lundi 3 décembre 2012

26 Un enjeu pédagogique et éducatif : la goguette enfantine


Un oxymore est une figure de style qui vise à rapprocher deux termes (un nom et un adjectif) que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence contradictoire. J'en ai trouvé un dans des textes lus sur Internet : « l'interdit structurant ». Car un interdit est toujours déstructurant. Je m'explique. Il s'agissait de textes pédagogiques ou prétendus tels. Soi-disant que pour grandir, se « structurer », le petit humain profite des interdits. En fait, la question est plus complexe.

Tous les humains éduqués portent deux « natures » en eux : la base simiesque et sa contrariété faite d'interdits, règles, habitudes, affirmations, traditions, etc.

Exemple : le petit humain âgé de deux ans ou un peu plus galope librement en tous sens. Si un danger surgit, il rejoint vite les grandes personnes. Ça, c'était vrai en des temps où l'industrie n'existait pas. Du temps où nos ancêtres vivaient tout nus. A présent, le même petit humain courant en tous sens risque de se faire écraser par une voiture en traversant la rue. Pour sa sauvegarde, on va lui interdire de courir librement partout où et quand il veut.

Le petit humain jadis allait sans méfiance se jeter dans les bras de tous les adultes de son entourage. Aujourd'hui, dans nos villes, il est nécessaire de lui apprendre à se méfier. Tous les humains ne sont pas tes amis, sommes-nous obligés de lui dire. Ne vas pas avec n'importe qui. Ne suit pas un inconnu.

Jadis, quand un petit humain trouvait quelque chose de bon à manger, il s'empressait de le porter à sa bouche s'il avait faim. Aujourd'hui, le même qui voit un paquet de bonbons dans un magasin et cherche à le prendre, l'ouvrir, se fera gronder. Il faut d'abord l'acheter, le payer. Et si on n'a pas d'argent, il faut renoncer à y toucher.

Tous ces interdits servent à nous adapter à un monde déstructurant où notre simiécité (le singe en nous) est niée. On déstructure notre singe, on nous dissocie incomplètement pour faire de nous des humains adaptés à la vie dans la société « humanisée ».

Le caractère contradictoire de cet avalanche d'interdits avec notre épanouissement affectif et créatif n'a pas échappé aux commentateurs.

Certains ont prôné le refus radical de tous les interdits.

Un enfant devrait selon eux ne jamais être brimé et laissé parfaitement libre de faire tout ce qu'il veut. Une anecdote me revient à ce sujet.

L'an dernier, à la caisse d'un supermarché quatre personnes font la queue : une dame âgée, derrière elle une quadragénaire avec son fils de huit ans environ, et enfin derrière eux un jeune homme de quinze ou seize ans qui tient dans ses mains un pot de confiture.

Le gamin de huit ans pousse exprès le chariot contenant les achats de sa mère sur les pieds de la dame âgée. Celle-ci se plaint et proteste. Il recommence à lui écraser les pieds. La dame âgée apostrophe alors la mère : « dites à votre fils qu'il arrête ! »

La mère répond : « il n'en est pas question ! pour ne pas traumatiser mon enfant, dans son éducation j'ai choisi de ne jamais le contredire, lui imposer des interdits ! »

Le jeune homme, qui a tout entendu, prend alors calmement son pot de confiture, l'ouvre et le vide sur la tête de la mère. « Que voulez-vous ? lui dit-il, moi également on m'a éduqué en m'autorisant à faire tout ce que j'avais envie de faire. »

Cependant la dame âgée passe à la caisse et, au moment de régler ses achats, elle dit à la caissière avec un sourire : « le pot de confiture, c'est pour moi. »

L'anecdote est belle. J'ignore si l'histoire a été inventée ou non.

Elle situe bien en tous cas l'absurdité de prétendre éviter les interdits en éduquant les enfants. En Angleterre certains ont prétendu s'y essayer. Leur expérience a donné un livre très à la mode dans les milieux intellectuels français des années 1960. Il s'appelait « Libres enfants de Summerhill ».

Je l'ai feuilleté et ai bien vite trouvé les limites auxquelles se heurtaient les beaux principes proclamés.

Dans de laborieux passages, les éducateurs « libérateurs » expliquaient aux enfants pourquoi il ne fallait surtout pas se masturber !

Bien sûr, ils n'avaient pas été jusqu'à déclarer les bisous sur la bouche avec la langue ou le fait de carrément s'accoupler contraire à la bonne éducation !

En fait, on l'aura vite compris : prétendre éviter les interdits dans l'éducation de jeunes appelés à vivre dans une société qui en est remplie, relève du fantasme inapplicable.

Que pouvons-nous faire alors ?

Il faut aider les jeunes à préserver, conserver et développer leur créativité, leur indépendance et leur autonomie. Pour cela, un outil utile peut être représenté par la goguette enfantine.

De tels genres de sociétés festives et carnavalesques formées d'enfants existaient déjà au cours des siècles, en des époques où le Carnaval prospérait partout en France.

Une goguette, c'est un groupe forcément petit. Si la goguette est composée d'adultes, le nombre idéal est douze et dix-neuf maximum. Si ce sont des enfants, on évitera qu'ils soient plus de neuf. Un adulte pourra les encadrer et guider, tout en leur laissant le maximum d'initiatives possibles.

La goguette se réuni ponctuellement pour passer un bon moment ensemble, chanter des chansons, en improviser de nouvelles.

Apprendre à gérer la goguette. S'assurer que tous en profite et s'y exprime, peut être un cadre formidable pour apprendre à s'organiser, respecter, diriger, créer ensemble.

De telles structures peuvent être impulsés à partir de lieux où les enfants se trouvent regroupés, comme l'école. Mais doivent connaître leur indépendance propre.

Leur but reste de créer et s'amuser.

J'invite tout ceux que cela intéresse à y réfléchir et lancer des initiatives en ce sens.

La goguette est la base traditionnelle du Carnaval. La goguette enfantine est l'avenir du Carnaval. Elle pourra aussi se doter de bigophones pour bien se faire entendre dans la rue et dans les fêtes.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 décembre 2012

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