samedi 28 février 2015

355 Lenteur, souplesse, silences : l'art de construire une goguette

J'ai quelquefois, il y a longtemps, voulu apprendre la musique, pour en jouer. Et n'y suis pas parvenu. Les professeurs étaient très mauvais, quand bien-même étaient-ils sympathiques et remplis de bonne volonté. Je n'ai fait qu'effleurer le sujet. Un de ses aspects m'a interpellé : les « silences ».

Pour faire de la musique harmonieuse à l'oreille une place doit obligatoirement être accordée aux silences... En fait, dans la vie, c'est pareil. Pour réussir une fête, par exemple, elle doit avoir lieu après une période où la fête est absente. C'est une forme prise ici par « le silence ».

On nous vante l'efficacité, la rapidité, la permanence des efforts créatifs. C'est totalement absurde. Pour qu'il puisse y avoir tension dans l'effort, il faut également qu'il y ait relâchement. Un enseignant des Beaux-Arts de Paris nommé Allain nous disait, à moi et d'autres élèves, que les périodes d'activités créatives visibles et intenses alternaient chez un artiste avec des moments de maturation créative où, apparemment il ne se passait rien. Ces paroles m'ont beaucoup aidées moralement. Car, à l'époque, je culpabilisais de ne rien peindre, sculpter ou dessiner. En fait ma créativité passait à ce moment-là par une période sans résultats visibles. Les racines souterraines des plantes futures se développaient souterrainement. Il faut savoir attendre. Ou plutôt ne pas s'en faire quand se passent d'inévitables moments d'apparente inactivité.

Il faut aussi prendre le temps. Ne pas se presser. « Bien et vite », ça n'existe pas. Pour créer une goguette, par exemple, soit un groupe festif et chantant comptant moins de vingt membres, il faut savoir absolument ne pas aller vite. Une année pour qu'elle commence à vivre ce n'est rien. Une goguette est appelée ensuite à exister des dizaines d'années !

Il n'existe pas de raccourcis. Quand on décide de créer une goguette, il ne faut pas s'imaginer qu'on va faire mieux en prélevant des cotisations, éditant des cartes d'adhérents. Ce serait une erreur. Ceux et celles qui payent une adhésion croient souvent acheter un service. Ils ont payés, alors on leur doit tout. Ils ont la carte, alors l'association doit être à leur service. Ils ne font rien ? Mais croient avoir fait quelque chose en cotisant. En fait, ils se sont acheté une « bonne conscience ». Et que faire des adhérents fantômes quand on sait que le nombre de membres est fixé à dix-neuf maximum ?

En fait, il faut proposer de venir à la goguette sans insister. Cela fait un an que, avec quelques autres, j'ai entrepris de faire naître une goguette. Durant cette période j'ai vu passer un certain nombre de sympathisants fantômes. « Je viendrais » disent-ils. Ils ne viennent pas... Ne les chassons pas. Ignorons leurs pseudo motivations. C'est ainsi que, revoyant des sympathisants en fait fantômes je me suis simplement abstenu soigneusement de leur parler de la goguette. L'auraient-ils fait ? La porte de la goguette leur était grande ouverte. Ils n'en ont pas parlé et sont restés dehors.

De même, j'ai agit un jour. La goguette n'avait pas trouvé de lieu pour se réunir. J'en parlais à deux sympathisants en fait fantômes. Et les avisais du problème. Sachant pertinemment que chacun d'eux disposait d'un local disponible. J'évitais soigneusement d'évoquer ces lieux. Ils n'en parlèrent pas. Ce faisant, ils confirmaient leur qualité de fantômes. C'est seulement en agissant ainsi, en n'insistant pas, que la sélection se fait, naturellement. Elle n'est pas compliquée. Il faut simplement trouver des membres motivés. Et ne pas forcer ou prétendre forcer les gens à venir. On n'oblige pas une plante à grandir en tirant sur ses feuilles !

Le processus de construction de la goguette se fait ainsi, à son rythme. Il est urgent de ne pas aller vite. Et ne pas chercher l'or là où il n'y en a pas. Quand bien-même la mine paraitrait bien riche et accueillante. Un adhérent possible s'efface ? Dix autres attendent plus loin le long du chemin.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 février 2015

354 L'invention de « la sexualité » et son oubli organisé

Au début de la vie, l'être humain n'a pas dans sa conscience le sentiment d'existence d'un domaine spécial, coupable et particulier : la « sexualité ».

Un petit enfant nu ne se sent pas « nu » au sens malaise, besoin de dissimuler son apparence à autrui. Il se touche pour le plaisir sans éprouver de gêne ou de complaisance exhibitionniste si d'autres sont présents et le regardent. Puis, il réalise que les grandes personnes affectent d'étranges comportements. En particulier, ils se cachent et l'invitent à se cacher. Tout particulièrement à cacher certains endroits de l'épiderme. Ces mêmes endroits qu'il est interdit finalement de toucher, se toucher, tout particulièrement si des « étrangers » sont là. Par exemple, les seins, ces organes féminins nourrisseurs, défense d'y toucher ! J'ai vu plusieurs fois dans des lieux publics à Paris des dames repousser leurs petits enfants sevrés qui cherchaient à mettre la main dans leur corsage.

Quand j'avais cinq ans, en colonie de vacances au bord du lac d'Aiguebelette en Savoie, je m'étonnais devoir porter une culotte de bain. Je demandais le motif de cet étrange accoutrement public. D'autant plus incompréhensible qu'une fois mouillée, porter cette chose qui ne servait visiblement à rien devenait parfaitement désagréable. « C'est pour l'hygiène » me répondit-on fort hypocritement. J'acceptais la validité du motif. J'ai vu un jour, dans les années 1980, sur une plage en bord de mer, un petit garçon de deux ans portant un slip de bain mouillé l'ôter spontanément et le jeter par terre avec dégoût. Il n'avait pas encore été propagandé comme moi à l'âge de cinq ans.

Petit, on cherche à imiter les « grands ». On se laisse bourrer la tête. On accepte qu'il existe un état particulier, baptisé « nudité », qui connait ses contraintes particulières et ses diktats impératifs. On nous apprend à avoir honte de nous, d'être vu « nu » et tout particulièrement d'avoir honte d'une partie de nous : le sexe. Il faut absolument le dissimuler à autrui. Ainsi que d'autres parties de ce qu'on nous a appris aussi être « le corps », c'est-à-dire en fait nous-même.

Les vêtements sont détournés de leur rôle protecteur utile pour servir à la dissimulation. Le comble du ridicule étant atteint par les « vêtements de bain », surtout quand ils sont très petits !

On nous apprend et conditionne à l'idée qu'il existe un état spécial : « nu », défini comme sans vêtements. L'état naturel étant sensé être avec des vêtements. Pourtant, nous ne naissons pas avec un slip ! On nous invente la « nudité ». Celle-ci est à cacher, donc elle est honteuse, pourquoi ? On ne le sait pas vraiment, alors on culpabilise, car on a honte sans raison. En quelque sorte la honte est tellement absurde et forte, institutionnelle, qu'on a « honte de la honte ».

La nudité, en fait l'état naturel, devient pour nous hyper-érotisée par la suite. Entre-temps, des années ont passé. Après la libre très petite enfante a succédé une période de plusieurs années où la sensualité est bridée, endormie artificiellement, réprimée. Cet état artificiel est baptisé « période de latence » par certains spécialistes. On voit dissimuler son caractère culturel et artificiel derrière la prétention à lui trouver une origine naturelle.

Arrive un moment de la vie où on va « réveiller » artificiellement de son sommeil artificiel la sensualité, rebaptisée « sexualité » et orientée vers la reproduction et la sexolâtrie. L'acte sexuel deviendra l'objectif, l'idée fixe inculquée aux jeunes. Ils seront baptisés « adolescents », une étape de la vie qu'on ne trouve nulle part dans la Nature. Parle-t-on d'éléphants ou d'orang-outan adolescents ? Non, jamais, seuls les humains ont le droit à cette étape imaginaire, quelquefois depuis quelques années précédée d'une autre étape toute aussi imaginaire : la « pré-adolescence ».

Vers l'âge de douze, treize, quatorze, quinze ans on va réveiller la sensualité. Mais dans quelle orientation ! Hyper-érotisation de la nudité, masturbations frénétiques et répétées, culpabilité incompréhensible et écrasante. Sans compter un analphabétisme tactile fruit d'années et années où toutes les caresses sont en général prohibées, car classées « sexuelles ». Le résultat sera une inconduite incroyable des garçons à l'égard des filles. Ils ne penseront qu'au trou. Et l'envahissement de la pornographie via Internet n'a certainement pas arrangé les choses.

Le conditionnement reçu fera de la recherche de l'acte sexuel une idée fixe, détachée du désir authentique. Dès que c'est « techniquement possible », hop ! allons-y ! Un ami quinqua me disait, dégoûté, parlant de la jeunesse : « c'est la génération capote ». T'as une capote sur toi, allons-y !

Les dragueurs « professionnels » sont l'expression-même de cette misère relationnelle. Ils n'arrivent pas à apprécier leurs partenaires résumés à un trou ou une queue. Ils sont des « messieurs-dames vingt centimètres »... l'étendue de peau et muqueuse concernée par leurs « caresses » se résumant à vingt centimètres carrés, alors qu'un être humain en compte deux mètres carrés. La prohibition culpabilisation de la « nudité » s'accompagne de deux prétentions absurdes : la sexualisation de l'érection. Soi-disant celle-ci correspond à l'envie de baiser. Alors qu'elle survient en de multiples occasions sans qu'il ait désir véritable et authentique. Et la prohibition de l'écartement des cuisses chez les femmes et même les petites filles nues, considéré comme « sexuel » et obscène ! Un ami naturiste m'a raconté avoir vu un jour une mère de famille naturiste engueuler sa petite fille parce que nue au bord d'une piscine elle écartait les cuisses ! On vire à l'obsession perverse et maladive.

La vue seule du sexe est baptisée « sexuelle ». Frustrés visuellement, ne voyant pas de nudités, quantité de gens passent le temps à se gorger de pornographie.

La pornographie est un produit commercial. Qui prétend abusivement que l'acte sexuel - et trois ou quatre bricoles annexes, tels que la fellation ou le bisou sur la bouche avec la langue, - représentent le but impératif à atteindre en permanence de l'âge de quatorze à quatre-vingt ans ! Absurde et démolissante ânerie ! La relation humaine est infiniment plus vaste et belle que ces seuls petits exercices qui ne sont justifiés que quand ils relèvent d'un désir véritable et réciproque. Et pas d'une mise en scène et un conditionnement culturels fruit de siècles de frustration organisée.

Les personnes qui n'arrivent pas à se détacher de cette obnubilation qui résume la relation à quelques minutes d'accouplement glissent insensiblement vers le sadisme. Il peut être passif et consister, par exemple, à se repaître de récits d'atrocités commises par d'autres. On fait du voyeurisme sadique parce qu'on n'a pas réussi à régler son compte à sa sexualité artificielle et perpétuellement frustrée, car à la recherche d'une chose qui n'existe pas : l'épanouissement sexuel en permanence et à tous prix. La vie est plus vaste que cette gymnastique en chambre à laquelle notre société prétend très souvent nous résumer. J'ai même lu un jour que : « l'acte sexuel est la plus belle façon de communiquer ». J'aurais aimé demander : « même quand il s'agit d'un viol ? ».

Si j'en relève les faiblesses, je ne prône pas pour autant des changements de société, mais cherche à trouver des remèdes pour réduire la nuisance de celle-ci. La société accorde un sens précis, une signification à la nudité ? Desérotisons-la ! Comment ? En étant nu le plus souvent possible. Sans pour autant le faire en public, sauf dans un cadre naturiste légalisé. Une fois qu'on est resté nu très souvent, en écrivant, répondant au téléphone, classant des papiers, rangeant la maison, passant l'aspirateur, préparant la cuisine, etc. Toutes situations absolument pas érotiques, au bout d'un certain nombre de mois, la nudité perd son caractère érotique, lié à la sexualité. De plus, on a moins froid, car les vêtements nous fragilisent quand ils sont portés sans raison valable, simplement par mauvaise habitude. Et si nu on a froid on peut mettre juste une veste, pas besoin de mettre de culotte. L'amour a de la peine à s'exprimer, être vécu, est contrarié par la sexualité artificielle qui nous envahit ? Oublions-là !

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 février 2015

mardi 24 février 2015

353 La dictature des tigres en papier

Une bizarrerie incroyable à laquelle nous sommes habitués est d'attribuer un pouvoir effectif à des « règles », au « devoir », à la « morale », la « raison », les « règlements », « lois », « pactes », « traités », « contrats », « signatures », « promesses », « serments », « paroles données », « engagements », « obligations », « traditions ». Ce qui revient à prétendre que l'homme doit se plier à des traces d'encre sur du papier, voire juste au souvenir de mots prononcés.

Ainsi, on prétend « obéir à la loi ». Mais qu'est-ce que « la loi » ? Des mots, des phrases écrites par des hommes qui seraient sensés « avoir force de loi », jusqu'à leur changement suivant.

Depuis le début de l'Histoire humaine que de traités trahis, oubliés ! Où sont par exemple les traités conclus entre la France et l'empire austro-hongrois ou la Sublime porte ottomane ou le duché et comté de Bourgogne ? Au fond de la corbeille à papiers de l'Histoire !

On fait comme si le souvenir de mots, surtout s'ils ont été écrit sur un support quelconque, informatique ou autre, avait le pouvoir de « commander » les hommes !

Que dire également de « l'argent » ? On croirait que c'est lui qui commande aux hommes et pas l'inverse ! Pourquoi dit-on « billet de banque » ? Parce qu'à l'origine c'était de petits morceaux de papier avec écrit dessus à l'encre des mots, suivis d'une signature. Comme c'était contre-faisable, on les a remplacé par des gravures imprimées plus difficiles à imiter. A présent, à peine huit pour cent de l'argent dans le monde a une base papier ou métal. C'est du blabla électronique auquel les humains se soumettent le plus souvent, c'est-à-dire dans quatre-vingt-douze pour cent des cas.

J'ai assisté à un mariage à Paris. Le maire déclarait aux tout frais nouveaux époux : « je vous déclare unis par les liens du mariage ». Que sont ces fameux « liens » ? Sont-ils en chanvre, en quelle matière précise ? Personnellement, je ne les ai jamais aperçu.

Un mythe très vivant dans notre société est la soi-disant impossibilité d'imiter parfaitement une signature.

Et un autre mythe, particulièrement dangereux, prétendre que : « nous devons respecter le principe des engagements, du respect des accords conclus, sinon plus rien ne pourra bien fonctionner ». Mais, c'est justement dans ce système qui paraît « respecter les accords » que rien ne marche bien et tout va de travers ! On « respecte les accords ». Et on se retrouve avec une poignée de gens qui dorment sur leur montagne d'or personnel cependant que le plus grand nombre crève de faim.

La seule loi qui importe, c'est le respect de l'être humain.

A partir du moment où un accord apparaît nuisible, ou que les conditions qui ont accompagné celui-ci ont changé, l'accord cesse d'exister. Voilà quelle doit être la vérité. Mais, alors, tout bouge ? Rien n'est sûr ? Oui, exactement, comme l'a dit il y a fort longtemps Héraclite : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Vouloir arrêter le mouvement du monde avec des mots revient à chercher à emprisonner le vent dans une cage. Admettre que c'est possible amène à des comportements absurdes et toutes les trahisons possible. La réalité est là qui nous dit que l'argent n'existe pas, n'est qu'une convention qui assure la prospérité de pillards drapés dans « le service de la dette » qu'ils ont fabriqué pour eux-mêmes sur mesure. Vouloir s'entendre avec de tels créanciers en respectant l'humain comme prétend le faire aujourd'hui Tsipras... autant s'adresser à un écureuil et lui demander de jouer du Liszt ou du Chopin au piano ! Pauvre Grèce...

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 février 2015

352 Plaidoyer pour des goguettes plurinationales à Paris

Aujourd'hui, la population parisienne a très grande envie et besoin de fêtes vivantes et traditionnelles. Je le vois bien. Je diffuse depuis 1993 des tracts pour le Carnaval de Paris. A partir de 1998, ils annonçaient des cortèges. Quand je les diffusais de longs mois d'avance, je m'attirais avant des remarques sceptiques : « mais, c'est très loin ! d'ici-là je vais oublier ! » Ces derniers mois, les réactions ont complètement changé. Quand je donne un tract annonçant la fête dans six mois, voire bien plus, on apprécie positivement. On accepte volontiers l'idée d'être informé tellement d'avance. On ajoute qu'on espère s'en souvenir pour le jour lointain où arrivera la fête. C'est un signe qui ne trompe pas.

Un autre signe qui me paraît significatif du renouveau festif parisien : durant des années, quand je proposais un tract à un Chinois de Paris, le plus souvent il ne s'y intéressait pas, voire refusait de le prendre. Le 15 février dernier, changement complet : passant par Belleville, le cortège du 18ème Carnaval de Paris est attendu et accueilli joyeusement et avec enthousiasme par une foule de badauds parmi lesquels nombre de Chinoises et Chinois hilares et bien présents à la fête !

Ces derniers temps on voit de plus en plus de Chinois à Paris. Peut-être aussi avant en général ils se sentaient « Chinois de Chine émigrés ou en visite à Paris », tandis qu'à présent ils se sentent « Chinois de France ».

Quand j'étais étudiant à l’École des Beaux-Arts de Paris il y avait à l'époque, dans les années 1972-1984, 30 % d'élèves étrangers.

J'avais un camarade Japonais qui se désolait. « Nous autres Japonais cultivés connaissons bien l'art européen et l'art japonais. Tandis que les Français que je rencontre connaissent l'art européen et ignore totalement l'art japonais. Ils ne connaissent que les estampes japonaises qui correspondent chez nous à vos images d'Épinal ! »

Dans les années 1980 je connaissais quelques résidents de la Cité internationale universitaire de Paris. Dans trente hectares de jardins des pavillons nationaux de quantité de pays accueillent des étudiants du monde entier. La règle étant qu'un pavillon national accueille au minimum trente pour cent de nationaux d'autres pays.

Je rencontrais notamment là un médecin mexicain et un étudiant des Pays-Bas. Cri du cœur de mes nouveaux amis en découvrant que j'étais un simple habitant français de Paris : « ah ! enfin ! quelle chance ! un Français ! »

Ces étudiants étrangers en résidence à Paris connaissaient et rencontraient des étudiants de nombreux pays, mais pas des Français. La Cité était pour eux un peu comme une sorte d'île confortable, mais détachée de la vie parisienne et des Parisiens.

Pourtant, ces étudiants rêvaient tous de connaître des Français. Ils n'en avaient pas l'occasion.

Durant ces années-là, je me souviens être passé un dimanche ou un samedi après-midi devant une salle de réunion de la rue du Moulin Vert à Paris, dans le quatorzième. On y donnait une fête. Des personnes qui se trouvaient près de la porte m'ont invité à entrer.

C'était une joyeuse fête portugaise... il n'y avait là autant dire que des Portugais. Ceux-ci ont de très belles et vivantes traditions festives.

Les seuls rares Français présents avaient un lien direct avec le Portugal. Par exemple, étaient mariés avec une Portugaise.

Ces trois exemples, l'étudiant des Beaux-Arts, les résidents de la Cité et la fête du Moulin Vert, montrent qu'il paraît très difficile que se passent des échanges entre Français et étrangers présents à Paris. D'une certaine façon, on a l'impression que les étrangers qui viennent à Paris profitent de la culture française. Inversement, les Français ne profitent pas de la culture de ces étrangers. Pourtant, ils sont porteurs d'immenses richesses, linguistiques, chorégraphiques, musicales, humaines, et ne demandent qu'à en faire profiter les Français !

A la Cité international universitaire de Paris il y a quantité de concerts, activités culturelles diverses, même une troupe de danse mexicaine... tout cela est ouvert aux Parisiens, qui généralement n'en profitent pas. Les élites intellectuelles du monde entier sont là. Ne demanderaient qu'à rencontrer des Parisiens, leur parler de leur pays, leur langue, leurs fêtes, leurs traditions. Et autant dire rien ne se passe en ce sens. C'est très dommage.

Quelle solution pour fluidifier les relations, assurer des échanges entre les porteurs de cultures étrangères et les Parisiens ? J'en vois une : la fête et surtout son outil de base : la goguette.

Au Carnaval de Paris on peut admirer de splendides danses boliviennes, des danses et musiques antillaises, des musiciens, costumes et marionnettes géantes ou dragon basques. Or, la base traditionnelle du Carnaval en France est formée de petites sociétés festives et chantantes de moins de vingt membres. Se réunissant ponctuellement pour passer un bon moment ensemble et rejoignant le Carnaval quand il a lieu.

L'idée pour résoudre le problème évoqué est de créer des goguettes plurinationales. Exemple : une communauté bolivienne existe en région parisienne. Ils sont 500. Que les Boliviens qui le désirent assemblent des petits groupes de base formés de par exemple 4 à 8 Boliviens. Cette goguette agrégeant ensuite un apport d'autres nationalités présentes à Paris, dont des Français, pour arriver à dix-neuf maximum. Gageons que les échanges festifs et culturels seront chaleureux ! Et tout le monde en profitera grandement et y trouvera et apportera du plaisir ! Ça enrichira aussi le Carnaval !

Quand on assiste au défilé du Nouvel an chinois à Paris, parmi les personnes défilant avec de splendides habits chinois on aperçoit des Européens, des Africains... J'espère voir demain au côté des Boliviens des Européens et Africains danser des danses boliviennes au Carnaval de Paris et portant de superbes costumes boliviens !

Et voir également un jour au Carnaval de Paris des Boliviens en costumes bretons ou basques danser des danses bretonnes ou basques au côté de Bretons et Basques de Paris !

Nous avons tous à gagner à ces joyeux échanges ! En 2006, rue de Belleville, j'ai aperçu deux jolies jeunes filles chinoises, sur le passage du cortège du Carnaval de Paris esquisser un pas de danse bolivien ! C'est beau, ça !

Quelques temps après, une Parisienne qui avait vu passer le cortège m'a demandé : « c'est une fête latino-américaine ? »

Je lui ai alors répondu : « Non, c'était le Carnaval de Paris. » 

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 février 2015

351 Petite réflexion sur l'amour

En amour, tout au moins ici, en France et à Paris, les hommes et aussi les femmes sont le plus souvent violents moralement, voire quelquefois physiquement, ultra égoïstes, égocentriques, très volontiers manipulateurs, possessifs et jaloux à l'extrême; Des personnes aimables et douces par ailleurs, dès qu'elles pensent qu'il s'agit de "l'amour" se conduisent en brutes cyniques. On pense, à les observer, à la nouvelle de Robert Louis Stevenson "L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde".
Que faire alors face à cette violence ? Si on pense face à cette inhumanité être trop doux, trop gentil, trop honnête, trop bon, trop généreux pour se préserver ? Et qu'on se fait systématiquement "démonter la gueule" par des "douces et belles créatures" ? Garder ses distances, se méfier et protéger. Si les femmes sont de très beaux éléphants et qu'on est une jolie et fragile porcelaine, on se planque. On s'abrite derrière l'épaisse vitre blindée d'une vitrine sécurisée. Il n'y a pas d'autre choix raisonnable, à moins d'être masochiste et jouir à l'idée de se faire piétiner une fois de plus.
J'avais tendance sans le réaliser à éviter les problèmes. A présent, je le ferais consciemment. Que les belles personnes se fassent apprécier par moi... de loin. Être la petite souris dans les griffes du chat n'offre d'avantages qu'au chat et pas à la souris. Il n'y a pas de reproches à faire au chat qui torture la souris. C'est dans sa nature. Mais, en qualité de souris, il faut savoir rester dans son trou à manger son gruyère en écoutant un disque de Chopin. La fourrure du chat est très douce. Ses yeux sont magnifiques. Mais ils ne sont pas faits pour la souris.
J'ai vu un jour la photo de l'arrivée d'un terrible orage en montagne. L'image était d'une grande beauté. Mais l'orage en question était un grand danger. Je dirais que pour moi, les femmes séduisantes sont comme cet orage. Très beau mais à fuir absolument.
Je sais qu'il m'arrive de plaire. J'éviterais que ce sentiment ait une suite quelconque. Ma tranquillité d'abord ! Je n'ai aucune obligation de prendre des risques mortels à "faire le bonheur" de quelqu'un d'autre en ruinant ma tranquillité et me retrouvant en pièces détachées. Cependant que l'autre me remercie pour "sa plus belle histoire d'amour". Chose qui m'est déjà arrivée.
Que ces dames aillent vivre leur "plus belle histoire d'amour" avec quelqu'un d'autre ! Désolé, ici, aujourd'hui et pour une durée indéterminée, le guichet est fermé. On ne vend plus aucun billet. L'employé qui les vendait est parti en vacances et on ignore quand il reviendra, s'il revient un jour.
C'est ainsi aujourd'hui que je vois l'amour tel qu'il m'est proposé. Si vous souhaitez que je change d'avis, proposez moi autre chose.

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 février 2015

lundi 23 février 2015

350 Quelques réflexions pour l'organisation d'une fête populaire dans la rue

J'ai 22 ans d'expérience d'organisation du Carnaval de Paris, une fête qui est la convergence d'une quantité d'associations qui défilent ensemble dans la rue chaque année. La dernière, le 15 février 2015 a rassemblé 4 à 5000 personnes. Pour une fête indépendante et populaire c'est un formidable résultat. Il n'y a ni politiques importants, ni budget derrière, rien que du cœur. Et si on me dit : « pour organiser une telle fête il faut de l'argent ! » Je réponds : « oui, le moins possible ! » Ici il faut quelques centaines d'euros, essentiellement l'abonnement Internet et au téléphone portable que j'ai pris pour le Carnaval et à mon nom et l'assurance, plus quelques timbres poste et ramettes de papier.

Une amie me disait récemment : « il faut tirer une énorme quantité de tracts ! » A quoi je répondais : « il ne faut pas se prendre pour ce qu'on est pas. Là j'en fait 1000 et puis voilà ! »

A titre d'exemple, le tract pour le Carnaval de Paris 2015 a été tiré a exactement 2810 exemplaires dont 2806 ont été distribués plus 1400 diffusés par Internet, total : 4206 exemplaires diffusés.

Chaque tract a en théorie amené un participant à la fête ! Pas mal, non ? Il faut dire que la base de la venue des festifs a été surtout le bouche à oreille, l'ancienneté et l'organisation. L'ancienneté car c'était le 18ème défilé annuel consécutif. Et aussi la confiance, car certains connaissent le Carnaval de Paris depuis des années. Et voient dans quel esprit je cherche à l'organiser en dépit de difficultés et éléments contradictoires qui ont pu des fois aller dans un sens différent.

De sympathiques amis m'ont fait part de leur projet d'organiser une fête, défilé dans la rue. Pour les aider dans leur projet j'ai rédigé ce texte. Je leur amène ici des idées et conseils, qu'ils sont libres de suivre, critiquer, améliorer.

Pour créer une fête de rue, il faut choisir très vite une date. Si possible une date qui revient : par exemple dernier dimanche d'avril, ou le dernier dimanche avant Pâques... ne pas interrompre une année, par exemple, quitte à faire même très petit cette année-là.

Rattacher la fête à une tradition lui donne beaucoup de force, le Carnaval par exemple.

Ne pas hésiter à débuter petit. En 1999, lors de la deuxième édition du Carnaval de Paris, je pouvais presque faire ensuite le relevé nominal des participants !

Quand on annonce qu'on prépare une fête, beaucoup de gens approuvent et font mine de vouloir venir et font défaut ensuite. Quand quelqu'un dit : « je vais venir » ne surtout pas penser : « il va venir », mais : « il m'a dit qu'il va venir ». Si je comptais le nombre de promesses trahies depuis le début de la renaissance du Carnaval de Paris dont j'ai pris l'initiative en 1993, et que celles-ci n'auraient pas été trahies, nous ne serions pas 4000 cette année à défiler, mais 40 000 sinon plus. Il ne faut pas grommeler à ce sujet. L'être humain est ainsi : il promet beaucoup, y compris de très bonne foi, et ensuite tient peu ses promesses. Il faut d'abord et avant tout compter sur soi.

Vouloir à tout prix faire « grand » est une illusion courante, stupide et absurde. Faire beau, agréable et authentique, même très petit, est largement positif et suffisant.

Il faut très vite fixer un parcours pour le défilé, quitte même à le modifier si nécessaire ensuite.

Prendre une assurance est indispensable. Certains assureurs sont très gourmands, d'autres refusent d'assurer une fête. L'assureur le moins gourmand que je connaisse est la MAIF.

Il faut choisir un responsable de la fête, qui peut être président d'une association déposée selon la loi de 1901. Les autorités préfèrent un président d'une telle association plutôt qu'un simple particulier. Ne pas s'obnubiler sur les vertus de l'association 1901. La seule vraie association qui fera la fête sera la volonté commune engagée de ceux qui s'impliqueront, adhérents ou non d'associations 1901.

Pour défiler dans la rue, il faut une « autorisation d'occupation de la voie publique ». A Paris elle est délivrée par un service de la Préfecture de police appelé la Direction de l'ordre public et de la circulation, qui traite présentement 5000 autorisations chaque année.

Petit rappel juridique utile : en France, le maire de la commune est Officier de police judiciaire, peut requérir la force publique, police si elle existe ou gendarmerie, et a un pouvoir sur la voie publique pour y autoriser défilés, rassemblements, etc. Seules trois villes françaises sont dotées d'un maire qui n'a aucun pouvoir sur la voie publique : Paris, Lyon et Marseille. Dans ces trois villes existe une Préfecture de police. C'est elle qui régit la voie publique. C'est au Préfet de police qu'on doit s'adresser pour demander une autorisation d'occupation de la voie publique : défilés, rassemblements, tournages de films, etc.

Il faut faire cette demande de préférence au moins deux mois avant la date fixée, sinon même encore avant.

Certains endroits précis ne dépendent pas à Paris de la Préfecture de police, j'en connais au moins trois : l'espace sous les arcades de la place des Vosges appartient aux propriétaires riverains, l'espace sous la tour Eiffel appartient à la société de la tour Eiffel, l'esplanade devant l'Hôtel de ville de Paris dépend de la Mairie de Paris. Ayant souhaité accéder à cette dernière, le Carnaval de Paris et le Carnaval des Femmes ont essuyé ces dernières années plusieurs refus de la Mairie de Paris.

La demande faite au Préfet de police de Paris est ensuite transmise aux services préfectoraux compétents qui se chargent de traiter le dossier.

La Préfecture peut demander la modification du parcours, par exemple s'il doit démarrer près d'un hôpital, et que le cortège prévu est musical et bruyant. D'une manière générale la police n'est pas hostile aux fêtes. Ceux qui, en revanche, peuvent y être opposés sont des intérêts privés (commerçants, par exemple) ou des élus politiques. J'en ai connu des exemples. Il est souhaitable d'être appuyé par un élu qui écrit au Préfet de police une lettre de soutien au projet festif.

Une fête doit être libre, bénévole, gratuite et autogérée.

Autogérée, ça signifie que chaque groupe participant gère sa participation et se place selon son initiative dans le cortège. Il s'agit d'une fête, pas d'un défilé officiel !

A partir de 500 participants prévu, la manifestation doit se doter d'un service d'ordre en plus de la police qui escortera le cortège.

En France un festival ambulant est tenu aussi d'avoir en escorte un Poste de secours mobile (PSM), c'est-à-dire deux ambulances et cinq secouristes. Ce qui coute mille euros aujourd'hui. En revanche, une manifestation n'est pas tenue d'avoir cette escorte. C'est une question de but déclaré. Ainsi, la Gay Pride, qui est une manifestation, n'a pas de PSM, la Techno Parade, qui est un festival, en a un.

La participation au défilé doit être ouverte à tous.

Il faut se méfier du danger des subventions. Elles sont très difficiles à avoir, sont conditionnelles, imposent des obligations, attirent de faux amis, dénaturent l'esprit festif. Et quand elles ne sont pas reconduites coulent l'événement. Le nombre de fêtes liquidées ainsi est impressionnant. Faire sans subventions est de très loin préférable au fait de faire avec, et compter dessus.

Les politiques français, à part de rarissimes exceptions, ne savent pas ce que c'est qu'une vraie fête. Ils en ont même souvent peur. Elle les dérange.

Les journalistes sont rarement consciencieux avec la fête et traitent souvent celle-ci négligemment

Pour réussir la fête l'influence de la presse est quasi nulle et le bouche à oreille est essentiel.

A la base de la fête on trouve des organisations.

Quelle date choisir pour la fête ? Éviter dans les grandes villes l'été.

Quel parcours ? Un parcours populaire

Quel but ? Être heureux : ni politique, ni religieux, ni commercial, ni humanitaire, s'amuser et faire de jolies choses.

Le principe du gâteau est un principe fondamentale pour organiser une fête : si un gâteau qu'on prépare est bon, crue sa pâte est bonne au goût. Cuite, elle est encore meilleure. Préparer une fête doit être une occupation agréable. Si cette occupation est dans un de ses aspects désagréables, il n'a pas à être poursuivi. Il faut faire des choses agréables pour préparer la fête.

Elles peuvent parfois être juste un petit peu désagréable, mais si c'est trop, il faut arrêter immédiatement d'aller dans cette fausse direction.

Parmi les dangers menaçants la fête :

Le danger des « efficaces » : des personnes qui prônent « l'efficacité », prétendent en être les champions. Et sont souvent des parasites inverses qui mettent en danger la fête.

Quand on organise quelque chose, on rencontre des critiques vides, des appropriations du travail d'autrui. Et il n'y a pas de reconnaissances à attendre.

Quand on organise une fête on rencontre beaucoup d'abandons de personnes qui commencent quelque chose et arrêtent tout ensuite. S'y attendre et ne pas s'en formaliser.

Il faut faire avec ce qu'on a.

Que faire des professionnels dans une fête bénévole ? Ne pas leur cacher le mode d'organisation. Les remercier et décliner aimablement leurs propositions payantes.

Les « chars » et géants sont très jolis, impressionnants. Vus les frais à engager pour les construire, il vaut mieux s'en passer sans problèmes. Quantité de très beaux Carnavals s'en passent parfaitement.

Pour une fête réussie, on fait main bricolé plutôt que « luxe ». Et la foule peut suivre et rejoindre à tous moments le défilé. Sinon, ça n'est pas un vrai Carnaval.

Les échanges entre vraies fêtes sont enrichissants et instructifs pour les réussir au mieux possible.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 février 2015

samedi 21 février 2015

349 Amour et goguette

Une goguette, c'est une société festive et chantante de moins de vingt membres. Ce qui signifie que le jour où elle marche « du tonnerre de Dieu » et compte dix-neuf membres... si on verra affluer les candidatures à participer en vingtième, vingt-et-unième position, etc. Il faudra dire : « Non ! Vous ne participerez pas à notre groupe qui marche si bien, qui vous paraît si sympathique. Non, vous n'entrerez pas ! Ça n'est pas qu'on vous chasse. Mais si nous sommes vingt et plus, ça ne marchera plus. Alors, allez créer une autre goguette et tout ira bien ! »

Ce comportement apparemment hostile et en fait destiné à réussir au mieux, se retrouve dans le domaine « de l'amour ». Voilà comment je le vois, en tous cas suite à mon expérience, qui ne doit pas être si exceptionnelle que ça :

Quand on cherche l'amour sans être spécialement plus clair et instruit qu'un autre, on se prend des coups. Ces coups finissent par créer une phobie de l'amour, de l'autre, du sexe qui vous attire. C'est l'amour-haine, le refus, le repli, la panique, le « je ne veux plus aimer », le « mais qu'est-ce qu'ils ou elles veulent ? »

A cette panique, reconnue ou non par soi, va s'ajouter une autre : comme on est privé de câlins, on connait une terrible fringale de caresses reconnue ou non... résultat, la seule hypothèse de se rapprocher de quelqu'un qui vous en fera se double de la peur de s'y attacher et que ça finisse mal. Effectivement, ça peut arriver. Sans compter la fréquente jalousie, dérangeante et dévastatrice, qui accompagne ladite peur. Peur que l'autre « s'en aille », « va voir ailleurs et vous quitte ». Peur d'autant plus vive qu'on a effectivement vécu un ou plusieurs moments où l'autre « s'en est allé ».

Quand on est enfant, on est câliné. Puis vient un moment dramatique, celui du « sevrage tactile ». Tu es devenu un « grand », plus de caresses ! Ce qui fait qu'arrivé à un âge où l'attirance se fait forte pour retrouver une intimité « physique » avec l'autre, on est dans l'ignorance des câlins. On ne les a pas vécu. On a beaucoup de mal à les appréhender, savoir comment les considérer, y arriver. Cette ignorance étant accentuée par les règles morales qui font que les adultes se cachent pour échanger des caresses. Alors, on grappille de ci, de là, des conseils, tous plus ou moins malavisés.

En particulier, on croit découvrir le « sésame ouvre-toi » de l'amour : on doit réaliser « l'acte sexuel ». Cette gigantesque ânerie consiste à mettre arbitrairement en avant cet acte en ignorant tout le reste. Les garçons en particulier, vont se mettre à harceler les filles. « Ils ne pensent qu'à ça » disait une très jeune fille interrogé un jour sur le comportement des garçons de son âge.

Comme cette bêtise et cette ignorance amènent à se poser des questions, on peut finir par rejeter l'anti-éducation reçue et se dire : « bon, il faut autre chose, agir autrement, se réformer, mais comment ? Où aller ? »

C'est là que le hiatus causé par des années d'ignorance, de non câlins, se révèle : on ne sait pas où aller.

La réponse, je l'ai trouvé : il faut se rapprocher des autres. Et si ceux-ci veulent reprendre les mêmes mauvaises recettes, par exemple chercher à « faire l'amour » sans en avoir vraiment envie, etc. Répondre, comme pour la goguette : « non, je ne veux pas agir ainsi : par exemple accepter la jalousie, se précipiter pour vivre ensemble ou faire l'amour sans en avoir vraiment envie. Car je sais que ça ne marche pas. Je ne te rejette pas. Mais pour que notre relation marche bien, justement, je ne veux pas suivre les recettes classiques, car elles conduisent tout droit, tôt ou tard, à l'échec. »

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 février 2015

348 État des lieux amoureux, chemins de beauté et de terreur

J'aime le chocolat. Je vois une belle bouchée au chocolat. Tend la main vers elle. Et prend un formidable coup sur la tête. Cependant que la bouchée au chocolat se retire hors de ma portée. Choqué, douloureux, je rêve cependant toujours de manger du chocolat. Une seconde bouchée se présente. Et une mésaventure identique m'arrive. Au bout d'un certain nombre de telles déconvenues, même si j'aime toujours le chocolat, je deviens nettement moins enthousiaste à la vue d'une bouchée au chocolat. C'est en gros ce que j'ai vécu jusqu'à aujourd'hui en amour. Bien qu'adorant l'amour, je fini par me méfier et défier de ce qui paraît m 'y conduire, y ressembler. A force de prendre des coups, subir des déceptions, ça se comprend aisément. Ensuite nait une carence, une famine de câlins.

Celle-ci amène une autre peur, une autre angoisse, une autre déconvenue : l'envie folle de câlins me fait craindre de me retrouver à la merci d'un tendre bourreau. Subir les pires avanies par attachement excessif à une personne qui ne me convient pas. Mais de plus, qu'est-ce que j'attends d'elle ?

Enfant petit, j'avais droit à des câlins. Puis, devenu « grand » j'ai été, comme beaucoup, la plupart sans doute, sevré de caresses. Comme j'étais devenu « grand » j'ai été traité comme un « grand ». Il n'a plus à être caressé comme un « enfant ». Cette évolution a donné lieu à l'invention du concept de période « de latence » qui suivrait soi disant naturellement « l'enfance » et précéderait « l'adolescence ». Il n'y a là rien de naturel. Il s'agit d'un handicapant problème culturel. Et quand on arrive en âge d'être en mesure de procréer on souffre d'un hiatus tactile, un vide de nombreuses années de notre vie où on a cessé de donner ou recevoir des caresses. On est un analphabète tactile.

On se sent alors perdu. Et on suit des préceptes imbéciles. En particulier, on croit qu'il faut à tous prix baiser. Si on est un garçon, on se retrouve obnubilé par ses érections et éjaculations. On devient un pénible boulet pour les femmes. Et si on sort de la route erronée que suivent la plupart des jeunes gens, on ne sait pas où on doit se diriger. Si on ne cherche pas la baise ou son refus, on devient un OVNI, un extra-terrestre. Et, pourtant, on a raison de choisir la voie du mystère.

Il faut cesser d'emprunter les chemins erronés et réformer l'amour. Ni l'obsession éjaculâtre et érectolâtre, ni la jalousie ne mène là où on doit aller. Il faut partir à la rencontre d'un chemin inconnu que personne n'indique. La liberté est à ce prix. La vie est ailleurs que dans les chemins fréquentés et habituels du plus grand nombre.

Quand on arrive pour la première fois dans une terre inconnu, on vérifie la qualité de ses chaussures, son équipement. Et on va de l'avant à l'aventure. Aucun chemin n'est balisé et connu d'avance.

La raison comme guide et la peur comme compagnon. Telle est la devise de hardi explorateur des terres inconnues de la pensée et du cœur.

Le courage n'ignore pas la peur. Elle reconnaît sa présence et va l'affronter. Nous sommes là, sur cette terre, pour toujours avancer et aller de l'avant. Même dans la terreur la plus extrême de l'autre, il faut se donner les voies et moyens d'aller encore et toujours vers lui ou elle.

Il ne s'agit pas de courage, mais de réalisme. La vie sans avancer malgré tout, malgré la peur, l'inquiétude suscitée par l'inconnu et l'incertitude du chemin n'est pas la vie. L'aventure, c'est la vie. La vie c'est l'aventure. Terrifiante vérité, mais il n'est pas d'autre vérité.

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 février 2015

jeudi 12 février 2015

347 J'ai fait l'amour avec une inconnue en public dans le métro parisien

La plus grande tare, le plus grand défaut de notre Culture, qui a des conséquences horribles et catastrophiques, c'est le concept de sexualité automatique. Dans certaines circonstances, certaines situations, il y aurait obligation de « faire l'amour », ce serait « sexuel ». Cette conception insensée et monstrueuse a des conséquences multiples et ridicules. Par exemple, la vue de l'être humain tel qu'il est est assimilée à un état particulier : la « nudité ». Celle-ci est prohibée, coupable et condamnée. Gustave Courbet a réalisé un tableau baptisé ironiquement « L'Origine du monde » qui montre simplement un sexe de femme. En 2014, la ville natale du peintre a souhaité voir éditer par la poste française un timbre à l'effigie du célèbre tableau. Refus offensé de l'administration postale. Pourtant cette image ne montre rien de directement pornographique, un accouplement humain, par exemple. Non, le sexe de la femme est par définition un scandale. Bienvenue chez les Papous ! Et encore, j'ignore si les Papous sont frileux au point d'empêcher de laisser voir un organe sexuel féminin.

Mais, une femme sans sexe n'existe pas ! La femme, s'il faut la cacher, serait-elle alors, par définition, un scandale, une ordure à cacher pour cause d'indécence ?

Certes, on sait qu'il existe des sortes de « réserves indiennes », de lieux spéciaux, où en France on a le droit d'aller nu y compris devant des inconnus. On appelle ces endroits des « camps naturistes ». Mais, là aussi, on trouve des interdits visuels qui ne sont pas écrits. Défense de prendre des photos des inconnus nus ! Les femmes, les gamines et les petites filles sont priées d'éviter d'écarter les jambes en public ! Un homme ne doit jamais bander... Et, de retour de vacances, pas question de montrer des photos souvenirs aux non naturistes ! Résultat, quantité d'enfants de naturistes vont préférer aller ailleurs que là où on est tout nu, pour pouvoir montrer leurs photos de vacances aux copains. Arrivés à l'âge où ils commencent à être à même de procréer, les jeunes hommes bandent avec beaucoup de facilités et sans contrôler cette réaction réflexe. Résultat, vers l'âge de 13, 14, 15 ans, les garçons vont souvent fuir les vacances naturistes. Bander est une honte absolue. Chez les Naturistes, il est recommandé de ne jamais se séparer de sa serviette. Officiellement pour s'asseoir. Mais aussi pour cacher les « accidents », entendez, les zizis masculins qui saluent avec enthousiasme la beauté féminine qui passe.

A l'origine « faire l'amour » signifiait « faire la cour ». Avec le temps, ça a pris le sens de s'accoupler. On a inventé le concept d'amour physique. Soi-disant l'amour se concrétise, doit mener à l'acte sexuel. Ce qui amène par centaines de millions, voire par milliards, les hommes à croire qu'ils doivent faire un usage intensif de leur engin dès qu'un trou féminin accueillant se présente. Noirâtre et insondable imbécillité ! Qui m'a moi aussi influencé durant de trop longues années !

Ce que nous devons rechercher, ça n'est pas de remporter le championnat du monde de bouchage de trous féminins. Le plus grand nombre de trous bouchés le plus vite possible... mais l'accord avec l'autre.

Je propose de donner un autre sens à l'expression « faire l'amour ». Dorénavant, ça voudra dire : « se sentir en accord avec quelqu'un, voire même une chose, un animal, une situation ». Hier, j'étais assis dans le métro. C'était mercredi et dimanche arrive le Carnaval de Paris que j'organise. Devant moi à droite était assis une personne à laquelle je n'ai pas fait attention. Deux jeunes filles arrivent. L'une s'assoit à ma droite, l'autre en face de moi. Elles commencent à bavarder ensemble. Je suis tenté de sortir le tract du Carnaval que j'ai dans mon sac et leur donner. Mais, je me dis : « doucement, elles m'ignorent complètement. Je n'ai aucune raison particulière de leur sortir mon tract. » Certes, je sais que les femmes, surtout jeunes et jolies, sont amenées à Paris à feindre d'ignorer les hommes dans les lieux publics, pour éviter de se faire enquiquiner par des connards.

A un moment-donné, la personne assise à droite devant moi se lève et s'en va. Et la jeune fille assise à ma droite se met à sa place. Ainsi, les deux jeunes filles sont à présents assises face à moi, l'une à côté de l'autre. Celle qui est devant moi continue à m'ignorer complètement. L'autre, au contraire, je l'observe, me regarde à trois reprises. Puis, une quatrième fois par un balayage oculaire. C'est une technique courante des femmes pour regarder les hommes sans paraître trop le faire. Toujours pour éviter de se faire enquiquiner par les connards. Je me dis alors : « cette jeune fille va visiblement vers moi. Si elle me regarde une cinquième fois, je sors mon tract ! » C'est ce qui est arrivé.

J'ai aussitôt dérangé la conversation des deux jeunes filles, en m'excusant, bien sûr. Ai donné à chacune d'elle mon tract et leur ai parlé du Carnaval. Elles m'ont écouté avec attention et remercié. La jeune fille qui m'avait regardé à cinq reprises m'a regardé avec amour. C'est ainsi que je défini son regard, sans tomber dans le délire absurde des imbéciles. Nous avons été en accord durant le temps bref de trois stations de métro. Nous avons fait l'amour, au sens nouveau que je donne à cette expression. Puis je les ai quitté et suis descendu de la rame de métro pour poursuivre mon chemin.

Ainsi, l'accord entre plusieurs êtres ou un être et une chose, un animal, une situation, c'est de l'amour.

Basile, philosophe naïf, Paris le 12 février 2015

mercredi 11 février 2015

346 Le problème central de l'ASO

Cette nuit, j'ai fait mon plus beau rêve érotique. J'étais en compagnie de la première petite amie que j'ai eu dans ma vie. Après quelques hésitations, nous nous sommes mis nus. Et nous sommes fait toutes les caresses possibles, y compris les plus intimes. J'ai enfin caressé le sexe de mon amie, elle a pris mon sexe dans sa main. Cependant, à aucun moment nous nous sommes soumis à l'effarante et effrayante stupidité dévastatrice consistant à nous soumettre à la règle de l'Acte Sexuel Obligatoire. Ça n'est pas parce qu'on se fait du bien et qu'on est nu qu'on doit absolument mettre l'oiseau dans le nid. Puis, à un moment-donné nous avons entendu venir. Nous avons échangé quelques mots : « il y a deux personnes qui ont la clé ». Nous nous sommes cachés sous une grande couverture, seules nos têtes dépassaient au dehors. La porte s'est ouverte. A la personne qui entrait, nous avons dit : « nous avons dormi nus ensemble ». Et je me suis réveillé. Ce rêve était parfaitement beau, parce qu'il comportait une relation nue sans ASO.

Qu'est-ce que l'ASO ? C'est le grand problème, le problème central de notre société. ASO est un mot formé des premières lettres de « Acte Sexuel Obligatoire ». C'est une des folies les plus répandues et les plus destructrices de notre société. Il n'y a en fait jamais d'obligation d'acte sexuel. Or, notre culture comporte un pesant et terrible bourrage de crâne : dans telle ou telle circonstance, il faut baiser. Il n'y a pas plus énorme et gigantesque ânerie, pire stupidité, plus grand délire. Et l'acte sexuel ? Bien sûr, il peut arriver. Mais en aucun cas il ne doit arriver parce qu'on croit que c'est une tâche à remplir. Il ne faut pas se créer de faux besoins. Et quand on se plie au mythe de l'ASO et aux discours démagogiques qui l'accompagnent, l'amour devient impossible dans la durée. L'ASO liquide, fait fondre, déstabilise, assèche, trahit, détruit, volatilise, désintègre, défigure, pollue, anéanti, dévaste, pourri, dénature l'amour.

Notre société est asiste. Elle croit en l'ASO. Elle est folle. A nous la charge et l'effort à faire pour refuser la folie. Comme dans mon rêve érotique. Je caressais mon amie, y compris son sexe. Elle me caressait et elle prenait mon sexe dans sa main. Mais nous ne tombions pas dans l'abime de l'ASO.

Quand je me remémore mes relations intimes passées, je constate que les seules qui restent satisfaisantes sont celles qui ne se sont pas conformées aux ordres dévastateurs de l'ASO.

En 1992, une jolie fille vient chez moi. Passe la nuit sur un matelas au pied de mon lit. Le matin : caresses. Je me dit dans ma tête : « voyons, visiblement les problèmes avec les filles surgissent en lien avec l'acte sexuel. Là, pour les éviter, je vais éviter l'acte ». Nous avons échangé plein d'agréables caresses, finissant nus l'un contre l'autre. Je cherchais uniquement à faire le plus plaisir à ma partenaire sans chercher à me plier à la stupide règle abusive de l'ASO. C'était une expérience tentée. Tout s'est très bien passé. Par la suite, il est arrivé qu'on échange quelques bien agréables caresses. Toujours sans ASO. Ça s'est terminé bien des années après parce que ma partenaire était une adepte de l'ASO. Elle y ajoutait le rêve de verrouiller avec l'ASO une relation obligée et obligatoire qui la ferait échapper à la solitude. Verrouillée y compris avec un enfant. J'étais clair et avais réalisé que les caresses oui, mais l'acte non, avec elle, il ne m'intéressait pas. Alors ma partenaire s'est éloignée. A la recherche d'une proie à capturer pour meubler sa solitude.

Une autre relation était restée hors ASO tout simplement parce que je n'ai pas bandé. Mon corps matériel était plus conscient de la réalité de la relation et du caractère incongru de l'ASO que moi. Par la suite, mon orientation asiste a convaincu l'autre d'arrêter. J'en ai ressenti un bref et terrible chagrin dont jusqu'à aujourd'hui je n'avais pas compris le motif de l'intensité.

J'ai connu une relation idéale avec une partenaire que j'ai traité sur un mode expérimental. Je me suis dit, ne sachant ce qui était juste exactement de faire, que je me tiendrais exclusivement à ses propositions et n'en ferais aucune. Elle n'a sollicité que des caresses. A ignoré l'ASO. Ce fut une relation satisfaisante et d'une grande plénitude. Enfin, il m'est arrivé d'héberger durant dix jours une jolie fille en vacances. J'ai tout de suite vu qu'elle avait une tendance asiste. Mais n'était en fait pas du tout prête à l'assumer jusqu'au bout. J'ai soigneusement évité de donner suite à son asisme.

Peut être m'a-t-elle vu nu le matin, quand elle était sensée dormir et que je me levais. Elle a sans doute feint de dormir pour m'espionner. Mais son désir n'avait aucune importance. Je voyais bien que ce qui était à l'ordre du jour n'était pas l'acte sexuel. Chercher à le ramener aurait été tout à fait abusif.

Le résultat de ma façon d'agir a été une merveilleuse et chaleureuse cohabitation de dix jours satisfaisante tout à fait pour nous deux. Succomber aux sirènes de l'ASO aurait gâché notre amitié.

A part des caresses je placerais le baiser sur la bouche. Car ce n'est pas une caresse buccale parmi d'autres. Il signifie littéralement : « je t'aime ». C'est en tous cas ainsi pour un certain nombre de personnes. Donc, il faut des fois savoir l'éviter quand les « je t'aime » ne sont pas à l'ordre du jour.

Tant que l'ASO dominera, l'amour périra. Quand l'ASO périra, l'amour vaincra. Et, en attendant sa victoire pleine et entière, sachons éliminer complètement l'ASO de nos relations. Il n'a rien à y faire, sauf du mal. Sans l'asisme, la vie est belle, merveilleuse, comme le rêve que j'ai fait où à la fin on se cache et assume en même temps son rejet de l'asisme. Dans ce rêve, nous disions au visiteur : « nous avons dormi nus », mais pas : « nous avons fait l'amour ».

Est-ce que mon discours est clair ici ? Peut-être il ne l'est pas. Je sais en tous cas qu'il est issu de plus d'un demi siècle de réflexions et expériences personnelles.

Ce qui rend très difficile d'identifier le problème de l'ASO, c'est que souvent on ne pose pas les bonnes questions. On croit très souvent et ça m'est arrivé, que la vraie question est : « pour ou contre le sexe ? » Ce qui est une question aussi absurde que : « pour ou contre le fait de manger ? » Dans certaines circonstances il est bon et juste de consommer de la nourriture. Et dans d'autres pas, par exemple il n'est pas bon de consommer des produits pourris ou vénéneux.

La question erronée « pour ou contre le sexe ? » égare d'autant plus que « le sexe » est une notion toute relative. A l'acte sexuel, qui n'est pas anodin, on joint une quantité de choses qui ont souvent pour caractéristiques d'être considérées comme interdites, incorrectes, sales. Jadis à Paris montrer sa cheville pour une femme était considérée comme érotique. J'ai connu le cas d'une dame née en 1939 qui voulait bien se retrouver nue en compagnie de son amant, mais en aucun cas lui laisser voir quand elle se déshabillait. L'acte de la voir se déshabiller lui paraissait d'une indécence absolue. Pour beaucoup, s'embrasser sur la bouche est considéré comme « sexuel ». J'ai connu une étudiante des Beaux-Arts de Paris qui embrassait ses connaissances sur la bouche, apparemment sans malice particulière. C'était sa façon à elle originale d'embrasser, sans pour autant draguer. Ou alors, j'ai été très naïf quand je l'ai connu ainsi au début des années 1970.

Ce qui complique encore plus la vision des choses, c'est que le « sexe » est non seulement interdit, mais en plus il est caché et on est sensé éviter d'en parler, sous peine d'être mal considéré. Et moins on parle, moins on risque d'avancer dans la compréhension des choses de la vie. Il est temps de réformer en douceur l'amour. De le débarrasser des scories du passé. L'ASO est une révoltante absurdité. Tout le monde en souffre et les femmes en sont les premières victimes. L'asisme nous opprime tous. Précipitons-le dans la poubelle de l'Histoire ! Ce qui nécessite d'abord notre effort sur nous-mêmes. La liberté et le bonheur sont au bout du chemin. Desasismons-nous !

Basile, philosophe naïf, Paris le 11 février 2015

dimanche 8 février 2015

345 L'anticarnaval de Rio

Dans le Carnaval on est tous libres et égaux. On peut à tous moments décider de suivre le défilé ou rester spectateur. Quitter le défilé, y revenir. Être ou ne pas être costumé. C'est la liberté.

En France et à Paris, on parle beaucoup de Rio quand on évoque le Carnaval.

Le clou de ce qu'on appelle « le Carnaval de Rio » consiste en un imposant défilé des associations dites « écoles » de Samba, dans un très grand espèce de stade spécial conçu pour et baptisé « Sambodrome ».

Le public assiste, passif, dans des gradins. Pour accéder à ceux-ci il faut payer. Et payer très cher les trois premiers jours où défilent les écoles les plus fameuses.

Donc, si on veut voir le défilé et on est un pauvre habitant de la ville, on n'ira pas. A l'inverse, un riche touriste étranger aura une place.

Cette conception du « Carnaval », avec des spectateurs passifs et payants, n'est pas le Carnaval. C'est la mort du Carnaval. Ici, semble-t-il, une mort grandiose et spectaculaire, se reproduisant chaque année.

Rio, c'est la mort du Carnaval.

Ou plutôt, si on veut, c'est « l'Anticarnaval de Rio ».

Il existe à ce qu'il paraît un carnaval de rue vivant à Rio... Il aurait lieu au même moment que la mise à mort du Carnaval, le défilé bruyant du Sambodrome. Ce serait donc là le vrai Carnaval de Rio. Il serait nettement moins imposant que celui d'autres villes brésiliennes.

A Nice, j'ai vu sur Internet que pour accéder aux gradins et assister au défilé il faut, pour un adulte spectateur passif en 2015 payer trente-cinq euros. Si c'est ça le « Carnaval de Nice », ce n'est plus non plus le Carnaval. Je n,'en dit pas plus sur Nice, n'ayant jamais été voir le défilé. J'ai juste vu à la fin du défilé du Carnaval de Paris de l'an dernier un vieux monsieur énervé qui m'a déclaré être le responsable du Carnaval de Nice. Je n'ai pas eu l'occasion de vérifier. Il n'avait pas de mots assez durs pour vitupérer contre la vraie fête parisienne. Où on s'amuse et où, bien sûr, personne ne paye ou n'est payé pour participer.

C'était peut-être le responsable officiel ou pas. En tous cas, il paraissait plus attaché à faire de l'institutionnel que du bonheur pour tous. Il n'aimait visiblement pas la fête vivante, faite avec les moyens du bord, et où la récompense est le bonheur de chacun. Être heureux à cette occasion ne demande pas des flots d'argent et n'en rapporte pas non plus. Être heureux c'est s'amuser ensemble. Et quand on dépend des « subventions », qui ne sont que des placements déguisés, on devient otages de gens qui ne voient dans la fête qu'une occasion de retirer un bénéfice électoral ou autre. Et le jour où, pour une raison ou une autre, ils décident de couper la subvention, la fête disparaît.

Pour réussir la fête populaire, il faut du cœur et ne pas se perdre à courir derrière les chimères qui ont noms « subvention », « administration », « presse », « célébrités », « vedettes », etc. Il faut compter sur soi, s'amuser et persévérer en s'amusant et retrouvant les vieilles recettes : goguette et bigophone. Groupes de moins de vingt personnes se réunissant ponctuellement pour chanter, s'amuser. Équipés ensuite de bigophones et percussions pour bien se faire entendre dans la rue.

Basile, philosophe naïf, Paris le 8 février 2015

344 Au Carnaval nous sommes tous des vedettes !!

Partout dans notre société injuste, violente et inégalitaire, on nous rappelle en permanence que nous sommes toujours « moins que ». « Je suis, comme chaque terrien unique et inestimable ! » criez-vous avec justesse. « Terrien ? T'es rien ! » vous répond-t-on cyniquement.

Vous êtes une femme ? Les hommes sont plus forts que vous ! Vous êtes jeune ? Les anciens ont plus d'expérience ! Vous êtes élève ? Lui, c'est le prof, il sait. Vous êtes travailleur manuel ? Lui, c'est un intellectuel. Vous êtes pauvre ? Il est riche ! Vous êtes locataire ? Il est propriétaire ! Vous êtes bête. Il est intelligent ! Vous êtes un employé ? Lui, c'est le chef. Même si c'est un con, tremblez devant lui et obéissez ! Vous êtes le chef ? Lui, c'est le patron ! Vous êtes le patron ? Lui, c'est le PDG d'une grande entreprise ! Vous êtes le PDG d'une grande entreprise ? Lui, c'est le PDG d'une multinationale ! Et ainsi de suite, jusqu'à arriver à cette situation totalement absurde, dénoncée par l'association Oxfam : en 2016, 85 individus possèderont à titre personnel plus de la moitié des richesses du monde. Pourtant, ces 85, soit un 100 millionième de l'Humanité, vont chier tous les jours, comme tout le monde. Et n'ont rien de plus humainement que le plus misérable clochard du monde. Excepté d'avoir hérité d'une fortune trop grande pour eux.

Dans le Carnaval, c'est l'inverse de ce qui se passe tous les jours dans la société. On est tous importants, grands, inestimables. On est tous des vedettes. Le paysan et le milliardaire qui font Carnaval ne sont pas différents. J'ai vu un jour à Malo-les-Bains la troupe de Carnaval de l'association des jeunes chefs d'entreprise de la région. Tous vêtus de façon ridicule avec des perruques fluo couleur fuchsia en train de déconner dans le restaurant où ils avaient réservés une grande table avant le défilé de l'après-midi. L'un d'eux était monté sur la table pour gesticuler et faire l'andouille. Un des carnavaleux présents m'a dit que parmi ces jeunes chefs d'entreprise il y avait un notaire très riche et un ouvrier. On s'en fout des différences, on fait Carnaval !

C'est ce que j'ai senti l'après-midi même lors du défilé, qu'on appelle ici « une bande ». C'est la magie de Dunkerque, ville qui se trouve juste à côté de Malo-les-Bains. On existe. On est reconnu. On est tous frères en Carnaval. Il n'y a pas des « moins que », on est tous des vedettes !

C'est ce que n'ont pas compris les intellectuels qui se penchent sur le Carnaval. Car eux se sentent toujours « plus que », avec leurs titres universitaires. Beaucoup méprisent le Carnaval. Et ceux qui le commentent, parlent souvent de « fête à l'envers ». Soi-disant le Carnaval inverserait les hiérarchies. Ce n'est pas vrai. Il les abolit. Et les met à leur juste place : c'est-à-dire les réduit à des fantasmes.

Quand je distribue le tract du Carnaval de Paris, pour moi, chaque interlocuteur est important. C'est mon possible frère en Carnaval. Que ce soit une « célébrité » ou l'employé de la ville qui balaye ma rue. Ou le barman qui me sert un café au bar. Avec moi ils le sentent bien. Ils sont tous uniques et super-importants car ils sont tous un fragment potentiel du prochain Carnaval. Ou tout au moins quelqu'un que le Carnaval aura fait sourire, amusé, distrait. Ils sont le Carnaval.

Quant à la richesse, la gloire et le pouvoir, je laisse les gamins attardés jouer avec ces osselets. J'ai bien plus important à faire : préparer et réussir la fête avec mes frères humains. La manie d'estimer et juger concurrentiellement tous et chacun nous joue des tours et détours, notamment en amour. Ne sachant comment arriver à aimer, nous en venons à nous dire : « bon, avec cette personne, je commande, elle m'obéit ! » ou « avec elle, elle commande et j'obéis ! » Suivant les tempéraments, nous nous imaginons dictateur abusif ou paillasson tragique et misérable. Il faut oublier cette manière de faire. Se regarder vivre. Et enfin se décider à être. Comme au Carnaval !

Basile, philosophe naïf, Paris le 8 février 2015

vendredi 6 février 2015

343 Une intéressante conférence

Rafael Correa, économiste et Président de la République de l’Équateur, donne en français une conférence exceptionnelle en Sorbonne le 6 novembre 2013 :


Basile, philosophe naïf, Paris le 6 février 2015

342 Un blog sur la Grèce

En cherchant des informations sur la Grèce, j'ai trouvé un microblog d'informations très intéressant.

On y trouve des informations qu'on ne trouve pas ailleurs.

Comme, par exemple, que la police grecque ne va plus utiliser de gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants pacifiques. Que Varoufakis avait prédit les manœuvres d'étranglement actuelles de la BCE contre la Grèce, etc : http://www.okeanews.fr/

Basile, philosophe naïf, Paris le 6 février 2015

jeudi 5 février 2015

341 L'argent n'a que la valeur qu'on lui attribue ; défaite de l'argent et essai de terrorisme financier

La Grèce devait recevoir sept milliards d'euros fin février d'« aide » pour rembourser ses dettes, sous réserve de « réformes structurelles ». Sur ces sept milliards plus de quatre-vingt-dix pour cent devait aller dans la poche des « créanciers » de la Grèce et le peu qui reste en Grèce.

C'est dire que, sous réserve du bradage d'une quantité de richesses nationales, acte baptisé « privatisations », plusieurs milliards d'euros devaient filer hors de Grèce en passant par la Grèce.

En renonçant à privatiser le port du Pirée, les chemins de fer, la compagnie nationale d'électricité, le nouveau gouvernement grec savait que ces sept milliards lui passaient sous le nez. Alors, il a fait très fort. Il a licencié la direction de l'organisme central officiel grec chargé des privatisations, annoncé qu'il ne signerait pas le traité TAFTA et déclaré qu'il renonçait aux sept milliards...

Stupéfaction des politiques corrompus d'Europe et des médias à leur service. Comment peut-on renoncer ainsi à tant d'argent ?

Quand Tsipras et Varoufakis font leur tournée en Europe, les dirigeants qu'ils vont voir leur font risette, à part le gros lourd de Berlin... Et puis, hop ! La BCE coupe hier une partie des robinets qui alimentent les banques grecques. On va asphyxier la Grèce ! Vous allez voir ce que vous allez voir !

Mais les bonshommes qui dirigent la BCE sont très nuls et très naïfs. Pourquoi ? Parce qu'ils se croient tout puissants face à la Grèce parce qu'ils ont la planche à biftons. Ils ont oublié que l'argent n'a que la valeur qu'on lui attribue. A partir du moment où les Grecs ont envoyé valdinguer la mallette des sept milliards toutes les cartes sont rebattues.... Que va-t-il se passer ?

Les Grecs vont se rassembler derrière leur gouvernement. Celui-ci, par la force des nécessités nouvelles va se radicaliser... Les protestations vont s'élever de partout contre la BCE et ses copains politiques en place. Résultat, la crise politique ouverte par le résultat des élections grecques va s'étendre à d'autres pays. En voulant éteindre l'incendie Syriza, la BCE va foutre le feu à l'Europe entière.

La BCE n'a pas compris que l'époque de la manne de la « dette » ne pouvait pas durer indéfiniment... Elle n'a pas du tout compris non plus l'ampleur de la défaite subie par la finance avec l'arrivée de Syriza au pouvoir en Grèce. La BCE croit que c'est juste une affairer de robinets à fric qui va transformer Syriza en gentil toutou. La BCE est myope et croit voir en Tsipras une sorte de Hollande bis. En fait de petit toutou, c'est le chien Cerbère en personne que la BCE va bientôt avoir face à elle.

La BCE devra courir très vite. Mais pour aller où ? Partout les murs vont crouler, la crise générale financière va se transformer en crise générale politique et en tremblement de terre social. L'heure des grands bouleversements est arrivé.

Souhaitons qu'ils débouchent sur un meilleur vivre dans les pays de notre continent et d'ailleurs martyrisés par les fous de la finance qui préfèrent l'argent à l'amour. Et ont fait augmenter de quarante pour cent ces dernières années la mortalité infantile en Grèce.

Les pontes de la BCE veulent le beurre grec, l'argent du beurre, le cul et la culotte de la crémière en prime. Bientôt ils regretteront leur arrogance et leur appétit insatiable. Et connaîtront la diète.

Basile, philosophe naïf, Paris le 5 février 2015

mercredi 4 février 2015

340 Un document très intéressant

Accord sur les dettes extérieures allemandes

Conclu à Londres le 27 février 1953


La réduction de 62 % de la dette allemande actée en 1953, à laquelle se réfère le gouvernement grec pour demander un arrangement de sa dette. Il s'agit ici de la version du document dans les archives suisses.





Basile, philosophe naïf, Paris le 4 février 2015

mardi 3 février 2015

339 La musique de la vie

Le but de la vie, c'est vivre agréablement, c'est-à-dire, s'amuser à vivre.

La vie est comme une musique. J'ai étudié un peu la musique. On y trouve des choses intéressantes. Ainsi, en musique, comme en littérature, il y a des « phrases ». On débute, continue et fini une phrase. Puis, on en débute une autre. C'est comme ça. Ça se sent. Dans la vie, c'est pareil. On débute, continue et finit une activité, un poème, un tableau, un voyage, une rencontre, une conversation. Quand on prolonge trop le phénomène ou on l'interrompt trop vite, ça se sent également.

En musique, une chose importante aussi, c'est le rythme et ses changements. On trouve la même chose dans la vie. Sauf que l'erreur à la mode est de vouloir en permanence aller vite... imaginez de la musique où les interprètes voudraient systématiquement aller le plus rapidement possible. Ce serait une belle cacophonie discordante. Avec la vie, traitée de la même façon, le résultat est identiquement mauvais.

Plus curieux : en musique on use énormément de répétitions, plus précisément de variations. On reprend plusieurs fois de suite le même air en le modifiant légèrement à chaque fois. Dans la vie aussi, il faut fréquemment répéter des mots, des gestes, pour faire passer un message.

Chose qui m'a surpris la première fois où je l'ai vu évoquer : la très grande importance en musique des silences. Sans eux, judicieusement disposés, il n'existerait pas d'harmonie.

Dans la vie, une fois encore, c'est pareil. Pour se faire écouter, respecter, il faut savoir s'arrêter par moments, se taire aussi. Les silences choisis par moments, dans un discours, parlent souvent plus forts que des mots.

Vivre est un art, au même titre que faire de la musique ou de la poésie.

Basile, philosophe naïf, Paris le 3 février 2015

338 Le saucisson et l'érection : essai sur la mythologie sexuelle

Une blague qu'on raconte, celle du saucisson. Un couple marié depuis longtemps se retrouve à table tous les soirs. Et, tous les soirs, l'homme sort un saucisson et demande à sa femme : « tu veux du saucisson ? » « Oui », réponds la femme. L'homme coupe alors du saucisson qu'il donne à sa femme, qui le mange. Un soir, au bout de bien des années, l'homme demande à sa femme : « au fait, tu aimes le saucisson ? » « Non », réponds la femme. « Mais, pourquoi alors acceptes-tu que je t'en offre ? » « Parce que je croyais te faire plaisir en acceptant ». La même blague existe en Afrique. Sauf que le saucisson laisse la place à du poulet. Sinon, l'histoire est la même.

Il n'y a pas qu'avec le saucisson que l'histoire est possible. C'est exactement ce qui m'est arrivé durant plusieurs années avec la femme que j'aimais et dont je partageais la vie. Je pensais que, forcément, elle avait envie de « faire l'amour » avec moi. Elle pensait que, forcément, j'avais envie de « faire l'amour » avec elle. Alors, comme deux vaillants « petits soldats » nous avons cherché à « mettre le couvert » des dizaines de fois. Alors que nous nous aimions, nous entendions à merveille, mais n'avons jamais eu envie, ni l'un, ni l'autre, de « faire l'amour » ensemble. Et alors ? Où était le problème ? Dans notre tête. Et, bien sûr, à force de tenter une chose qui n'avait pas lieu d'être et qui n'est pas anodine, ni la sexualité ne fonctionnait, ni, finalement, notre relation en général. Cette « sexualité » copié collé de la mythologie sexuelle : « un homme et une femme qui s'aiment doivent forcément faire l'amour » a rongé notre relation et l'a détruite. Nous avons eu du mal à restaurer ensuite, fort heureusement, une bonne amitié entre nous.

La mythologie sexuelle régnante prétend qu'il faut faire l'amour. Que c'est forcément le summum du plaisir. Que l'homme éjaculant et l'homme jouissant c'est la même chose. Or, on peut avoir mal en éjaculant, voire ne pas ressentir grand chose. Mais déclarer ça va à l'encontre des stéréotypes : l'homme, soi-disant, connait une jouissance facile et automatique qui en fait une « bête sexuelle » supérieure à la femme. Cette affirmation est une totale et parfaite ânerie.

Quand on demande trop, et mal, on s'empêche de recevoir. Si on n'arrive pas à recevoir, on se crée un cordon sanitaire autour de soi qui nous enferme dans un désert affectif.

L'homme fréquemment souffre de trois problèmes :

D'abord, une approche obsessionnelle de son excitation génitale humide, son érection et son éjaculation. Ensuite, comme il fait fuir les femmes, il fini par attacher une importance démesurée à leur apparence morphologique. Comme c'est la seule chose dont elles le laissent « jouir ». Si à ses yeux, une femme est « très belle », il veut généralement lui courir après. Ou, inversement, il a peur d'elle. Enfin, comme son comportement l'amène à être gravement rationné affectivement, il est terriblement affamé. Ce qui fait que quand il a réussi malgré tout à approcher une femme, il développe souvent une jalousie morbide.

Tous ces troubles sont issues de sa morale de saucisson. Il croit que la femme n'a qu'une envie : « absolument faire l'amour avec l'homme qu'elle apprécie ». Cette appréciation étant baptisée « séduction ». Or, les femmes ne sont pas des « machines à baiser ». C'est pourtant ainsi que nombre d'hommes, y compris apparemment sérieux, lucides et intelligents les considèrent. J'ai vu un jour, dans une sorte de camp de vacances arriver une jeune fille genre mannequin. Il fallait voir l'affolement d'un petit troupeau d'imbéciles qui, sans se demander qui elle était, sans chercher même à faire sa connaissance, n'avait plus qu'une idée en tête : la baiser. Ce n'était plus une femme, un être humain, mais un trou accessoirement pourvu d'une identité. La mythologie sexuelle, la morale du saucisson est ainsi. J'ai réussi à m'en débarrasser. Mais ce fut un très long travail à faire sur moi.

Basile, philosophe naïf, Paris le 3 février 2015

lundi 2 février 2015

337 L'origine et la fin des fantasmes

Dire que « la Nature » existe et existe aussi en l'homme est un propos qui ne choque pas particulièrement, étant donné que ceux et celles qui entendent ce propos se positionnent en tant qu'eux-mêmes... différents de la Nature. Qui commentent celle-ci. Un peu à la façon d'un individu qui, au sommet d'une montagne, commenterait la plaine tout en bas et dirait : « bien sûr, la montagne fait partie de la plaine... » Mais, implicitement et d'évidence, la montagne... bien que faisant partie de la plaine est sous-entendu être bien autre chose qu'elle. Il en est de même de l'homme discourant sur « la Nature » à laquelle il appartiendrait... mais, pas tout à fait et en fait pas du tout. La pensée est très souvent bornée par certains concepts sous-jacents au discours. Au nombre de ceux-ci, celui consistant à décréter que l'homme ne fait pas partie du monde. Il y a le monde et l'homme. La Nature et l'homme. L'évolution et l'homme, etc.

C'est ainsi qu'on en vient à des concepts absurdes comme : « la conquête de l'espace » très à la mode au début des explorations spatiales des années 1960. Un concept qui fait penser à un puceron arrivant sur une plage de l'océan pacifique et se disant : « à présent, partons à la conquête de l'océan ! » Prétention risible, tout comme : « quelle Terre léguerons-nous à nos enfants ? » Comme si la Terre nous appartenait.

Les humains ont beaucoup de difficultés à appréhender leur appartenance à « la Nature » et leur dénaturation d'origine culturelle et industrielle.

Souvent, les humains n'acceptent de reconnaître leur animalité que pour la stigmatiser, quand elle éclate dans des moments de violence, passion, panique, fureur... d'où la mauvaise presse de la Nature en l'homme. On parle de se conduire « comme une bête » quand on tue, mords, frappe, viole... Pas quand on caresse, embrasse, soutient, aide l'autre. D'une façon générale, l'homme refuse de regarder le singe dont il aperçoit l'image dans la glace quand il se regarde dedans. Singe il est. Mais il a tellement peur de se reconnaître comme tel, qu'il multiplie les raisonnements destinés à nier cette évidente et dérangeante réalité. Singe dénaturé il refuse de se voir autrement qu'idéalisé ou, à l'inverse, présenté de manière très défavorable.

Une image qui montre l'ampleur du trouble que peut créer la dénaturation m'a beaucoup frappé. Des ornithologues américains ont ceint la tête d'un petit oiseau avec une étroite bande de tissu de couleurs. Puis, ils l'ont laissé retourner à son nid où se trouvait sa compagne. Celle-ci, avisant le bandeau, ne l'a pas reconnu et chassé à coups de bec !

L'homme est souvent vis-à-vis de l'homme comme ce malheureux oiseau chassé à coups de bec par sa compagne qui ne l'a pas reconnu, à cause de ce bandeau de tissu bien visible qu'il porte sur sa tête. Et dont il ne réalise pas la présence, l'importance et le rôle. Sinon il l'arracherait.

Nous allons vers l'autre et ne sommes pas reconnu. Quelle est la source de ce trouble ?

Notre bandeau à nous est un comportement que nous affectons et qui en fait nous est étranger.

J'ai mis très longtemps à l'identifier.

L'homme, croyant guider, maitriser, orienter ce qu'il a pris l'habitude d'appeler « la chair » ou « la sexualité » met sa conscience sans dessus dessous.

Il s'applique avec constance et efficacité à détruire équilibre et harmonie en lui et autour de lui. Comment ? Très simplement. Il croit, de bonne foi, que « le sexe » est une espèce de produit de consommation, à consommer ou chercher à consommer obligatoirement dans certaines circonstances données. Résultat, il devient comme l'oiseau au bandeau de tissu. Son comportement absurde, avide et dénaturé le rend étranger à lui-même et à celui ou celle qu'il convoite stupidement.

Toute sa gestuelle sexuelle va être déformée, sa conscience bouleversée. Il ne comprends plus où il en est et ce qu'il fait. Rejetant la faute sur « l'autre » il le déclarera « incompréhensible ». Incompréhensible pourquoi ? Parce qu'il ne suit pas automatiquement ses désirs malades et frelatés.

Croyant se gagner la position la meilleure et la plus confortable, l'homme se perd et égare sa ou son ou ses partenaires éventuels ou souhaités.

Il en vient à de terribles carences affectives qu'il subit, recherche sans le réaliser et inflige aux autres.

Ce qu'il appelle « le sexe » devient également de manière sensible insatisfaisant, déséquilibré, peu intéressant, décevant, voire carrément écœurant et insensé, c'est-à-dire dépourvu de sens.

Quantité de personnes finissent par préférer la solitude affective à l'affectivité dérangée et traumatisante. La tranquillité devient la chose la plus souhaitée et appréciée, jointe à des regrets théoriques de choses qu'on a cru avoir raté. Une réalisation de « fantasmes » qui, en fait, sont étrangers à la réalité.

N'étant pas accueilli et ne sachant aller vers l'autre, l'humain, oiseau à bandeau, imagine un monde irréel et des partenaires rêvés relevant du fantastique. Il s'invente un monde de fantasmes où il croit pouvoir vivre un jour. L'étrangeté de ce monde fait qu'il cherche le « sésame ouvre-toi » magique qui lui permettra d'y entrer.

J'ai ainsi vu des jeunes femmes, y compris très jolies, se saouler pour espérer rencontrer un « sexe » rêvé, fabuleux et affabulé. Croyant que leur « problème » était l'excès de « défenses », elles les abolissaient par la soulerie et les risques qui vont avec.

Ne comprenant pas le caractère et les causes de la souffrance réelle ou auto-suggérée dans le domaine de « l'amour » et du « sexe », les humains glissent dans un monde imaginaire. La masse des gens du sexe opposé devient le Paradis ou l'Enfer. Soit elle est merveilleuse et va assurer leur bonheur. Soit elle est affreuse et cause leur malheur. Et, se détachant de ces raisonnements de bases sommes toutes assez courants, surgit le mythe de l'être unique et idéal qu'on rêve de rencontrer.

Quand le rêve reste inaccessible, on va chercher à compenser la fringale amoureuse avec des drogues matérielles. Le spirituel est insatisfaisant ? Réjouissons-nous avec du matériel : argent, pouvoir, prostitution, célébrité... Et surtout violence contre soi ou contre les autres. A force de chercher l'introuvable et d'ignorer le bandeau d'oiseau qu'il porte sur sa tête, quantité d'humains deviennent des sortes de zombies en carence affective et incapables y compris de tirer du plaisir de relations sexuelles sommaires, avec eux-mêmes, c'est-à-dire avec la masturbation, ou avec d'autres.

Quand on arrive à se débarrasser du parasitage des fantasmes, survient une période très désagréable et déstabilisante suscitée par le trouble causé par la perte des fantasmes. On se désintoxique, on dessaoule et souffre de troubles de la « déprogrammation ». Il faut trouver son équilibre... et sa maîtrise, et aussi celle des « silences » et de la « lenteur », de la phrase, de la « répétition » et du ton exact à trouver. C'est comme une musique de la vie à laquelle il faut accéder pour s'émanciper du troublant désordre habituel. Jeter son « bandeau d'oiseau ». Aller de l'avant et découvrir la vraie vie.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 février 2015