jeudi 6 décembre 2012

28 A propos de l'association et la dissociation

Le 4 décembre 2012, j'ai vu sur France 3 un documentaire sur le syndrome post-traumatique éprouvé par des militaires suite à un choc vécu durant des opérations en Afghanistan ou ailleurs.

Dans ce documentaire, un psychiatre rappelait l'explication couramment admise, en tous cas chez les psychiatres militaires français : ce syndrome nait de la brutale confrontation directe avec la mort. Elle trancherait avec ce qui serait notre état moral habituel : ignorer la mort en agissant et pensant contrairement à notre destin fatal, en faisant comme si nous serions immortels.

Cette interprétation me paraît fausse.

Certes, dans le documentaire, plusieurs militaires atteints avaient effectivement vu la mort de près. La leur, par exemple en sautant sur une mine, ou celle d'autres. Mais, un des militaires interviewés avait vu le déclenchement de son trouble suite à un grave accident de circulation dont il se sentait responsable. Cet accident n'avait tué personne, mais couté une jambe à un de ses camarades.

Un autre militaire malade précisait que, suite à la réduction de sa pension d'invalidité de 50 à 20 %, il s'était senti si mal qu'il avait tenté de se suicider.

Ces divers éléments confirment pour moi l'hypothèse que j'avance : il existe un besoin vital chez l'homme, l'association. Il a besoin de se sentir appartenir au groupe humain. Quand un incident tend à le convaincre qu'il n'en fait pas ou plus partie, il s'écroule moralement. Il souffre de dissociation.

Quand il voit mourir de près ou échappe de près à la mort au cours d'opérations militaires, c'est la pensée qu'au moins un homme a voulu provoquer cette situation. Le sentiment dissociatif, de la coupure violente d'avec cet homme crée un choc qui amène des troubles. Quand il se considère responsable d'un événement horrible - par exemple, un accident entraînant l'amputation de la jambe d'un camarade, - un homme peut se sentir dissocié des autres, parce qu'il n'a pas su éviter le drame.

Il existe d'autres sortes de situations dissociatives. S'agissant de viols par exemple, la victime du viol est utilisée, n'est plus qu'un objet entre les mains de son violeur : d'où sentiment dissociatif. Une victime de viols incestueux m'a même exprimé son trouble d'avoir éprouvé un plaisir physique joint à l'horreur morale au moment des agressions subies. Elle devenait ainsi d'une certaine façon étrangère à elle-même. La dissociation devenait interne, elle la ressentait vis-à-vis d'elle-même et non plus simplement vis-à-vis de son agresseur, un proche parent.

Pour se reconstituer, la personne dissociée a besoin de se sentir à nouveau réunie. Quand on refuse de la reconnaître malade, ce rejet peut amener une accentuation de son mal. D'où tentative de suicide suite au simple refus de reconnaître le juste montant de sa pension d'invalidité. La reconnaissance du dommage subi aide les victimes à se re-associer et donc améliorer leur santé. Cela peut prendre la forme d'une pension, d'une reconnaissance juridique (condamnation d'un agresseur, par exemple). Tout ce qui va dans le sens associatif améliore la situation. On pourra utiliser le chant choral, les massages, la poésie. Certains événements aideront aussi. Ainsi, par exemple, une personne victime d'un viol, suivi d'une non reconnaissance de la gravité du problème par sa famille, voit son état s'améliorer suite à la rencontre de l'amour et une demande en mariage.

En tous les cas, il ne faut pas perdre de vue que le sentiment d'association est pour l'homme un besoin vital, faisant partie d'un ensemble où l'on retrouve : boire, manger, uriner, déféquer, s'amuser, créer, contempler, chanter, câliner, baiser, dormir, rire et respirer.

Basile, philosophe naïf, Paris le 5 décembre 2012


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