeurs existentielles épisodiques. Un soir où, en pleine crise de déprite, je rentrais au domicile familial avec ma mère, je lui avouais que j'avais peur. Peur de quoi ? De la mort, lui ai-je répondu. Elle s'est esclaffé et m'a répondu : « que veux-tu, le Bon Dieu a fait mal les choses ».

Je l'ai entendu aussi une autre fois, en 1981, parlant à une personne endeuillée de notre entourage. Elle ne faisait qu'acquiescer à ce que perdre quelqu'un ainsi, « c'était terrible ».

Et rien pour me rassurer. Je remarquais que ma mère, qui n'était pas du tout croyante, avait éprouvé le besoin, pour répondre à ma question, d'user des mots « le Bon Dieu ». C'était bien curieux.

Mes périodes de déprite se finissaient à chaque fois au bout d'environ une semaine, huit jours, disparaissant d'elles-mêmes. Mais menaçant de reparaître à un moment ou un autre.

Fidèle de la religion matérialiste scientiste, je tremblais et en même-temps restais fier de mon attachement à « la vérité » si terrifiante soit-elle...

Cela changea finalement et je vais raconter comment.

3 - Une question de Cosmologie

Mon frère aîné, baptisé Georges, que nous appelions Ababay - et plus tard, après 1961-1962, appellerons Youri, - était très jeune mordu d'astronomie.

En 1952, âgé de treize ans, il devint le plus jeune membre de la Société Astronomique de France fondée en 1887 par le grand astronome et vulgarisateur Camille Flammarion.

Mes parents, avec Ababay, fréquentaient les conférences de vulgarisation de cette société.

C'est ainsi que je me retrouvais, grâce aux échos de cette fréquentation, baignant dans un milieu familial où j'entendais des conversations dont je ne comprenais pas tout, loin de là, mais qui éveillaient ma curiosité.

Un sujet accrocha mon attention : la Théorie de la Relativité d'Albert Einstein. Je demandais à mon père de me l'expliquer. Il tenta de le faire, parlant d'un « microbe sur une boule », d'un univers « qui se recourbe », où « en partant d'un point de départ on s'y retrouve après avoir cherché à s'en éloigner ».

Je ne trouvais pas ces propos satisfaisants, insistais et continuais à ne pas comprendre la fameuse théorie en question.

Devant l'échec visible de ses explications, mon père me dit que je n'avais qu'à écrire à l'Observatoire de Paris. Ils sauraient bien me répondre.

En 1958, j'ai donc écris une lettre adressée à André Couder, un fameux astronome de cet observatoire dont mes parents et mon frère aîné connaissaient bien le nom.

Mon père m'a laissé écrire tout seul. D'abord au stylo. Puis, pour améliorer, il m'a conseillé de la taper à la machine. Je crois que c'est lui qui m'a dit de le faire, à moins que j'en ai eu moi-même l'idée.

J'ai donc introduis une feuille de papier dans la vieille machine à écrire Remington portable 1939 de ma mère et copié ma lettre manuscrite.

Elle était bourrée de fautes d'orthographe. Précision indispensable : mes parents ne m'avaient pas mis à l'école et mon écriture était plutôt phonétique.

A la fin de ma lettre, j'ai signé avec mon prénom et mon nom. J'ai voulu taper ensuite : « 7 ans ». Mais j'ai fais une faute de frappe et tapé le 7 juste après mon nom, sans mettre un intervalle. Ce n'était rien. J'ai retapé un autre 7 et mon père s'est chargé, avec une lame de rasoir, de gratter le premier 7. Il a presque complètement disparu. Mais il restait à sa place un 7 tout pâle.

Et ma lettre est partie.

Quelques temps plus tard, un jour où il fait beau, on frappe à la porte de l'atelier d'artistes où je vis avec ma famille. Deux jeunes filles inconnues se présentent. Elles sont envoyées par l'Observatoire de Paris.

Elles apportent la réponse à ma lettre ! Mais pourquoi ne pas l'avoir envoyé par la poste ?

A cause du fameux premier 7 ! Quand ma lettre est arrivée à l'Observatoire de Paris, ils ont lu après ma signature un 7 tout pâle suivi d'un 7 normal, d'où le dilemme suivant : cette lettre bourrée de fautes d'orthographe émane-t-elle d'un vieillard de 77 ans ou d'un enfant de 7 ans ? Nous étions en 1958, à l'époque 77 ans c'était comme 95 ans en 2013. Et, à un ancêtre ou un enfant écrivant une telle lettre on ne pouvait donner une même réponse !

Donc, ces deux jeunes filles étaient venues s'assurer de la nature du correspondant. M'avisant, quand on leur dit que j'étais l'auteur de la lettre, elles m'ont remis une enveloppe contenant la réponse à mon courrier. Elles avaient je suppose sur elles une autre réponse, adressée au vieillard.

Pendant que les grandes personnes de ma famille bavardaient avec les deux jeunes filles, j'ai ouvert l'enveloppe venant de l'Observatoire de Paris.

Elle contenait une lettre de André Danjon, astronome, et surtout, émerveillement ! Plusieurs très belles photos d'astronomie en noir et blanc montrant la Lune et d'autres sujets.

J'ai surtout admiré les photos et plutôt survolé que lu la lettre.

J'aurais très certainement relu celle-ci, si un incident n'était arrivé presque aussitôt après.

L'enveloppe, avec la lettre et les photos, disparut sans laisser de traces.

Je soupçonnais Ababay. Durant des années, j'ai protesté régulièrement : « et mes photos d'astronomie ! » Silence d'Ababay, l'air fâché. C'est seulement très longtemps après que l'enveloppe reparu par enchantement. C'est alors que j'ai relu attentivement la lettre de Danjon. En gros, elle disait : « tu comprendras plus tard ». Rien de bien excitant.

Mais, entre-temps, beaucoup de choses s'étaient passées. Ma réflexion était allé vers une autre interrogation : « d'où viens l'univers ? »

J'avais oublié mon intérêt pour la Théorie de la Relativité.

Je faisais partie, en 1958-1959, des rares enfants qui avaient dans leur vocabulaire le mot « Cosmologie ».

Mon père me l'avait expliqué. Ma mère, elle, m'avait dit vers ce moment-là que « Einstein a dit que sa théorie aurait pu être trouvé par les Grecs de l'Antiquité ».

Pour moi, l'explication de l'origine de l'Univers et la Théorie de la Relativité étaient deux choses du même ordre. Or, je l'ai dit, je n'allais pas à l'école. J'ignorais l'existence de la Science des Grecs de l'Antiquité. Pour moi, l'Antiquité, c'était comme l'enfance de l'Humanité. C'est-à-dire, l'enfance tout court. J'étais un enfant. Donc, j'aurais pu trouver moi-même cette fameuse Théorie de la Relativité et je pouvais donc aussi et dès maintenant trouver l'explication de l'origine de l'Univers.

Je commençais donc à m'interroger sur la question, Einstein et sa théorie passant au second plan de mes préoccupations, tout en me disant qu'un jour je comprendrais aussi là de quoi il en retournait.

Cette réflexion, cette interrogation, je l'ai poursuivi durant vingt-six ans, sans en parler à d'autres. C'était en quelque sorte mon truc à moi. De temps à autres, je notais dans la liste de mes sujets d'intérêts : « Origine de l'univers ».

J'en suis arrivé à me dire : « au commencement, il doit y avoir une entourloupette ».

Cette réflexion s'est accéléré en 1982. J'ai cherché en annexe à mon interrogation de trouver enfin la réponse à l'interrogation de mes sept ans : en quoi consiste la Théorie de la Relativité ?

J'ai été acheter un livre de vulgarisation à la Librairie du Globe, rue de Buci, ai emprunté quelques autres livres à la Bibliothèque municipale du XIVème arrondissement de Paris.

Je n'ai pas été éclairé sur la Théorie de la Relativité. En revanche, j'ai, en passant, découvert que les Grecs de l'Antiquité étaient en fait très forts en mathématiques.

Si je l'avais su en 1958 j'aurais été découragé pour chercher l'explication de l'origine de l'univers. Mais je ne découvrais l'existence de la Science des Grecs qu'à présent. Et ma réflexion avait beaucoup avancé. J'ai donc poursuivi celle-ci en prenant des notes sur les petits carnets qui ne me quittaient pas et où j'écrivais réflexions et poèmes.

Un moment, voilà que ma terreur, la fameuse déprite, me reprend, suite à mes réflexions.

En effet, comme je m'interroge sur l'univers entier, moi aussi, j'en fait partie. Ce qui signifie que je m'interroge aussi sur mon sort à moi. Or, pour ne pas être terrorisé, quand je le peux, j'évite de penser à ce sort qui, je le crois alors, implique le terrorisant néant inévitable que j'associe à « la mort ».

Vais-je interrompre mes recherches sur l'origine de l'univers à cause de cette peur paralysante qui s'éveille en moi ? Non !!! Je décide de faire comme si je n'étais pas concerné. La vérité est la chose la plus précieuse à trouver.

Et, ma réflexion continuant, j'ai fini par trouver ce qui s'est révélé « le pot aux roses » :

Pour qu'une chose puisse se voir défini un début, une fin, une chaleur, une taille, une vitesse, un changement... il faut qu'existe autre chose par rapport à laquelle elle est défini. Or, comme l'univers est « l'ensemble du tout », par définition il ne peut avoir de début, fin, chaleur, taille, vitesse, changement...

Donc, exit le Big Bang et ses discours sur l'univers petit, chaud, concentré, en expansion, etc.

Et aussi, si l'univers n'a ni début ni fin, donc nous qui lui appartenons, partageons cette qualité et n'avons ni début ni fin. Donc la mort n'existe pas. Et le néant aussi. Qui est une absurdité.

Je me suis alors demandé : « mais la « mort » qui me terrorise depuis si longtemps, qu'est-ce que c'est ? » Je n'avais en fait jamais été voir ce qui se cachait précisément derrière ce mot.

Curieux, j'ai pris un dictionnaire, le Petit Larousse, et cherché la définition. J'ai ri alors. En effet, la définition de la mort, cette chose qui m'avait fait si peur, eh bien, il n'y en avait pas. Mis à part une absence de définition, à tiroirs, du genre « fin de la vie ». Mais « la vie », elle, n'était pas définie !

J'avais donc tremblé depuis si longtemps devant une chose inexistante, imaginaire.

La vie, c'était autre chose que « sorti du néant, rentrant dans le néant ».

Alors, une autre explication ? La naissance aussi, n'est pas le début et... ?

J'en était là, à bouleverser ma vision de la vie quand un phénomène inexplicable rationnellement s'est produit.

Je fréquentais alors une dame très imprégnée de religiosité, qui me parlait de son sujet préféré : la religion. Je lisais diverses publications chez elle. Je me souviens, en particulier, de l'« Histoire d'une âme » de Sainte Thérèse de Lisieux, livre qui ne m'a pas beaucoup impressionné. Thérèse Martin était sensée être extraordinaire parce que... elle croyait en Dieu ? Est-ce si étonnant pour une religieuse ? Ou alors les religieuses qui croient vraiment en Dieu sont rares ! J'ai aussi lu un livre qui parlait d'Aménophis IV, de la religion d'Aton et affirmait que cette dernière était l'origine de la religion juive, thèse que Freud avait développé dans son dernier livre « Moïse et le monothéisme ».

Un jour, nous parlions de sujets religieux, cette dame et moi, et étions particulièrement d'accord, quand, venant de nulle part nous avons senti dans tout l'appartement un très fort parfum d'encens.

Ce parfum a duré un certain nombre de minutes. La fenêtre était ouverte, dehors il neigeait.

L'odeur ne venait ni de dehors, ni du palier. Elle n'était pas explicable.

Elle était d'autant plus étonnante pour moi que je souffre d'anosmie depuis très longtemps, ce qui fait que je ne sens pratiquement pas les odeurs, agréables ou désagréables.

Là, je la percevais très bien.

Puis, cette odeur venue de nulle part a disparu subitement, comme elle était apparu.

Quelques temps après, dans des circonstances analogues, le même phénomène inexplicable rationnellement s'est reproduit.

C'était en 1983. Durant quatorze ans, je n'ai pas osé en parler. Puis n'en ai parlé qu'à de très rares personnes très proches. C'est la première fois que je le raconte par écrit. Pourquoi ce silence ?

Parce que je me suis dis : « si je raconte cette histoire, on me traitera de fou, affabulateur, pire, que je suis un escroc et veux monter une secte ! »

Mais revenons à 1983. J'ai cessé de croire à « la mort ». Plus de déprite. Par moments, le changement est alors tel pour moi, que je doute, mais, il y a ce phénomène d'encens inexplicable qui me rassure et m'indique bien qu'il y a « autre chose ». J'avais reçu à deux reprises une sorte de « clin d'œil d'ailleurs » pour m'assurer que j'avais bien raison et conforter mes nouvelles convictions.

J'avais passé ma vie jusqu'à présent comme adepte irréductible du matérialisme philosophique, de la mort égale le néant. Et voilà que je devenais croyant sans pour autant adhérer à une église quelconque... J'avais l'impression, en quelque sorte, de « trahir mon camp » matérialiste scientiste. J'ai mis un an avant d'oser avouer mon changement en parlant à d'autres.

J'ai été un peu comme ces communistes passionnés qui rompaient jadis avec le Communisme et n'osaient pas l'avouer publiquement.

Deux raisons me retenaient également pour parler de la fin de ma vision matérialiste de la vie finissant dans le néant : je n'osais pas parler du phénomène d'encens, pour les raisons que j'ai énoncé et, aussi, la peur de la mort m'avait laissé un héritage : la peur du retour de cette peur. Elle était telle que je craignais que si j'expliquais mon évolution, on bousculerait mes nouvelles convictions et je me retrouverais à nouveau poursuivi par ces horribles crises de déprite.

Restait ma nouvelle théorie de l'univers...

Je me suis dit : je vais la communiquer aux scientifiques !

J'ai rédigé un courrier. Je le croyais être si décisif et important que j'ai même photographié en souvenir la pile de mes enveloppes timbrées avant de les envoyer.

Le courrier est parti.

J'ai reçu deux réponses très formelles. Une revue anglaise qui en accusait réception, et une lettre de la Société française d'astronomie qui me disait que ma lettre avait été transmise aux adhérents intéressés par la question.

C'était tout. Que m'avaient écrit les autres comme réponses : Carl Sagan, l'Observatoire de Paris, etc... rien !

Autour de moi, deux personnes, mon père et un vieil astronome amateur italien auquel mon amie Maryse avait fait lire mon texte, me lurent et dirent que, peut-être, c'était une grande découverte.

Je cherchais à coincer au moins un scientifique pour qu'il me réponde. Je ne voulais pas en rester là. Je finis par avoir un rendez-vous où je me rendis avec un texte de deux pages tapées à la machine.

Le vulgarisateur travaillant au Palais de la Découverte qui m'a reçu, m'a dit après m'avoir lu, que « ce n'est pas ainsi que les scientifiques se posent la question » et aussi qu'à la différence de ces derniers, je n'avais pas rédigé mon texte avec beaucoup d'application.

A l'écouter, je n'avais qu'à me taire.

Ce scientifique m'avait auparavant promis en prime à notre entretien de m'offrir une séance gratuite au planétarium. Je me faisais une joie d'y aller, car ma bourse plutôt plate, m'en privait. Il me quitta en oubliant sa promesse et je restais là, seul, à réfléchir à son absence de réponse.

Ces contacts décevants avec des scientifiques qui ne me répondaient pas n'ont pas modifié mes nouvelles convictions. Elles ont seulement amené que ma considération pour les scientifiques a beaucoup baissé. Et que j'ai compris que le Big Bang est une fable. Car il parle d'un début de l'univers, petit, concentré, chaud... par rapport à quoi ?

Il s'agit-là d'une théorie de la Genèse sans Dieu inventée par l'astronome et chanoine catholique belge Georges Lemaître. Cet homme d'église a extrapolé, à partir d'observations astronomiques, une nouvelle mouture du récit biblique de la Création, transformée en auto-Création dépourvue de Dieu.

Depuis 1983, ma vie a changé. Presque trente ans ont passé.

Je n'ai jamais jusqu'à aujourd'hui mis par écrit la totalité de cette histoire. Si je le fais aujourd'hui, c'est pour trois raisons :

La première raison est que j'en ai assez de ne pas raconter ce qui s'est passé, y compris l'épisode de l'encens. Un tas de gens rencontrent un jour de tels phénomènes inexplicables et se taisent devant l'intolérance et l'obscurantisme matérialistes régnants, ce qui ne fait pas avancer la vérité.

La seconde raison est, qu'intoxiquées par la religion matérialiste scientiste, quantité de gens sont très malheureux car ils vivent en permanence dans la terreur de la mort. Autant leur expliquer comment j'ai changé d'avis, ça pourra j'espère les aider à oublier ces âneries terrorisantes et comprendre autrement la vie, de façon belle, stimulante et pleine de richesses.

Sans pour autant forcément adhérer à une église organisée ou fonder une secte.

Puisse ce texte, dans l'immédiat, rendre le moral à une amie à laquelle je pense, qui vit aujourd'hui dans les frayeurs anciennes dont j'ai su me débarrasser.

Enfin, troisième raison, la perspective de devenir tardivement papa, me fait un devoir de rédiger ce récit pour satisfaire la curiosité d'un ou des enfants à venir. Apprendre ainsi des choses sur l'enfant que j'ai été et ce que je suis devenu, les intéressera très certainement un jour. Le papier saura mieux conserver ces souvenirs que la mémoire et moi-même.

Je me suis levé très tôt ce matin pour écrire. J'aurais voulu ajouter quelque chose encore pour finir. Quoi que vous pensiez de ce que vous venez de lire, oubliez les pensées déprimantes, la vie est belle malgré tous ceux qui prétendent le contraire. Vivez ! Amusez-vous et amusez-vous encore, car la fête est l'essence de la vie et la chose la plus belle qui soit.

Basile, philosophe naïf, Paris le 13 novembre 2012

Copie manuscrite de ma lettre envoyée en 1958 à l'Observatoire de Paris.
Réponse de Paul Couder à ma lettre.
Carte de mon frère aîné, plus jeune membre de la Société Astronomique de France à l'âge de treize ans, en 1952.



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