vendredi 28 novembre 2014

309 Alcoolisme sexuel, esclavage féminin et analphabétisme tactile

Aimer paraît simple et facile : prendre dans ses bras une jolie fille ou un joli garçon qu'on aime, l'embrasser et le caresser. Pourtant, que ce soit avec des paroles, des caresses ou des bisous, l'amour entre adultes est une chose qui nous paraît souvent très difficile et risqué.

Prenons un exemple : je vois une jolie fille que je connais à peine. Je la trouve douce et gentille. Cependant, ma raison me dit : « fuis ! tu vas t'attirer des ennuis ! » Fuir ? Rester ? Que dire ? Que faire ? Autour d'elle, comme un essaim de mouches bourdonnantes, tournent de jolis garçons, qu'attirent l'entrée de son vagin. Résultat, elle est sur la défensive. Et elle a raison. Elle veut être considérée comme un être humain et pas comme un trou à boucher. Enfin, la société est organisée de telle façon que « l'amour » est présentée de manière encadrée par « le mariage », « le pacs », « le concubinage », « le couple ». C'est-à-dire qu'embrasser et caresser, prendre dans ses bras quelqu'un qu'on aime, ne se fait qu'à condition qu'il y ait « un engagement ». Que s'établisse un contrat déclaré ou implicite qui enferme les contractants, au nom de « l'amour ». Ils sont alors « liés » par « les liens du mariage », ou du concubinage, qui leur interdit d'aller « voir ailleurs ». Et ils doivent baiser. Sous-entendu que l'amour signifie forcément jalousie, possessivité, mariage et reproduction.

L'amour, justement, en tant que sentiment naturel, s'invite comme un trouble-fête. Je vois la jolie fille en question. Suis attiré par elle. Et commence à être assailli par des rêveries du genre : « elle est peut-être ou surement amoureuse de moi... » Je connais ce genre de dérives de la pensée. Quand une attirance se fait, l'intelligence et la réflexion tendent à se débrancher. Un peu comme chez l'alcoolique en désintoxication qui ne doit pas boire et aperçoit l'enseigne du bistro. Il va se trouver mille raisons d'aller y vider encore rien qu'un petit verre. Et en ressortira bien plus tard en titubant.

Arrivé à ce stade, comme je suis un philosophe, je me mets à ma table et écrit ce texte de réflexion. Peut-être me servira-t-il à voir plus clair et aidera-t-il d'autres confrontés au même problème ?

Les trois grands ennemis de l'amour sont : l'alcoolisme sexuel, l'esclavage féminin et l'analphabétisme tactile.

Les hommes, la plupart des hommes et, quelquefois certaines femmes, mais moins, beaucoup moins, sont obsédés par le sexe, l'acte sexuel. Ils croient que le sommet d'une relation d'amour c'est le pauvre petit coït élevé au rang de summum de la relation humaine et de plaisir suprême. Ils se trompent.

Ils croient aussi, souvent de très bonne foi, que s'ils bandent, les hommes, ou si les femmes ont le sexe qui se met en fleur et s'humecte, c'est qu'ils ont « envie de faire l'amour ». Ils se trompent également. Le seul plaisir suffit à produire ces phénomènes même sans qu'il y ait un véritable désir.

J'observais hier un jeune et joli garçon, apparemment gentil, doux et sympathique, qui tournait autour d'une jeune fille. Ce jeune homme pourrait aimer cette jeune fille. Peut-être même que ça arrivera... Mais, en attendant, il est comme un chat devant la vitrine de la poissonnerie hermétiquement fermée. Il aime la fille comme le chat aime le poisson. Il aime certainement aussi un tas d'autres filles qu'ils croisent dans la vie. Il aime sa mère et sa sœur, s'il en a une. Il aime un million de personnes à la fois, mais... il est persuadé qu'il existe une, ou plusieurs filles, dans lesquelles il doit absolument mettre sa queue. Et là, le rêve s'arrête devant des barbelés invisibles. Qu'il ne sait comment franchir. Alors, il ruse. Il essaye de capturer une fille, celle-là, ou une autre, ou plusieurs autres. Il leur conte fleurette, leur parle de tout et de rien, fait le beau et le bon et... espère y mettre les mains et la queue ensuite.

Vu de l'extérieur, c'est bas et vulgaire. La jeune fille autour de laquelle il rôde, n'est pas dupe. Elle sait qu'il est un des innombrables garçons qui tournent autour d'elle. Et ne cherchent tous, plus ou moins aimablement, que la même chose : son cul. Et ils tournent de la même façon autour de ses copines, avec lesquelles elle parle de leur comportement.

Cette jeune fille, c'est Laura. A qui j'ai dédié un poème un peu leste, un peu cochon. Tiens ? tiens ? Notre philosophe serait-il « amoureux » ? Derrière ses beaux discours, on trouverait un vieux cochon jaloux et qui, la bave aux lèvres, observe les jolies filles ? Permettez-moi de me défendre.

Qu'en est-il à mon avis du sexe ? Le sexe, c'est très exactement comme le très bon vin. Un verre de très bon vin peut être la meilleure des choses. On peut également parfaitement bien s'en passer et vivre agréablement quand-même. Et se saouler la gueule, se noircir, être alcoolique, est une très grave et horrible déchéance. C'est exactement ce que la quasi totalité des hommes et un certain nombre de femmes, beaucoup moins que d'hommes, font avec le sexe. Ce sont des « alcooliques du sexe ». Et les dragueurs cavaleurs, ou dragueuses cavaleuses, sont des « grands alcooliques du sexe ». Comme la plupart des hommes et quantité de femmes, j'ai été un alcoolique du sexe. J'ai cru, de bonne foi, que le but optimum possible de la relation d'un homme avec une femme, c'était, à un moment-donné, d'y mettre la queue.

J'ai aussi cru que si je bandais, si je cowperisais (c'est-à-dire émettait du « liquide de Cowper », que des imbéciles ont baptisé : « liquide pré-coïtal »), si j'avais envie d'embrasser quelqu'un sur la bouche, c'est que j'avais envie de faire l'amour avec lui ou elle. Eh oui, je n'ai pas bandé pour un homme, mais, il y a bien des années, j'ai eu envie un jour d'embrasser un ami sur la bouche. Ne l'ai pas fait et me suis dit, aussi con que tous les cons qui m'entourent : « c'est une attirance homosexuelle ». En fait c'était juste ce que c'était : l'envie d'embrasser un ami sur la bouche. Ce qui d'ailleurs se fait couramment en Russie sans que ce soit considéré comme sexuel. Bien sûr, si je l'avais fait, ça aurait été considéré, sous nos latitudes françaises, comme homosexuel. Notre société est conne. Et, influencé par elle, j'ai été immensément con durant cinquante années. A partir de l'âge de treize jusqu'à l'âge de soixante-trois ans, j'ai cru, de bonne foi, que le but de la relation d'amour était le sexe, c'est-à-dire l'acte sexuel. J'ai été contre, j'ai été pour, mais c'est faux. Le but de la relation d'amour, c'est l'amour, qui comprend parfois, rarement ou jamais, le sexe, l'acte sexuel.

J'ai été très con comme les milliards de cons qui m'entourent. Et, si aujourd'hui j'aurais de la peine à aller vers une fille pour l'embrasser et la caresser, c'est justement parce que je connais la connerie ambiante et régnante.

En lisant mon poème : « Je ne coucherais pas avec Laura », on pourrait penser que je veux absolument y mettre ma queue. Un vers de surcroit en rajoute dans ce sens : « Et son con est étroit ». En fait, par « coucher » j'entends... « coucher », c'est-à-dire être étendu dans un lit auprès d'elle et sans plus. Mais, dans notre langue de cons, « coucher » signifie obligatoirement « baiser ».

Et, s'ajoutant aux barrières habituelles, il y a aussi le fait que toute une tripotée de salauds utilisent un discours similaire au mien ici, comme une ruse pour chercher à piéger les femmes et y fourrer leur queue. « Je t'aime, mais ne suis nullement attiré par le sexe », « on s'aimera en tout bien tout honneur »... tu parles ! Dès qu'ils peuvent, ils démasquent leurs batteries. Et ne veulent plus visiblement que le sexe, le sexe, le sexe. J'ai même vu un dragueur cavaleur chercher le trou en affirmant à une très jeune fille qui n'avait pas connu son père, qu'il souhaitait jouer un rôle paternel auprès d'elle. Et puis, une fois cette situation établie, il a cherché à y mettre les mains. Et s'est fait méchamment rembarré. Tant pis pour lui, il n'aura pas le gâteau au chocolat.

Quel est le deuxième obstacle à l'amour ? C'est l'esclavage féminin. Dans notre société de merde, depuis la nuit des temps, le travail domestique de la femme n'est ni reconnu, ni rémunéré. Elle élève des enfants ? Elle les porte en elle et les accouche ? C'est la Nature, c'est l'amour. J'élève des souris blanches. C'est un métier. On me paie.

Le résultat de ce mépris de la femme est qu'elle se retrouve en situation de servitude. Car, le travail imposé et non payé, ça s'appelle... l'esclavage.

Tenir sa maison, son budget, s'occuper de ses enfants, de son mari, se faire belle pour eux, sans voir son travail reconnu et rémunéré, fait que la femme dépend économiquement de l'homme.

Certes, beaucoup de femmes travaillent de nos jours hors de la maison. On nous dit qu'ainsi elles « s'émancipent ». En faisant une double journée de travail : hors de chez elle et à la maison. Et si, de plus, elles ont un potager et un poulailler à s'occuper, elles font... une triple journée de travail ! Quelle belle « émancipation » ! La sueur féminine, décidément, ne coute rien !

Et l'homme, pendant ce temps-là, eh bien, il est très souvent toujours aussi macho qu'avant et la société dans son ensemble aussi. Il suffit de considérer le lynchage médiatique auquel ont droit les femmes qui résistent aux « grands » de ce monde, qu'elle s'appelle Tristane Banon ou Valérie Trierweiler. Et, parmi les plus enragés à lyncher, on trouve des femmes acquises au machisme. C'est normal. Dans les guerres coloniales, les plus féroces étaient souvent les supplétifs coloniaux.

Bien des hommes, la majorité d'entre eux, s'abaissent à vouloir dominer la femme, au lieu de la respecter. Et l'amour sans le respect n'est qu'un mot. Les hommes qui méprisent les femmes ne les aiment pas. Et ne s'aiment pas eux-mêmes. Car sinon ils ne se dégraderaient pas ainsi en malmenant et maltraitant les femmes.

Mais, la dépendance économique de la femme vis-à-vis de l'homme fait que celle-ci cherche très souvent... son souteneur. Au sens littéral du terme : qui la soutient économiquement.

J'étais, il y a un an environ, assis à une table avec une jolie fille que je ne connaissais pas. Circonstance rare, je la rencontrais pour la première et sans doute dernière fois, dans le cadre de ses études. Elle le savait aussi. Et je me suis amusé à lui « sortir les vers du nez ». Je lui ai demandé si elle tombait un jour amoureux d'un homme. Et qu'il se révèle nul économiquement. Si elle l'abandonnerait.

J'ai insisté un peu, car je voyais bien que mon interlocutrice hésitait à livrer le fond de sa pensée. Et puis, comme elle voyait bien que nous ne nous connaissions pas et ne devions pas nous revoir, car notre rencontre purement circonstancielle dans le cadre de ses activités scolaires ne devait pas avoir de suite, elle a « craché le morceau ». « Bien sûr que je le laisserais tomber », m'a-t-elle avoué. Cette pensée n'est absolument pas originale. Une autre femme que j'ai connu et dont j'ai été éperdument amoureux m'a annoncé un jour avoir rencontré l'amour. Comme elle me l'a annoncé, j'aurais pu croire qu'il s'agissait de moi. Après, déception, elle me dit qu'il s'agit d'un autre. C'était incohérent et très maladroit de sa part. Par la suite, je la vois avec son amoureux : petits bisous, tendresse, etc. entre eux. Un an plus tard, elle m'annonce sa rupture. Causée par la raison que son amoureux est incapable de tenir un budget. « Mais, lui dis-je, tu m'as dit que tu l'aimais ? » « Oh, tu sais, me répond-t-elle, dans ce genre de situations, on dit des choses comme ça ». Plus tard elle s'est mise en ménage avec un autre, sur la base de ce que « ils étaient seuls tous les deux et pouvaient tenter quelque chose ». Ils sont en ménage depuis. Ne s'aiment pas. Et ont de très beaux enfants.

Un troisième exemple : une très jolie fille qui étudie en fac et ne cache pas que son rêve économique est de ne pas travailler. C'est-à-dire travailler seulement à la maison. Autrement dit, être femme au foyer. J'en tombe amoureux, ou, tout au moins, suis attiré par elle. Et, comme des milliards d'autres cons en déduit que c'est « l'amour », c'est-à-dire la vie à deux et la queue. Elle me convoque dans un bar, me fait passer l'interrogatoire impôts, sécurité sociale, gendarmerie. En déduit que je suis insolvable. Et, je passe à la trappe. Elle me dira plus tard que « elle n'est pas amoureuse de moi ». Elle m'a parlé aussi d'un homme que, m'a-t-elle dit, elle avait aimé. Mais, avait-elle ajouté, comme il jouait aux jeux d'argent, qu'elle avait un oncle malade de la même obsession et en connaissait les conséquences dévastatrices, elle avait été obligé de l'abandonner. Par la suite, cette jolie étudiante a réalisé son rêve. Elle est « tombée amoureuse », comme par hasard, d'un futur prospère médecin et est devenue « femme au foyer ». Naïf comme j'étais alors, j'ai mis trente ans à réaliser la parfaite vénalité de cette femme. Qu'est-ce qui m'a rendu éclatante sa vénalité que je n'avais pas vu ? C'est que j'ai réalisé, que me parlant de son fiancé joueur elle n'avait témoigné de strictement aucune émotion en racontant qu'elle avait du le larguer. Pour elle, l'amour et souscrire un bon plan d'épargne retraite, c'était rigoureusement la même chose. Elle investissait son capital beauté tant qu'il n'était pas défraichi.

Sans l'analyser, un très grand nombre de femmes ont une vision prostitutionnelle de l'amour qu'elles recherchent. Certains propos sont révélateurs. Une femme mariée et mère m'avouait un jour que ça faisait très longtemps qu'elle avait renoncé à l'amour. « Mais, vous êtes mariée » l'ai-je questionné. « Oh ! Les hommes se croient tous irrésistibles ! » m'a-t-elle répondu. Et elle a rit. Vantant les qualités domestiques de son mari, une jeune mère me disait dernièrement : « je l'ai bien choisi ». Avec autant de sentiments que si elle parlait de son chien ou sa voiture. Une jeune et gentille femme me disait, parlant de son compagnon : « il habite près de mon travail, c'est bien pratique ». Et le disait comme si elle vantait le confort d'un bon meuble. Une femme qui avait choisi un amant pourvu d'une paie confortable, un beau logement et une belle voiture se défendait à moi d'être intéressée : « j'ai aussi ma paie ». Les courtisanes peuvent être riches. Ce sont des prostituées quand-même.

Simplement, ce sont dans notre société d'honorables prostituées. Je n'ai rien contre les prostituées, même si je ne ferais jamais appel à elles dans le cadre de leurs activités professionnelles. Les honorables prostituées, de leur côté, n'ont rien à faire d'un « pauvre artiste », sexagénaire de surcroit. Ça ne me dérange pas. Comme je l'ai dit, les prostituées, je ne suis pas client.

Le pire, c'est qu'on est conditionné, habitué à ce monde de prostitution honorable ou pas honorable. Je me disais encore dernièrement : « je suis vieux et pauvre, aucune jeune femme ne voudra de moi ». Oui, aucune jeune femme qui se prostitue. Et celles-là, je les laisse aux autres. Elles ne m'intéressent pas du tout.

Un phénomène extrêmement révélateur de la mauvaise foi régnante en amour, c'est l'expression tactile. Une personne désintéressée n'a pas du tout le même toucher qu'une personne calculatrice et intéressée. J'ai ressenti dans quatre occasions un contact tactile d'une douceur incroyable avec une femme. Dans une sorte de camp de vacances, dans un stage de massage, dans une association, et chez moi un jour avec une femme dont j'étais amoureux. Les trois autres, je ne les connaissais pas. Une jeune femme m'a dit un jour qu'elle avait eu avec un homme un toucher d'une qualité incroyable, comme une sorte de véritable aimant. « Aimant » un beau mot, en fait ! J'ai cherché une explication. Et cru même qu'il existerait des sortes de « groupes tactiles affinitaires », un peu à la façon des groupes sanguins compatibles ou non pour les transfusions. Et une femme qui a eu beaucoup d'amants dans sa vie, me disait que, quand elle était jeune fille, elle prenait des leçons de piano. Quand son vieux professeur, pour lui indiquer comment positionner sa main, la lui prenait, elle ressentait comme une sorte de petite décharge électrique. Car, m'a-t-elle dit, elle sentait que son geste n'était absolument pas dragueur... Tout ceci pour dire qu'à présent le voile se déchire devant mes yeux. Il existe tout simplement une véritable et entière communication cutanée. Quand il n'y a aucune volonté profiteuse et manipulatrice, quand le contact est absolument et rigoureusement sincère et honnête, c'est-à-dire sans calculs ni projets, une douceur incroyable est ressentie.

Le premier toucher est le toucher du regard. Une sage-femme me disait dernièrement que deux choses étaient instinctives chez un nouveau-né. Et, elle en avait vu naître trois cents durant sa carrière. La première est de ramper vers le sein maternel. La seconde est de chercher à se relier des yeux avec le regard de sa mère et de son père. Ou, du moins, de l'homme qu'il a entendu souvent parler près de sa mère, quand il n'en était pas encore sorti. Et le nouveau-né cherche bien ces deux regards-là, pas celui de la sage-femme, par exemple. Quand il le trouve, il s'en détourne.

Toucher, avec le regard ou la peau, est le premier moyen de communication humain. Le langage tactile précède et dépasse le langage parlé, que ce soit en précision, finesse, intensité ou sensualité.

Le troisième grand obstacle à l'amour, c'est l'analphabétisme tactile. L'analphabétisme tactile est formé par deux éléments : d'une part, nous ne séparons pas clairement et nettement le toucher intéressé et le toucher désintéressé. Un toucher intéressé est vide. Et, d'autre part, le manque tactile conduit à l'oubli du vrai toucher que nous avons tous pratiqué étant enfant.

Cet analphabétisme résulte de l'ensemble des facteurs passés en revue dans ce texte. Si l'homme et parfois la femme est alcoolique du sexe. Si la femme se prostitue honorablement ou pas. Alors, le tactile authentique est poussé à la trappe. Pour les cons, les caresses, léchages et bisous sont des « préliminaires ». Pour les connes, un moyen de gagner de l'argent. Parfois aussi pour les cons.

Et nous sommes, pour la plupart, des cons ou des connes. Y compris vous, cher lecteur, chère lectrice. Et moi durant très longtemps, j'étais très con et espère ne plus l'être aujourd'hui et à l'avenir.

Après le regard, il y a le contact, la caresse. Et, seulement s'il y a de l'amour, il y a le bisou sur la bouche, éventuellement avec la langue.

S'agissant du toucher, il en existe fondamentalement deux genres : toucher pour sentir l'autre, toucher pour être senti. Le second genre est de très loin le plus agréable. Les enfants le pratiquent spontanément et naturellement. La plupart, voire la quasi-totalité des adultes l'ont oublié. Et leur démarche queutarde et – ou – prostitutionnelle ne risque pas de les aider à le retrouver.

Ce toucher, l'ayant gouté très brièvement de la part d'une petite amie, j'ai pu constater qu'elle n'avait pas eu conscience d'avoir pratiqué quelque chose de très particulier. J'ai mis ensuite deux années pour arriver à analyser de quoi il s'agissait. Pour le reproduire, cela dépend de ce qu'on a dans la tête. Au début on n'a guère plaisir à le pratiquer à d'autres. Puis, on y trouve plaisir. Mais le piège consiste à donner sans recevoir. Il vaut mieux ne rien donner. Seul l'échange légitime le don. Sinon on est une poire. On se fait exploiter. Et jeter à la fin. Et ça fait mal. Être généreux c'est très bien. Être trop généreux c'est très mal. Et à éviter absolument, même et surtout si on y est encouragé.

Les trois principaux obstacles à l'amour sont omniprésents dans notre triste société vénale. Alors, que faire ? Il faut faire avec l'amour, et avec tout dans la vie, comme Louis de Broglie disait que faisait l'astronome Bernard Lyot dans ses recherches scientifiques Il cherchait dans une direction où tout le monde disait qu'il n'y avait rien à trouver. Il cherchait. Et finissait toujours par trouver.

De toutes façons, renoncer à l'amour, c'est comme renoncer à être honnête et sincère. Pour les gens honnêtes et francs, c'est tout simplement impossible. Alors, faisons comme Bernard Lyot. Cherchons dans la direction où il n'y a rien à trouver. Et finissons par trouver. Si, dans toute l'étendue des Alpes il n'y a qu'une seule fleur que nous voulons trouver, prenons notre gourde, nos souliers et notre bâton de marche et allons la trouver. Et, quand bien-même elle se ferait attendre, nous la trouverons. Car finalement, le secret de la recherche, c'est que son but est la recherche elle-même. Qui nous conduit à nous découvrir nous-mêmes.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 novembre 2014

lundi 24 novembre 2014

308 Une Italienne, une cafetière et un hôpital militaire

On annonce aujourd'hui l'envoi de la première Italienne dans l'espace. Elle va vivre durant six mois dans la station spatiale ISS qui tourne autour de la Terre.

Elle est accompagnée par deux hommes et ils vont rejoindre une autre femme et deux hommes.

Pour les fêtes de fin d'année ils auront droit à manger notamment du caviar.

Bon voyage et bons cafés à l'Italienne de l'espace qui emporte avec elle la première cafetière expresso créée pour fonctionner dans l'apesanteur...

Quelques questions me viennent à l'esprit :

Quelle étrange choix que d'aller, en risquant sa vie, vivre six mois dans une coquille de noix spatiale ! Alors qu'il y a tant de choses belles et intéressantes à voir et faire sur Terre. Et sans risquer sa vie pour autant !

On envoie dans l'espace pour six mois des personnes vigoureuses, en bonne santé et de sexes opposés. Baisent-elles ou vivent-elles une existence « monacale » ? Existe-t-il une clause d'engagement lors du départ où on atteste ne pas se laisser aller à quelques câlins que ce soit ?

Enfin, je relève quelques chiffres :

On a annoncé tout dernièrement que le meilleur hôpital de France, l'hôpital militaire parisien du Val de Grâce, fondé en 1796, était condamné à fermer parce qu'il manquerait 250 millions d'euros pour le rénover...

Le coût de la station orbitale ISS est de 100 milliards de dollars. Chaque fauteuil d'astronaute aller-retour pour la station orbitale ISS coûte 70 millions de dollars...

Quand on veut trouver de l'argent, on le trouve. Il y en a ! Soi-disant il n'y en a pas pour l'hôpital du Val de Grâce.

Les discours sur le « manque d'argent » pour justifier la destruction des services publics en France et ailleurs relève du simple foutage de gueule !

« Y a pas d'argent ? » Non !! « Y a pas la volonté ! »

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 novembre 2014

dimanche 23 novembre 2014

307 La croissance... de la cupidité

Les « experts franco-allemands » viennent de rendre leur verdict pour faire redémarrer la « croissance » de l'Allemagne et la France dans le cadre du IVème Reich, c'est-à-dire de l'Europe.

Il faut selon eux, ça n'est pas une blague : faciliter le licenciement des pauvres, allonger le temps de travail des salariés, pas des riches feignants. Et, bien sûr, l'allonger sans augmenter les salaires. Et, enfin, il faut le gel des salaires des pauvres durant trois ans, décidé par des personnes qui gagnent au minimum 20 000 euros par mois. Cependant que les prix qui galopent déjà, augmenteront encore plus la vitesse de leur galop. Ce programme souffre d'un oubli. Pour relancer véritablement la croissance, il importe également de rétablir l'esclavage. Ce qui pourra se faire en rouvrant les grands camps de travail qui existaient en Pologne dans les années quarante du siècle dernier. Seule modification, au dessus des portails d'entrée il faudra écrire : « La libre entreprise rend libre ». Je fais la proposition de cette mesure à Madame Merkel et Monsieur Hollande et espère être entendu.

Ce sont des « experts » qui ont rendu ici les conclusions. Méfiez-vous du terme « expert ». Il y avait également dans les années 1930-1940 des « experts » en « questions raciales » qui rendaient leurs conclusions « scientifiques », pour justifier les lois et mesures racistes et antisémites d'Allemagne, Italie, France, Roumanie et Hongrie.

Aujourd'hui, dans la province française du IVème Reich, tous les efforts de la bande Macron-Gattaz-Hollande tendent à augmenter la part de « richesses », c'est-à-dire d'argent liquide dans la poche des plus riches. Cette démarche, que je veux supposer de bonne foi, procède d'une erreur fondamentale. L'argent, quand il ne circule pas, mais s'entasse dans des coffres-forts, perd sa valeur. L'argent n'a de valeur que quand il circule. Un tas d'or n'a pas de valeur.

Certes, le détenteur d'un tas d'or peut se masturber cérébralement en le regardant. Il a aussi le loisir de jouir « du champagne et des putes ». Mais le tas d'or qu'il contemple avec délectation et rien, c'est pareil. Le nombre de milliardaires qui dans le monde croit à présent à toute vitesse signifie qu'une part de plus en plus importante de la richesse monétaire mondiale est neutralisée. Réduite à zéro en allant moisir dans des coffres-forts. Cependant que la population mondiale crève la dalle de plus en plus.

Chose divertissante : certains imbéciles écrivent dans les « mass merdias » : « le nombre de milliardaires croit en dépit de la crise. » Mais, le nombre de milliardaires qui croit, c'est justement la raison, l'expression-même de ce phénomène qu'on a baptisé « la crise ». Et qu'on pourrait plus exactement baptiser : « planification générale du pillage des richesses du monde par une poignée de riches avides, égocentriques et malades. »

Les ultra-riches veulent « posséder » toujours plus de richesses pour compenser leur besoin d'amour insatisfait. Et plus ils sont riches, plus s'éloigne pour eux la probabilité de connaître l'amour. C'est pourquoi ce sera faire preuve d'humanité et charité que les libérer du poids de leurs richesses, trop pesant pour eux. Et leur offrir une existence humaine plus normale que celle qu'ils connaissent.

Si vous doutez de mon propos sur le manque d'amour des riches et des puissants, considérez ce que nous connaissons de leur vie amoureuse. Un de ceux-ci a vu son inconduite conjugale exposée par son ex dans une livre tiré à 600 000 exemplaires en France et très vite traduit en onze ou douze langues étrangères. Qui dit mieux ? Vous êtes pauvre ? Ça vous est arrivé ce genre de chose ? Oui ? A moi, en tous cas, ça ne m'est jamais arrivé. A bas l'Europe ! Adieu l'euro ! Vive la vie, l'amour et la liberté ! Et, pour le « couple franco-allemand », une seule solution pour le bien des deux : divorce !

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 novembre 2014

306 Une biographie du philosophe du rire que j'ai écrit dans Wikipédia :

Angelo Fortunato Formiggini


Angelo Fortunato Formiggini.

Publicité pour l'éditeur Formiggini à Rome, avec son emblème : la louve romaine comique et bondissante1.

En 1908, dans La Secchia, premier livre qu'il a édité, Formiggini est caricaturé par A. Majani dit : Nasica2 .

Angelo Fortunato Formiggini (Modène, 21 juin 1878 – Modène, 29 novembre 1938) est un philosophe et éditeur italien, juif, franc-maçon, antifasciste, ou mieux : « a-fasciste3 ». Étudiant, il est Espérantiste4. Et membre très actif des ordini goliardici (ordres goliardiques) et de la Corda Fratres, dont en 1903 il préside le Consulat de Rome, puis l'importante section italienne5. En 1907, passionné par l'humour, il présente à Bologne une thèse universitaire de philosophie sur la Filosofia del ridere (Philosophie du rire).

En 1908, il fonde la maison d'éditions qui porte son nom. Qui publie en trente ans, de 1908 à 1938, plus de 700 titres, dont en particulier sa collection la plus célèbre : I Classici del ridere (« Les Classiques du rire », 105 volumes de 1912 à 1938). Il crée la Casa del Ridere (Maison du Rire), bibliothèque et musée du Rire.

De 1918 à 1938, il édite le périodique mensuel culturo-bibliographique L'Italia che scrive (L'Italie qui écrit), connu également par ses initiales : ICS. En 1920, il crée l'Istituto per la Propaganda della Cultura Italiana (Institut pour la Propagation de la Culture Italienne), maison d'éditions qui a vocation de réaliser la première grande encyclopédie italienne : la Grande Enciclopedia Italica (Grande Encyclopédie Italica). Le projet n'abouti pas suite à l'opposition du ministre Giovanni Gentile. Qui est plus tard à l'origine de l'Enciclopedia Italiana di scienze, lettere ed arti (dite : la Treccani). En 1922, Formiggini crée une Biblioteca Circulante (Bibliothèque Mobile) à Rome, qui compte rapidement 40 000 volumes.

Sa famille, ses études et activités professionnelles, l'amènent à habiter à Modène, Bologne, Gênes et Rome. En 1938, il meurt prématurément et tragiquement à l'âge de 60 ans, poussé au désespoir et au suicide par les persécutions fascistes.

Sa notoriété n'a pas dépassé les frontières de son pays. Ses écrits, rédigés surtout en italien et aussi en dialecte de Modène (it)6, n'ont jamais été traduits dans d'autres langues. Encore très connues en Italie jusqu'à la fin des années 19307, sa personnalité et son œuvre sont aujourd'hui largement oubliées du grand public italien. Et ne sont plus connues que d'un nombre réduit de spécialistes8.

Ajout à l'article de Wikipédia : il s'agit probablement ici de la toute première étude publiée en français sur ce philosophe. Je suis heureux de concourir ainsi à le faire connaître au public francophone. C'est une forte et attachante personnalité, un esprit libre et authentique. Qui aimait la Culture, le rire, la fête, sa famille, l'Italie et Modène.

Biographie

Les débuts dans la vie

Angelo Fortunato Formiggini est né le jour du solstice d'été, 21 juin 1878 à Collegara, une banlieue de Modène. Après la naissance de Sofia, Giulio, Emanuele et Peppino, il est le cinquième et dernier fils de Pellegrino Formiggini et Marianna Nacmani9. Il appartient à une famille juive installée très anciennement à Modène. Le plus ancien document connu attestant sa présence dans cette ville remonte à l'année 1629. Les ancêtres de Angelo Fortunato sont originaires de Formigine, d'où ils ont pris leur nom de famille10. Les Formiggini, durant une période, ont été les bijoutiers de la famille d'Este, puis sont devenu financiers11.

Angelo Fortunato va d'abord à l'école à Modène12. En 1889-1890 et 1891-1892, il est à Milan, habite au Convitto nazionale Longone (Pensionnat national Longone), et suit les cours du prestigieux Ginnasio Parini (Lycée Parini). Ensuite, il va à Bologne étudier dans un autre établissement également prestigieux : le Liceo classico Galvani (Lycée classique Galvani).

En 1894, il a seize ans et commence à écrire une autobiographie. Elle commence ainsi13 :
1894 : 8 luglio, domenica. – Oggi, giorno in cui credo di aver fatto una buona azione, ho deciso di cominciare il libro delle mie memorie...
(1894 : 8 juillet, dimanche. – Aujourd'hui, jour où je crois d'avoir fait une bonne action, j'ai décidé de commencer le livre de mes mémoires...)
La « bonne action » consistait dans le fait d'avoir sauvé la vie d'un petit garçon nommé Bompani, âgé d'environ neuf ans, qui se noyait dans le fleuve Panaro, près du pont de Sant'Ambrogio14 à Collegara près de Modène.

En 1896, Formiggini est expulsé du Liceo classico Galvani (Lycée classique Galvani) pour avoir écrit, imprimé et diffusé à l'intérieur de l'établissement un poème satirique : La divina farsa. Ovvero la descensione ad infernos di Formaggino da Modena (La divine farce. Telle est la descente aux enfers de Formaggino de Modène). Où, sur les traces de la Divine Comédie de Dante, ils caricaturent ses professeurs et camarades de classe. Il se moque également de lui-même par un jeu de mots, déformant ici son nom de Formiggini en Formaggino, qui signifie en italien : le fromage fondu. Il va poursuivre ses études secondaires au Liceo Muratori (Lycée Muratori) de Modène.

Formation universitaire, ordres goliardiques, Corda Fratres


La Casa Formiggini (Maison Formiggini), viale Margherita, siège estival de la Corda Fratres à Modène.
Ses études secondaires achevées, il s'inscrit à la Faculté de droit de Modène. En plus de ses activités studieuses et culturelles, il est très actif dans les ordini goliardici (ordres goliardiques, appelés aussi Goliardia), sociétés festives et carnavalesques traditionnelles des étudiants italiens. Il écrit en dialecte de Modène des poésies satiriques qu'il signe Furmajin da Modna (Formiggini de Modène).

Il fréquente la société festive bolognaise de l'Accademia della Lira (Académie de la Lyre). Qui lui donne l'idée de créer une société festive à Modène : l'Accademia del Fiasco (Académie de la Fiasque). Dans le cadre de cette académie, il mène des activités. Comme par exemple, faire procéder à la plantation d'un figuier le 4 novembre 1899, à l'occasion de la traditionnelle festa degli alberi (fête des arbres). Ce jour-là, Formiggini prononce un discours de louanges pour le figuier12.

Formiggini doit interrompre ses études pour faire son service militaire. Il termine celui-ci avec le grade de caporal. De retour à la vie civile, il présente le 27 novembre 1901, une thèse universitaire dont le sujet est : La donna nella Torah in raffronto con il Manava-Dharma-Sastra. Contributo storico-giuridico a un riavvicinamento tra la Razza ariana e la semita (La femme dans la Torah comparée au Manava-Dharma-Sastra. Contribution historico-juridique au rapprochement entre les races aryenne et sémite). Il affirme dans cette thèse qu'à l'origine les Aryens et les Sémites étaient un même peuple. De nombreuses années plus tard, il a avoué qu'il avait complètement inventé cette thèse, qui, incidemment, n'a même pas été discuté.

En 1902, il déménage à Rome et entre à la Faculté des sciences humaines, où il suit les cours du grand philosophe Antonio Labriola. Angelo Fortunato rejoint l'association festive et fraternelle étudiante internationale de la Corda Fratres (les Cœurs Frères). Fondée en 1898 par Efisio Giglio-Tos, cette association regroupe de très nombreux étudiants, dont un tiers des étudiants italiens.

En octobre 1902, on trouve Formiggini membre du Comité de la Società Italiana per la propaganda della lingua Espéranto (Société Italienne pour la promotion de la langue Espéranto4).

Il devient en 1903 le responsable du consulat de Rome de la Corda Fratres. Et fait la connaissance à cette occasion de Emilia Santamaria, qui l'assiste comme secrétaire15. En juillet 1903, il est élu président de l'importante section italienne de la Corda Fratres5.

La Casa Formiggini (Maison Formiggini), viale Margherita, est le siège estival de la Corda Fratres à Modène16.

Le 19 septembre 1906, il épouse Emilia Santamaria. Et retourne à Bologne où il s'inscrit à l'université. Le 28 juin 1907, il y passe son deuxième diplôme, cette fois-ci en philosophie, avec une thèse sur la Filosofia del ridere (Philosophie du rire). Où il affirme que le rire rend fraternellement solidaire les hommes. Et que l'humour est la massima manifestazione del pensiero filosofico (la plus haute manifestation de la pensée philosophique).

La Franc-maçonnerie

Angelo Fortunato Formiggini intègre la Franc-maçonnerie italienne.

Le 20 février 1904, il atteint le grade de Maestro massone (maître maçon) dans la loge maçonnique romaine Lira e spada (Lyre et épée)17.

Les débuts dans l'édition


Couverture de La Secchia... (Le Seau...), première ouvrage édité par Formiggini.
L'activité éditoriale de Formiggini débute le dimanche 28 juin 1908, à l'occasion d'une joyeuse Festa mutino-bononiense (Fête modéno-bolognaise) qu'il organise à Fossalta (et qui devait initialement se dérouler le 31 mai précédent). Elle est sensée célébrer le poète modenais Alessandro Tassoni et « l'amitié renaissante entre Bologne et Modène ». À l'occasion de cet événement, il édite à ses frais deux livres :
  • Un recueil bouffon de 88 pages intitulé : La Secchia, contiene sonetti burleschi inediti del Tassoni e molte invenzioni piacevoli e curiose, vagamente illustrate, edite per la famosa festa mutino-bononiense del 31 Maggio mcmviii18 (Le Seau, contient des sonnets burlesques inédits de Tassoni et beaucoup d'inventions agréables et curieuses, vaguement illustré, édité pour la fameuse fête modéno-bolognaise du 31 mai 1908), ouvrage illustré, avec une préface d'Olindo Guerrini. Il commence par citer François Rabelais : « le rire est le propre de l'homme ». Et regrette ensuite qu'il soit plus aisé de trouver la douleur que le rire. Le livre contient quelques écrits de Tassoni et des textes et dessins comiques d'auteurs contemporains de l'édition, dont Formiggini. Qui écrivent en italien et aussi en dialecte de Modène ou de Bologne. Un des textes est signé par Formiggini Formaggino da Modena (Formaggino de Modène), reprenant le jeu de mots avec son nom et le fromage fondu déjà fait par l'auteur en 189619. Le titre La Secchia fait référence au recueil de Tassoni La Secchia rapita (Le Seau enlevé), qui est une parodie des procédés de la poésie épique. Tassoni y chante en vers burlesques une querelle survenue au XIIIe siècle entre Modène et Bologne au sujet d'un seau en bois d'un puits qui finit par rester au pouvoir de Modène.
  • Le second ouvrage publié par Formiggini compte 510 pages et s'intitule : Miscellanea tassoniana di studi storici e letterari, pubblicata nella festa della fossalta, 28 giugno 1908. A cura di Tommaso Casini e di Venceslao Santi. (Mélange tassonien d'études historiques et littéraires, publié durant la fête de la Fossalta. Sous la direction de Tommaso Casini et Venceslao Santi20.) Ce volume présente des essais critiques sur Tassoni écrits par certains des meilleurs spécialistes de l'époque, tels que Giulio Bertoni, Ludovico Frati, Arrigo Solmi, Albano Sorbelli. Il est préfacé par Giovanni Pascoli, poète et auteur des paroles de l'Hymne de la Corda Fratres.
La fête a la prétention de célébrer sur les lieux de l'affrontement entre Bolognais et Modénois lors de la bataille de Fossalta le 26 mai 1249 la renaissance de leur amitié. Cet événement, intervenant 659 ans après la bataille, est bien sûr parfaitement imaginaire. Et un prétexte trouvé pour une fête bien dans l'esprit des plaisanteries et canulars des ordini goliardici (ordres goliardiques) et de Formiggini. Qui habite Bologne et vient de Modène. Et a donc des liens avec les deux cités.

Formiggini raconte ainsi, de façon comique, ses débuts cette année-là comme éditeur : un bel mattino di maggio, nel 1908, svegliandomi mi accorsi che avevo le mani come prima, il naso come prima, tutto come prima, pur essendo completamente diverso: non ero più uno studioso, ero diventato un editore (un beau matin de mai, en 1908, en me réveillant j'ai réalisé que j'avais les mains comme avant, le nez comme avant, tout comme avant, mais pourtant j'étais complêtement différent : je n'étais plus un étudiant, j'étais devenu un éditeur).

La maison d'édition A.F. Formiggini - Editore (A.F. Formiggini - Éditeur) a dans un premier temps son siège à Bologne et Modène. Mais, dès la fin 1909, elle est basée uniquement à Modène. Au nombre de ses premières publications, témoignant de l'intérêt et l'amour qu'il porte à sa ville natale, Formiggini écrit et publie en 1910 un Piccolo guida e Indicatore di Modena (Petit guide et Indicateur de Modène) qui fait 99 pages.
L'éditeur développe une intense activité dès ses débuts : 6 publications en 1908, 16 en 1909, 19 en 1910, 31 en 1911. Et jusqu'à 52 publications en 1913, qui restera son record de publications annuelles.

Les publications philosophiques

Formiggini est autant passionné par l'opéra comique qu'intéressé par la philosophie. Il crée la collection de la Biblioteca di filosofia e pedagogie (Bibliothèque de philosophie et pédagogie), et dans celle-ci les Opuscoli di filosofia e pedagogia (Opuscules de philosophie et pédagogie). Il édite les actes du congrès national de Parme de la Società Filosofica Italiana (Société Philosophique Italienne) qui a lieu en 190721 et la Rivista di Filosofia (Revue de philosophie), organe officiel de cette société de 1909 à 1918.

En 1911, à Gênes, Formiggini publie les Atti del IVe Congresso Internazionale di Filosofia, Bologna 1911 (Actes du IVe Congrès International de Philosophie, Bologne 1911) auquel ont notamment participé avec d'importantes contributions Henri Bergson, Émile Boutroux, Benedetto Croce, Émile Durkheim, Federigo Enriques, Paul Langevin, Wilhelm Ostwald, Giuseppe Peano, Hans Vaihinger. En tout, trois volumes de grand format de plus de quinze cents pages, qui comprennent des essais écrits par de très grands philosophes de l'époque, au nombre desquels « L'évolution des Lois » d'Henri Poincaré et « L'intuition philosophique » d'Henri Bergson.

La collection Profili (Profils)


Abraham Lincoln collection Profili (Profils).
En 1909, la maison d'éditions Formiggini lance la collection Profili (Profils) avec une monographie de Sandro Botticelli rédigée par I. B. Supino. Suivront 128 autres, parmi lesquelles : Darwin, Galilée, Archimède, Newton, Karl Marx, Martial, Giordano Bruno, Jésus-Christ, Saint Paul, Saint Augustin, un Arioste écrit par Benedetto Croce, un Hegel écrit par Giovanni Gentile et un Sarpi écrit par Roberto Papini.

La dernière monographie éditée sera celle de Gabriello Chiabrera, parue en 1938. Le choix de ce dernier, brillant intellectuel et poète chassé des États Pontificaux, puis par la suite banni de sa ville, Savone, n'est peut-être pas étranger à la pesante atmosphère de persécutions que connaît alors Formiggini.

Le but de la collection Profili (Profils), comme le dit le texte de présentation de son premier numéro, est de faire paraître : de [...] graziosi volumetti elzeviriani [...] non aridi riassunti eruditi, ma vivaci, sintetiche e suggestive rievocazioni di figure attraenti e significative [...] soddisfano il più nobilmente possibile all'esigenza, caratteristica del nostro tempo, di voler molto apprendere col minimo sforzo […] (de gracieux volumes imprimés en caractères elzéviriens, avec non pas d'arides et savants résumés, mais des évocations vivantes, attachantes et concises, satisfaisant le plus noblement possible à l'exigence caractéristique de notre époque de vouloir beaucoup apprendre avec le minimum d'efforts).

La période génoise

Le bon accueil reçu par ses publications encourage Formiggini à augmenter la taille de sa maison d'édition et le nombre de ses publications. Cette activité accrue entraîne un déménagement à Gênes en 1912. Il crée alors la collection I Classici del ridere (Les Classiques du rire), son plus grand succès éditorial. Qui sera, selon sa définition dérivée d'un célèbre dicton en dialecte romanesco : er mejo fico der moi bigonzo (le meilleur fruit de ma récolte22 ). Le premier volume des Classiques du rire sera la Prima giornata del Decameron (la « Première journée du Décaméron ») de Boccace. Suivront le Satyricon, de Pétrone, Gargantua, de Rabelais, Gulliver, de Jonathan Swift, l'Âne d'or, d'Apulée, l'Heptaméron, de Marguerite d'Angoulême, etc.

Formiggini est partisan de l'entrée en guerre de l'Italie durant le conflit mondial débuté en 1914. À l'annonce de la déclaration de guerre de l'Italie à l'empire austro-hongrois le 24 mai 1915, il abandonne précipitamment famille et maison d'édition. Et part s’enrôler dans l'armée italienne comme volontaire, laissant un seul message à son entourage qu'il n'a pas prévenu : Parto ! Non posso dirvi nulla. Fate quello che potete ! (Je pars ! Je ne peux rien vous dire. Faites ce que vous pouvez23 !)

Il est au front avec le grade de capitaine de mai 1915 jusqu'à son renvoi de l'armée pour infermità (infirmité) en mars 1916.

Quelques Classici del ridere (Classiques du rire)

L'installation à Rome


Couverture du numéro de février 1933 du périodique mensuel L'Italia che scrive (L'Italie qui écrit).
En 1916, Formiggini fait un grand héritage qui lui permet de quitter Gênes, où il n'a jamais été à l'aise. Sur l'insistance de sa femme, il déménage à Rome. Et va habiter un grand appartement sur la colline du Capitole. Le siège de sa maison d'édition se trouve à présent près de la piazza Venezia.

Le 1er avril 1918, Formiggini prend une initiative particulièrement moderne et originale pour l'époque. Il publie : L'Italia che scrive. Rassegna per coloro che leggono. Supplemento mensile di tutti i periodici (L'Italie qui écrit. Présentation par ceux qui lisent. Supplément mensuel de tous les périodiques). Il s'agit du premier numéro du périodique mensuel culturo-bibliographique L'Italia che scrive (L'Italie qui écrit), connu également par ses initiales : ICS. Cette publication, que Formiggini poursuivra tout le long de sa carrière jusqu'en 1938, se charge d'informer les lecteurs des nouveautés en librairie. Comme le dit Formiggini, l'ICS s'occupe de « toutes les principales questions inhérentes à la vie du livre italien parce qu'elles sont essentielles pour la vie spirituelle de la nation » (tutte le principali questioni inerenti alla vita del libro italiano in quanto esse sono essenziali alla vita spirituale della nazione).

En France, dès le 15 novembre 1919, José de Berys note, dans un article consacré à L'Accord interscolaire Franco-Italien, paru dans La Nouvelle Revue24 : « Déjà, l'Italie possède un excellent périodique d'information de librairie et de bibliographie, l'Italia che scrive, dû à l'activité ardente et désintéressée de M. Formiggini. »

En vingt ans, de 1918 à 1938, L'Italia che scrive recense 13 124 livres, annonce la parution de 52 434 autres et publie 1152 articles. Le tirage moyen de la revue est de 15 000 exemplaires, avec des pointes à 20 000 et des creux à 11 00025.

L'installation à Rome donne l'occasion à Formiggino d'adopter comme emblème de sa maison d'édition une louve romaine comique et bondissante. Un des deux jumeaux assis sur son dos tenant une immense plume symbole de l'écriture. L'autre étant en train de dégringoler du dos de la bête.

Formiggini et les bibliothèques

Formiggini attache une grande importance au développement des bibliothèques publiques et populaires. Et fait de nombreux dons de livres à la Bibliothèque Estense de Modène et à la Bibliothèque de l'université de Gênes.

Parallèlement à son activité éditoriale, il constitue une bibliothèque et musée de l'humour, baptisée la Casa del Ridere (la « Maison du Rire »), récoltant tous les matériaux relatifs au rire : livres, revues, estampes, tableaux.

Sa première expérience comme promoteur de la bibliothèque publique se passe durant la Grande Guerre. Il participe avec ferveur à la création de bibliothèques de camp, créées pour les soldats. Son implication est révélée par une lettre adressée aux « commilitoni » (compagnons d'armes) en 1916 et dont la copie est conservée dans ses archives26. Cette lettre accompagne l'envoi de quatorze caisses de livres fait par son alors très jeune maison d'éditions.

En 1922, de façon liée à son initiative de fonder la revue L'Italia che scrive (L'Italie qui écrit), Formiggini crée à Rome une Biblioteca Circolante (Bibliothèque Mobile) qui compte rapidement 40 000 volumes. Chose que Formiggini précisera à plusieurs reprises.

Un examen rapide du catalogue confirme le caractère généraliste de cette bibliothèque27. On y trouve des livres pour tous les types de lecteurs. Depuis des romans contemporains jusqu'à des livres d'histoire, économie, sciences, philosophie et les auteurs classiques grecs et latins. Une partie du catalogue est liée à l'actualité de l'époque, avec beaucoup de livres sur la Grande Guerre. Mais, on trouve aussi des ouvrages comme les Mémoires de guerre de Winston Churchill ou Ma vie de Trotski. Des livres écrits par des auteurs classiques italiens et d'autres pays : Manzoni, Walter Scott, Balzac, etc. La majeure partie des romans et recueils de poèmes ont un lien avec l'actualité, avec des œuvres de Salvator Gotta, Nino Salvaneschi, Ugo Ojetti, Antonio Beltramelli, Lucio D'Ambra et d'autres contemporains italiens. Le catalogue comprend des auteurs étrangers, dans leurs éditions et langues d'origines tels que James Joyce, John Dos Passos, James M. Cain. Trois livres écrits par Gandhi, l'autobiographie de Charles Chaplin, des études ethnologiques de Giuseppe Cocchiara, deux œuvres meridionaliste de Giustino Fortunato, mettent en évidence l'ouverture d'esprit de Formiggini. Qui n'a pas voulu soumettre son catalogue aux seuls impératifs distractifs ou aux contraintes et obligations de son temps.

Les années 1920


Angelo Fortunato Formiggini dans les années 192028.
En 1920, le couple formé d'Angelo Fortunato et sa femme Emilia n'ayant pas d'enfants, en adopte un : Fernando Cecilia Santamaria. Qui sera affectueusement surnommé par eux Puccettino (le Petit Poucet).

En 1920, Formiggini crée l'Istituto per la Propaganda della Cultura Italiana (Institut pour la Propagation de la Culture Italienne), rebaptisée ensuite Fondazione Leonardo per la cultura (Fondation Léonard pour la culture). Et initie le projet de réaliser la Grande Enciclopedia Italica (Grande Encyclopédie Italica). Ce projet culturel majeur de première grande encyclopédie italienne se heurte à l'opposition du ministre Giovanni Gentile, qui avait été invité à y participer. Gentile accuse Formiggini d’irrégularités et le contraint à quitter la Fondazione Leonardo per la cultura en 1923. En 1925, la fondation, avec tout son patrimoine, est absorbée par l'Istituto Nazionale Fascista di Cultura (Institut National Fasciste de la Culture) dont le président est Gentile. Le projet d'encyclopédie initié par Formiggini sera réalisé par Giovanni Treccani, avec l'Enciclopedia Italiana di scienze, lettere ed arti (Encyclopédie Italienne des sciences, lettres et arts), dont le premier directeur scientifique sera... Gentile.

En réaction à sa mésaventure encyclopédique et culturelle, Formiggini écrit une satire amère et moqueuse contre Gentile qui a favorisé Treccani : La ficozza29 filosofica del fascismo e la marcia sulla Leonardo, libro edificante e sollazzevole (La bosse philosophique du fascisme et la marche sur la (Fondation) Leonardo, livre édifiant et divertissant). La « marche sur la (Fondation) Leonardo » est une allusion évidente à la Marcia su Roma (Marche sur Rome) qui a assuré aux fascistes la prise du pouvoir en Italie en 1922.

Formiggini crée de nouvelles collections : en 1923 ce sont les Apologie (Apologies), profils de doctrines philosophiques et religieuses. Témoigne de son ouverture d'esprit d'avoir publié successivement : en 1923 une Apologia dell’ebraismo (« Apologie du judaïsme ») du rabbin Dante Lattes et en 1925 une Apologia dell’Islamismo (« Apologie de l'Islam ») de Laura Veccia Vaglieri. Il publie également une Apoligia del Cattolicismo (Apologie du Catholicisme) de Ernesto Buonaiuti, une Apologia del Taoismo (Apologie du Taoïsme) de Giuseppe Tucci, une Apologia dell'Ateismo (Apologie de l'Athéisme) de Joseph Rensi et huit autres titres dans cette collection. En 1924, il crée les Medaglia (Médailles), une collection de monographies de contemporains, dont certains détestés par les fascistes, comme Luigi Albertini, Giovanni Amendola, Filippo Turati et Luigi Sturzo. La diffusion des monographies de ces personnalités détestées par les fascistes est empêchée par eux. Qui les font retirer des librairies. A l'inverse, le Mussolini de Joseph Prezzolini ne rencontre aucune difficulté avec les autorités fascistes en place. D'autres nouvelles collections créées par Formiggini sont les Lettere d'amore (Lettres d'amour), la Polemiche (Controverse), le Guide radio-liriche (Guide de la radio-opéra), l'Aneddotica (l'Anecdote) et Chi è ? (Qui c'est ?), biographies de personnalités célèbres et encore vivantes, qui remporte un grand succès.

Angelo Fortunato Formiggini30.
Écrit par Formiggini, le Dizionarietto rompitascabile degli editori italiani compilato da uno dei suddetti (Petit dictionnaire de poche des éditeurs italiens, compilé par l'un de ceux-ci), est publié par Mondadori et réimprimé par Formiggini en une deuxième édition élargie en 1928.

Formiggini aime introduire l'humour dans des publications qui en sont en principe fort éloignées. Ainsi, il en est du titre de ce dernier ouvrage, qui contient un jeu de mots : « rompitascabile » étant formé de façon transparente des mots tascabile (de poche) et rompiscatole. Rompiscatole se traduit littéralement en français par « casse-boîte ». Et signifie en italien « emmerdeur ».

S'agissant du sous-titre du livre, Formiggini en ajoute dans le sens de l'humour et l'auto-dérision :
DIZIONARIETTO ROMPITASCABILE degli Editori Italiani, compilato da uno dei suddetti. Seconda edizioni con nuovi errori ed aggiunte e con una appendice egocentrica31.
Ce qui se traduit par :
PETIT DICTIONNAIRE DE POCHE des Éditeurs Italiens, compilé par l'un des ceux-ci. Seconde édition avec de nouvelles erreurs et des ajouts et un appendice égocentrique.
Formiggini publie aussi d'autres genres d'ouvrages. Comme, le 1er janvier 1924, le livre d'Ivanoe Bonomi Dal socialismo al fascismio ; La sconfitta del socialismo. La crisi dello stato e del parlamento. Il fascismo. (« Du socialisme au fascisme ; La défaite du socialisme. La crise de l'état et du parlement. Le fascisme32 »).

Les années 1930 – 1937

La maison d'édition Formiggini commence à décliner dans les années 1930. La baisse de ventes des livres et la crise générale de l'édition italienne contraignent Formiggini à abandonner l'approche dilettantiste et familiale qu'il observait dans la gestion de sa maison d'édition. Il va devoir créer le 21 décembre 1931 une société éditoriale : la Società Anonima A.F. Formìggini Editore in Roma (Société Anonyme A. F. Formiggini Editeur à Rome). Formiggini est l'Amministratore delegato (Administrateur délégué) de la société.
Le texte d'Angelo Fortunato intitulé Venticinque anni dopo (Vingt-cinq années après), publié en 1933, semble prémonitoire de ce qui va arriver à sa maison d'éditions.

En 1934, elle est en déficit. Et Formiggini doit vendre sa terre de Collegara et sa maison de Modene pour éponger ses dettes. En 1937, il se voit confisqué sa maison romaine au motif invoqué que les autorités ont décidé d'un plan de réhabilitation de la zone où elle se trouve.

Persécutions et suicide


La Torre Ghirlandina à Modène.

Titre du Corriere della Sera du 11 novembre 1938 : Le leggi per la difesa della razza approvate dal Consiglio dei ministri (Les lois pour la défense de la race approuvées par le Conseil des ministres)
En 1938, le régime fasciste initie une propagande antisémite pour commencer à préparer l'opinion publique à la promulgation de lois racistes. Le 27 juin 1938 apprenant que la commissione per la razza (commission pour la race) a rendu ses conclusions en faveur de la théorie raciale, Formiggini dit qu'elle a prononcé sa sentence contre lui.

Le 14 juillet 1938, sur Il Giornale d'Italia (Le Journal d'Italie) sort l'article : Il fascismo e i problemi della razza (Le Fascisme et les problèmes de la race). Le 8 août paraît le premier numéro de La difesa della razza (La défense de la race). Même Angelo Fortunato est alors obligé de se souvenir de ce qu'il semblait avoir oublié : qu'il était Juif. Lui, qui était distant du sionisme et de tous les particularismes religieux ou culturels.

Le 31 août 1938, Formiggini se rend dans sa ville natale. Il visite la Torre Ghirlandina (Tour de la Guirlande), clocher de la cathédrale de Modène. C'est le monument le plus haut de la ville, également appelé simplement la Ghirlandina ou la torre civica (tour civique). Sur le billet d'entrée qu'il conserve, il note qu'il est venu inspecter les lieux et faire une étude préliminaire de ceux-ci en vue de son suicide.
Les écrits d'Angelo Fortunato durant cette période, où l'antisémitisme officiel se déchaîne, seront publiés après la fin de la Seconde Guerre mondiale, sous le titre : Parole in libertà (Paroles en liberté). Ils réunissent l'invective anti-fasciste et anti-mussoliniene à des exhortations faites aux Juifs pour qu'ils abandonnent l'identité culturelle et religieuse juive, pour l'assimilation qui, selon Angelo Fortunato : « a avancé à grands pas ; les nouveaux éléments l'ont contrarié. Mais c'est une pause, qui sera plus ou moins longue, après quoi la course reprendra33. »

Formiggini cherche aussi désespérément un motif pour conserver son optimisme face à une situation désespérante.

S'adressant aux Juifs d'Italie, il écrit également : « Gardez à l'esprit que le chef du fascisme a prévu une domination de son parti pour 150 années seulement. Calcul de la souffrance, ça fera (encore) 132 années. Ce sera peut-être beaucoup moins. Le fascisme est un phénomène strictement personnel (lié à la personne de Mussolini). Quoi qu'il en soit, ne serait-ce pas une brève période comparé à l'avenir infini ? Les peuples doivent rester tournés vers l'avenir33. »

Cependant, la machine totalitaire poursuit sa route, piétinant l'optimisme forcé de Formiggini. Le 15 septembre 1938, le Ministero della Cultura Popolare (Ministère de la Culture Populaire) demande un relevé détaillé de tous les employés juifs de la société éditoriale de Formiggini. Le seul Juif est Formiggini. Partant de cette information, le ministère ordonne le changement de nom de la société. Formiggini la rebaptise Società Anonima delle Edizioni dell’ICS (Société Anonyme des Éditions de l'ICS), en référence au nom du périodique le plus cher à son cœur : L'Italia che scrive (L'Italie qui écrit). Auquel il souhaite de continuer à paraître.

Formiggini est forcé de changer le nom et aussi le responsable officiel de sa maison d'éditions. Angelo Musso devient officiellement le président de la Société Anonyme créée ainsi in extremis pour éviter l'expropriation comme « biens juifs ».

Le 14 novembre 1938, Formiggini entreprend des démarches pour obtenir le bénéfice baptisé « discriminazione », prévu pour les Juifs qui ont fondé une famille « aryenne34 ». Ces démarches se révèlent infructueuses. Ce n'est pas simplement l'identité juive, mais la personnalité propre de Formiggini qui le rend détestable aux yeux du régime fasciste35.

Le 17 novembre 1938, le gouvernement fasciste promulgue sa législation antisémite : les Provvedimenti per la difesa della razza italiana (Mesures pour la défense de la race italienne).

Onze jours plus tard, le lundi 28 novembre 1938, après avoir pris soin de régler toutes ses affaires, Formiggini prend le train à Rome pour Modène. En ayant acheté juste un billet aller simple. À sa femme qui s'étonne de ce voyage, il prétexte pour celui-ci la nécessité d'être présent à une réunion d'actionnaires de la typographie.

Et, le lendemain matin, par un temps d'hiver pluvieux, poussé au suicide par les persécutions antisémites organisées par les autorités fascistes, il se jette du haut de la Torre Ghirlandina. Comme il l'a annoncé dans sa dernière lettre, il le fait au cri de : Italia ! (Italie !) Qu'il a le temps de crier trois fois. Avant de s'écraser au sol après une chute de plusieurs dizaines de mètres.

Il laisse, rédigé quelques jours auparavant, un épigraphe expliquant l'esprit de son geste :

Né ferro né piombo né fuoco  
possono salvare
la libertà, ma la parola soltanto.  
Questa il tiranno spegne per prima.
Ma il silenzio dei morti
rimbomba nel cuore dei vivi.

Ni le fer ni le plomb ni le feu
peuvent sauver
la liberté, mais la parole seulement.
C'est elle que le tyran éteint en premier.
Mais le silence des morts
résonne dans le cœur des vivants.

Par ailleurs, dans une lettre écrite à Angelo Musso le jour de son suicide, Formiggini dit que sa décision era la sola che potesse salvare la [sua] famiglia e l'azienda (était la seule qui pouvait sauver [sa] famille et l'entreprise). Il fini par une dernière pirouette, une sortie humoristique funèbre et désespérée : Per fortuna piove e non ho a temere un secco ulteriore, salvo quello del finale abbrustolimento. Viva l'Italia36 ! (Par bonheur il pleut et je n'ai pas à craindre un sec ultérieur, sauf celui du grille-pain final. Vive l'Italie !) Le « grille-pain » étant une allusion à son souhait de voir sa dépouille mortelle finir incinérée.

Des funérailles sous haute surveillance

Après sa mort, il n'est pas donné suite au souhait de Formiggini de voir ses cendres jetées dans le fleuve Panaro du haut du pont de Sant’Ambrogio14. Dans le même endroit du fleuve où, en 1894, quand il avait seize ans, il avait plongé et sauvé un petit garçon qui se noyait13. Les obsèques d'Angelo Fortunato Formiggini ont lieu par une froide journée d'hiver, à l'aube, dès le lendemain de son suicide. Il est inhumé le 30 Novembre 1938 au cimetière San Cataldo à Modène. Il est enterré hors de la partie israélite de ce cimetière, en raison du fait qu'il est mort par suicide.

La nouvelle de la mort tragique de Formiggini n'a pu circuler que clandestinement en raison du refus de tous les journaux de publier une notice nécrologique, même payée. La législation antisémite adoptée par l'Italie interdit d'annoncer la mort d'un Juif. Ce que la presse antifasciste italienne à l'étranger, comme Giustizia e Libertà, souligne à cette occasion.

Cette absence de diffusion de l'information fait que très peu de personnes suivent les funérailles37. En revanche, un dispositif policier très important est présent. Une trentaine de policiers en uniforme sont là. Assistés d'autres, en civils, qui photographient les personnes présentes et relèvent leurs noms sur des petits carnets de notes. Leur tâche est vite expédiée. Il n'y a dans le cortège que cinq proches ou amis du défunt venus l'accompagner vers sa dernière demeure.

Sa femme, Emilia Santamaria, qui marche en tête du convoi, a du batailler avec la police. Qui exigeait au départ que les obsèques de son mari aient lieu la nuit. Les autorités ont finalement cédé, mais imposé une heure très matinale pour la cérémonie.

Le même jour Radio Monteceneri diffuse en italien la nouvelle depuis la Suisse3. En France, Le Populaire, du 10 décembre 1938 en parle7, ainsi que, à Madagascar, le journal Volonté, du 15 mars et du 27 mai 193938.

Témoignages de sympathie

Emilia Santamaria recevra d'Italie des témoignages d'affection et des nécrologies qui représentent à l'époque des gestes très courageux dans le contexte du régime fasciste39. Beaucoup d'inconnus prennent concrètement des risques physiques en lui écrivant pour témoigner leur sympathie et leur indignation.
Écrivent également de New York Nicola Zanichelli et Umberto Liberatore. Luciano Mastronardi, ex ispettore scolastico (ex inspecteur d'école) de Vigevano écrit une lettre très ferme qui s'élève contro il delitto e l’infamia (contre le crime et l'infamie). Écrivent à la veuve Attilio Momigliano, Adriano Tilgher, Ivanoe Bonomi, Massimo Bontempelli. Luigi Spotti, de Parme, rapporte que un amico che legge l'Osservatore Romano è venuto ieri a comunicarmi d’avere letto [...] (un ami qui lit l'Osservatore Romano est venu hier me dire d'avoir lu). Le père Agostino Gemelli écrit : [...] non so se ella sa che fummo compagni di scuola nei lontani anni 1888-1890 a Milano. Io pregherò per l’anima di suo marito [...] (je ne sais pas si elle sait que nous fumes camarades d'école dans les lointaines années 1888-1890 à Milan. Je prierai pour l'âme de son mari). La Communauté israélite italienne écrit également. Et même une Italiana audion qui finit sa lettre grotesquement par des saluti cordiali fascisti (cordiales salutations fascistes).

Un suicide de philosophe


Article paru dans Le Populaire du 10 décembre 19387.

Article paru dans Volonté, journal de Tamatave, le 27 mai 193938.

Angelo Fortunato aurait pu, face aux persécutions, fuir son pays avec sa famille. Mais il ne se voyait pas quitter l'Italie et poursuivre sa vie ailleurs. Il était trop attaché à ses racines italiennes. La situation devenant insupportable dans sa patrie, il préfère s'ôter la vie plutôt que partir. Ce qui explique le titre que Nunzia Manicardi a donné à son livre biographique paru en 2001 aux éditions Guaraldi à Modène : « Formiggini : l'editore ebreo che si suicidò per restare italiano » (Formiggini, l'éditeur juif qui s'est suicidé pour rester italien).

En choisissant pour se donner la mort de se jeter du haut du monument emblématique de Modène, haut de 87 mètres, Angelo Fortunato a voulu donner à son suicide le caractère d'un spectaculaire geste de protestation. Avant de mourir, il poste une lettre adressée à son grand ami, l'éditeur Giulio Calabi, refugié politique à Paris. Il explique son choix parce qu'il veut parvenir ainsi à secouer l'opinion publique. Et aussi parce qu'il a vu disparaître son rêve d'être en mesure de donner son nom, Formiggini, à son fils adoptif Fernando Cecilia Santamaria. Il écrit également qu'il emporte dans ses poches deux lettres, l'une adressée au roi d'Italie, l'autre à Mussolini. Et qu'il aura aussi les poches pleines d'argent pour les pauvres de Modène, de sorte que les fascistes ne pourront pas dire qu'il a été poussé au suicide pour des raisons financières. Giulio Calabi, à la réception de la lettre pleure et s'exclame « Povero ingenuo e illuso amico mio, che spreco della sua bontà e intelligenza » ! (Mon pauvre naïf et illusionné ami, quelle perte que celle de sa bonté et son intelligence40!)

Le suicide passe cependant inaperçu à l'époque en Italie. La presse italienne, muselée par la dictature fasciste, n'en parle pas. Il lui est même interdit jusqu'au fait de publier l'avis de décès envoyé par la veuve.
On relève seulement un commentaire cynique du secrétaire du Partito Nazionale Fascista (Parti national fasciste) Achille Starace. Il aurait déclaré alors : « È morto proprio come un ebreo : si è buttato da una torre per risparmiare un colpo di pistola » (Il est bien mort comme un Juif : il s'est jeté d'une tour pour économiser le prix d'une balle de pistolet41).

Formiggini ne sera pas le seul Juif qui à l'époque se suicide de manière spectaculaire en Italie pour protester contre le racisme d'état. À la même époque, à Florence, le commandant Ascoli, apprenant qu'il est chassé de l'armée parce que Juif, rassemble son bataillon d'infanterie. Et, après avoir harangué ces cinq cents hommes. Devant eux s'enveloppe le visage dans le drapeau italien. Et se tire une balle dans la tête38.

La maison d'édition créée par Formiggini ne lui survit que durant peu d'années. Elle disparaît définitivement en 19413.

Formiggini et le fascisme

Formiggini presque jusqu'à la fin de sa vie parle avec admiration de Mussolini. Mais il ne prend pas sa carte au parti fasciste à une époque où le régime en place y accorde une importance essentielle. L'adhésion est obligatoire, par exemple, pour exercer le métier d'enseignant. Ce qui fait que des enseignants ainsi contraints d'adhérer blaguent l'insigne PNF (Partito Nazionale Fascista), expliquant qu'il signifie en réalité : Per Necessità Famigliare (Par Necessité Familiale).

Frormiggini s'applique à passer en quelque sorte « à côté » du fascisme. Il est plus a-fasciste qu'antifasciste3. En 1924, il écrit que il fascismo è una gran bella cosa visto dall'alto; ma visto standoci sotto fa un effetto tutto diverso42 (le fascisme est une très bonne chose, vu d'en haut ; mais vu d'en bas il donne une impression tout à fait différente).

Esprit indépendant, Formiggini ne peut que se situer en dehors d'un cadre totalitaire, quel qu'il soit. Il reste toujours passionnément attaché au droit et à la justice. Et écrit, peu avant son suicide : Il fascismo mi piacque quando mi parve un elemento di forza a servizio del diritto: ma non mi piacque più quando si affermò rivoluzionario: all'etica delle rivoluzioni non ho mai creduto, ci s'ingrassano troppi avventurieri, e ogni principio di giustizia è sovvertito43. (Le fascisme me plaît quand il m'apparaît comme un élément de la force au service du droit, mais il ne me plaît plus quand il s'affirme révolutionnaire : je n'ai jamais cru à l'éthique des révolutions, qui engraissent trop d'aventuriers et où tous les principes de la justice sont pervertis.)

Les fascistes ne pardonnent pas à l'éditeur, l'intellectuel indépendant Formiggini de leur échapper, en refusant la complète soumission. En 1938, ils ne lui laissent plus que le choix du chemin de l'exil pour garder la liberté d'agir et de s'exprimer. Alors, plutôt que de quitter l'Italie, il préfère se donner la mort. Suivant l'exemple de l'illustre philosophe Socrate, qui préfère boire la ciguë, plutôt que s'exiler hors de sa cité.

Formiggini et le sionisme

En 1902, Formíggini adhère à la Corda Fratres, association internationale étudiante où cohabitent une section sioniste dirigée à Paris par Léo Filderman et une importante en nombre section roumaine ouvertement antisémite44. À cette occasion, Formiggini rédige un article45 : Gli Ebrei in Rumenia: il limite fra la “Corda Fratres” e il Sionismo (Les Juifs en Roumanie : la limite entre la "Corda Fratres" et le Sionisme), où il donne son opinion sur L’idea sionista (L'idée sioniste).

Il définit le sionisme comme un grandioso ideale tramontato (une partie d'un grand idéal), qui n'a pas d'utilité pour les Juifs d'Italie qui ont déjà une patrie bella e nobilissima (belle et très noble). Pour lui, le sionisme fait le jeu des antisémites. Car le sionisme in quanto vuol cercare un asilo a dei miserabili che sono respinti da tutti, è approvato soltanto dagli antisemiti (parce qu'il veut chercher un asile à des misérables rejetés de tous, est approuvé seulement par les antisémites).

Formiggini rejette le sionisme lui préférant un universalisme qui dépasse les conflits initiés pour des motifs de races ou de religions. Un monde idéal de fraternité, rêve qui anime les fondateurs de la Corda Fratres. Il écrit : Il vero ideale della Corda Fratres sarebbe quello di distruggere il Sionismo, cioè di renderlo inutile. (Le vrai idéal de la Corda Fratres serait de détruire le Sionisme, c'est-à-dire le rendre inutile.)
Formiggini reste fidèle jusqu'à ses conséquences ultimes à cette vision idéale du monde qu'il appelle de ses vœux. Il veut un monde où tous les hommes, Juifs ou non Juifs, sont les bienvenus partout et se sentent partout chez eux. En 1938, quand, parce qu'il est Juif, la vie devient impossible pour lui dans l'Italie qu'il aime passionnément, il se donne la mort. En espérant, par le caractère spectaculaire de son suicide, réveiller l'opinion publique italienne. Et continuer ainsi quand-même la marche en avant vers le monde idéal qu'il souhaite pour tous les hommes.

L'héritage documentaire

En 1939, suivant la volonté du philosophe, ses archives, l'important fonds Formiggini, sont données par sa veuve à la Bibliothèque Estense de Modène.

Elles comprennent, entre autres :
  • L'ensemble des archives de la famille Formiggini s'étendant sur 309 années.
  • La collection rassemblée par Angelo Fortunato pour la Casa del Ridere (Maison du Rire) avec notamment 4581 livres rassemblés au cours des années. Des traités italiens et d'autres pays sur le rire, le comique, le grotesque, l'humour, datant du XIXe siècle et du XXe siècle, des éditions originales dont certaines remontent à la fin du XVIe siècle, 195 journaux et périodiques humoristiques, anciens ou modernes, publiés en Italie ou dans d'autres pays. Una specie di biblioteca e di museo di tutto ciò che è attinente al Ridere, senza limiti di tempo e di geografia (Une espèce de bibliothèque et de musée de tout ce qui concerne le Rire, sans limites dans le temps et la géographie) comme l'a définit Formiggini46.
  • 500 volumes, restes des 40 000 volumes de la Biblioteca Circolante (Bibliothèque Mobile) créée à Rome par Formiggini en 1922, avec trois catalogues imprimés de celle-ci, faits en 1924, 1933 et 193947.
Sur le site Internet de la Bibliothèque Estense il est possible de consulter des documents manuscrits faisant partie des archives d'Angelo Fortunato Formiggini48.

En 1989, la Filosofia del ridere (Philosophie du rire), de Formiggini, a été réédité par les éditions de l'université de Bologne49.

Raisons de l'oubli de Formiggini


Angelo Fortunato Formiggini
Il y a ceux qui font l'Histoire. Et ceux qui l'écrivent. Le récit des seconds ne corresponds pas toujours avec les actions des premiers. Si les rédacteurs de l'Histoire ont oublié le plus souvent Formiggini, diverses raisons expliquent ce choix, plus que le simple « oubli ».

Formiggini, esprit indépendant, est également d'abord et avant tout Modénais, Italien et Italophone. Il ne cherche à aucun moment de sa vie la notoriété au delà des frontières de son pays et sa langue. Agir en Italie et dans la langue italienne lui suffit. Et quand bien-même le sujet du rire qu'il aborde est universel, il ne cherche jamais à faire traduire ses réflexions écrites en une autre langue que la sienne.

Lire, parler l'italien, à présent n'est plus l'apanage de toutes les personnes cultivées de nombreux pays, comme c'était le cas jadis. Hors des Italiens, peu nombreux sont aujourd'hui ceux qui utilisent cette langue. Ce qui réduit d'autant l'écho possible des écrits laissés par Formiggini. Et des écrits sur lui, qui sont tous, sauf rarissimes exceptions, rédigés en italien. Accentuant ce phénomène de coupure culturelle, l'époque récente est terminée où tous les Italiens cultivés parlaient le français. Et où la langue officielle choisie pour la Corda Fratres créée en 1898 par des Italiens était le français.

A l'époque où il vit, Formiggini n'adhère ni au fascisme, ni à l'antifascisme. Il cherche à poursuivre sa route. Faire ce qu'il aime : diffuser la Culture et l'humour. En 1922, l'année de l'arrivée des fascistes au pouvoir en Italie, à quoi s'occupe-t-il ? A créer une riche Biblioteca Circolante (Bibliothèque Mobile) à Rome, qui va vite compter 40 000 volumes !

Il entretient de bonnes relations avec des personnes exilées politiques antifascistes, comme avec des Italiens de l'intérieur, d'opinions diverses, y compris fascistes.

Son a-fascisme3 fait que personne ne peut le revendiquer comme sien : ni les fascistes, ni les antifascistes. Il se revendique du rire et de l'optimisme. Il n'est d'aucun parti. Ou alors il est de tout ce qui peut éventuellement se trouver d'humain dans chacun d'eux.

Juif, il déplaît aux antisémites. Fervent partisan de l'assimilation des Juifs, il ne peut plaire à ceux qui s'attachent au contraire au maintien de l'identité juive.

Il prend soin de rédiger lui-même le faire-part de sa mort, dressant son portrait et résumant son œuvre en ces termes : « A. F. Formiggini, maître éditeur, quitte cette terre, laissant l'impérissable souvenir d'un esprit libre, profondément italien, entièrement consacré à la culture nationale38. »

Giulio Einaudi, Marino Moretti approuvent et écrivent à l'époque39 : Formiggini era proprio questo: profondamente italiano, devoto alla cultura patria. Non lo dimenticheremo (Formiggini était exactement cela : profondément italien, dévoué à la culture de sa patrie. Nous ne l'oublierons pas).

Homme libre, Formiggini ne plaît qu'à ceux qui le sont aussi. Et sont-ils si nombreux que ça ? Telle est peut-être l'explication de l'oubli où il est plongé aujourd'hui en Italie et au delà de ses frontières. Alors que ses écrits tombent en 2014 dans le domaine public. Et qu'il n'en existe toujours aucune édition critique complète publiée à ce jour.

Hommages

Formagine et Turin : une via Angelo Fortunato Formiggini

À Formagine dans la province de Modène et à Turin existe aujourd'hui une via Angelo Fortunato Formiggini nommée ainsi en son honneur.

Sassuolo : l'Institut d'instruction supérieure « A. F. Formiggini »

L'Istituto di istruzione Superiore « A.F. Formiggini » (Institut d'instruction Supérieure « A.F. Formiggini ») de Sassuolo, dans la province de Modène, porte ce nom depuis le 19 mai 1977.
Un figuier est planté en sa mémoire dans l'Institut.
Sur le site Internet de l'établissement on trouve une biographie de Formiggini avec sa photo50.
Elle s'achève par ces mots :
A noi tutti, studenti, genitori e insegnanti, spetta il compito di fare memoria di Angelo Fortunato Formìggini e coltivare l’amore per la cultura che animò tutta la sua vita. (À nous tous, étudiants, parents, enseignants, il est un devoir de garder la mémoire de Angelo Fortunato Formiggini et cultiver l'amour de la culture qui a animé toute sa vie.)

Modène : une plaque commémorative « Al tvajol ed Furmajin »

L'avant-veille de sa mort, dans un appel aux Modénais, Formiggini écrit : « il piccolo spazio che c’è fra la Ghirlandina e il monumento al Tassoni lo chiamerete ‘Al tvajol ed Furmajin’ per indicare la limitatezza dello spazio: non direte ‘sudario’ perché tvajol è parola più allegra e simposiale » (le petit espace entre la Ghirlandina et le monument à Tassoni vous l'appelerez 'al tvajol ed Furmajin' pour indiquer la limite de cet espace : vous ne direz pas 'suaire' parce que tvajol (serviette) est un mot plus joyeux et convivial).
Exprimé ironiquement ce souhait de Formaggini est que le lieu où il va mourir soit baptisé : Al tvajol ed furmajin, mots qui signifient en dialecte de Modène (it) : « La serviette du Formaggino », jeu de mots entre Formiggini et Formaggino, en italien : le fromage fondu. Jeu de mots qu'Angelo Fortunato avait déjà utilisé dans le titre du poème satirique écrit, imprimé et diffusé en 1896, qui lui avait valut son expulsion du Lycée Galvani de Bologne. Jeu de mots qu'il avait utilisé aussi en 1908 pour signer un texte dans le recueil de La Secchia19.

Cinquante ans jour pour jour après son suicide, le 29 novembre 1988, une plaque commémorative est apposée sur le lieu de la mort de Formiggini.

Al tvajol ed furmajin, sont les mots qui commencent le texte écrit pour le reste en italien sur cette plaque51.

Œuvres

  • Piccolo guida e Indicatore di Modena (Petit guide et Indicateur de Modène) Formiggini, 1910 - 99 pages
  • Il Cuculo, ovvero l'amoroso commiato (Le coucou, ou l'adieu à l'amoureux), Roma, Formiggini, 1912 – 7 pages.
  • La ficozza29 filosofica del fascismo e la marcia sulla Leonardo, libro edificante e sollazzevole (La bosse philosophique du fascisme et la marche sur la (fondation) Leonardo, livre édifiant et divertissant), 377 pages, Roma, Formiggini, 1923
  • Dizionarietto rompitascabile degli Editori Italiani, compilato da uno dei suddetti. Seconda edizioni con nuovi errori ed aggiunte e con una appendice egocentrica (Petit dictionnaire de poche des Éditeurs Italiens, compilé par l'un des ceux-ci. Seconde édition avec de nouvelles erreurs et des ajouts et un appendice égocentrique), Roma, Formiggini, 1928
  • Venticinque anni dopo. 31 maggio 1908 - 31 maggio 1933 (Vingt-cinq années après. 31 mai 1908 - 31 mai 1935), Roma, Formiggini, 1933
  • Il francobollo per la risposta (Le timbre pour la réponse), Roma, Formiggini, 1936
  • Cicero: « de domo sua » (Cicéron : « hors de sa maison »), Roma, Formiggini, 1937
  • Parole in libertà (Paroles en liberté), Roma, Edizioni Roma, 1945
  • Trenta anni dopo. Storia di una casa editrice (Trente années après. Histoire d'une maison d'éditions), Rieti, Formiggini, 1951
  • Filosofia del ridere (Philosophie du rire). Note ed appunti, Bologna, CLUEB, 1989 – 230 pages

Quelques illustrations

Ces illustrations ont paru avec d'autres en 1908 dans La Secchia (Le Seau), premier livre édité par Formiggini. Le seau en bois représenté ici figure celui que se dispute Modène et Bologne dans le poème parodique d'Alessandro Tassoni La Secchia rapita (Le Seau enlevé) :

Notes et références

  1. Détail du verso d'une carte postale de la série Cartoline parlante éditée par Angelo Fortunato Formiggini. Au nombre des inscriptions apparaît : Biblioteca Circolante (Bibliothèque Mobile). Il s'agit de la Bibliothèque Mobile créée à Rome par Formiggini en 1922.
  2. Illustration pour La Mastèla a l'editòur dl'Armesdanza [archive], texte en dialecte de Bologne écrit par Ettore Bresbi, paru dans La Secchia p.34-35.
  3. a, b, c, d et e Carlotta Padroni L'Editoria italiana del Novecento: Angelo Fortunato Formiggini, la cultura e il risodi, 5. Il tragico destino [archive] (L'Edition italienne du vingtième siècle : Angelo Fortunato Formiggini, la culture et le rire, 5. Le destin tragique)
  4. a et b L'Esperantiste [archive], 30 novembre 1902, page 134, 1re colonne.
  5. a et b Aldo Alessandro Mola, Corda Fratres, Storia di una associazione internazionale studentesca nell'età dei grandi conflitti, 1898-1948 (Corda Fratres, Histoire d'une association internationale étudiante à l'époque des grands conflits, 1898-1948), CLUEB, Bologne 1999, p.77.
  6. Voir par exemple, écrit en dialecte de Modène par Formiggini et publié en 1908 : Al Punt ed Rén [archive] (En italien : Il Ponte di Reno, en français : Le Pont de Reno)
  7. a, b et c L'article Pour protester contre le racisme l'éditeur FORMIGGINI se suicide à Modène [archive], Le Populaire, 10 décembre 1938, p.3, 2e colonne, parle du « dramatique suicide, à Modène, de l'éditeur très connu Angelo Formiggini ».
  8. La damnatio memoriae imposta dal regime fascista sulla figura e l'opera formigginiana ha sortito il suo drammatico effetto, al punto che solo uno sparuto gruppo di adepti, oggi, conosce la vicenda umana e editoriale del modenese. (La damnatio memoriae imposée par le régime fasciste sur la figure et l'œuvre formigginienne a eu son effet dramatique, au point que seul un petit groupe d'adeptes, aujourd'hui, connaît l'histoire humaine et éditoriale du Modénais.) Extrait de : Nicola Bonazzi Ebreo dopo. Angelo Fortunato Formiggini tra utopia e disinganno, Un editore dimenticato [archive] (Juif tardivement. Angelo Fortunato Formiggini entre utopie et désillusion, Un éditeur oublié), sur le site Internet en italien Griselda online, portale di letteratura (Griselda online, portail de la littérature).
  9. Aldo Alessandro Mola opus cité, p.99.
  10. C'est là que se trouve le village homonyme de la famille. Voir à propos de cette localité : Jacques Barzilay, Dictionnaire géographique et descriptif de l'Italie, servant d'itinéraire et de guide aux étrangers..., Truchy éditeur, Paris 1823, page 129 [archive])
  11. Dans une liste de notables juifs publiée dans le Journal de l'Empire du 30 août 1806 on trouve un Formaggini, de Milan, membre du collège électoral des savants, propriétaire terrien en Italie. Voir sur la base Commons la reproduction de l'article faite dans le Journal des débats du 30 août 1906.
  12. a et b Aldo Mola, opus cité, p.79.
  13. a et b Le récit du sauvetage par Formiggini du jeune garçon qui était en train de se noyer dans le fleuve Panaro se trouve dans : Angelo Fortunato Formiggini Preludio autobiografico (Prélude autobiographique) de la La ficozza filosofica del fascismo e la marcia sulla Leonardo (La bosse philosophique du fascisme et la marche sur la (fondation) Leonardo), cité dans : Liceo-Ginnasio « Giuseppe Parini » Milano, Il Liceo « Parini » e la Shoah, Dalle legge antiebraiche del 1938 alla « soluzione finale », Giorno della Memoria 2012 (Lycée-Gymnase « Giuseppe Parini » Milan, Le Lycée « Parini » et la Shoah, Des lois antijuives de 1938 à la « solution finale », Journée de la Mémoire 2012)
  14. a et b Le Pont de Sant'Ambrogio sur la rivière Panaro est un pont historique de Modène construit en 1792 et pourvu de quatre tours. Il est miné et détruit par l'armée allemande le 21 avril 1945. Reconstruit, il ne comporte plus aujourd'hui ses quatre tours.
  15. Aldo Alessandro Mola opus cité, p.18
  16. Voir une carte postale montrant la Casa Formiggini (Maison Formiggini), siège estival de la Corda Fratres à Modène.
  17. Le diplôme de Maître maçon d'Angelo Fortunato Formiggini est reproduit en page d'illustration à gauche de la page 145 du livre d'Aldo Alessandro Mola Corda Fratres, Storia di una associazione internazionale studentesca nell'età dei grandi conflitti, 1898-1948,, CLUEB, Bologne 1999.
  18. Voir La Secchia... en ligne sur Internet. [archive]
  19. a et b Voir la signature Formaggino da Modena dans La Secchia..., p.71. [archive]
  20. On peut le lire en ligne sur Internet : Miscellanea tassoniana di studi storici e letterari, pubblicata nella festa della fossalta, 28 giugno 1908. A cura di Tommaso Casini e di Venceslao Santi. [archive] (Mélange tassonien d'études historiques et littéraires, publié durant la fête de la Fossalta. Sous la direction de Tommaso Casini et Venceslao Santi.)
  21. Eugenio Garin Angelo Fortunato Formiggini, in Balsamo, Cremante, A. F. Formiggini, p.13-30.
  22. Le célèbre dicton romanesco est : er mejo fico der bigonzo, (en italien : il fico migliore riposto nel bigoncio), c'est-à-dire « la meilleure figue dans le bigonzo », récipient dans lequel on met les figues au moment de la récolte. À l'origine la meilleure figue en question faisait référence aux fruits les plus beaux que les paysans malins plaçaient en haut du contenu du bigoncio à la fin de la récolte, pour dissimuler aux acheteurs les fruits de moindre qualité se trouvant en dessous. Avec le temps, l'expression a pris le sens de désigner la meilleure personne, pour son aspect physique, son caractère, son charme, dans un groupe restreint d'individus.
  23. Aldo Mola, opus cité p.131-132.
  24. José de Berys L'Accord interscolaire Franco-Italien [archive], La Nouvelle revue, N° 175 - Quatrième série, tome XLIV - 2e livraison, 42e année, 15 novembre 1919, p.169.
  25. Pierre Laroche Angelo Fortunato Formiggini « Le parti du livre » face au fascisme [archive], p.2.
  26. Archivio Editoriale Formiggini, Vari, Formiggini A. F., autografi e dattiloscritti, doc. n. 41. Cité par Carlotta Padroni L'Editoria italiana del Novecento: Angelo Fortunato Formiggini, cultura formazione e risodi, 4. Angelo Fortunato Formiggini e l'educazione [archive] (L’Édition italienne du vingtième siècle : Angelo Fortunato Formiggini, culture formation et rire, 4. Angelo Fortunato Formiggini et l'education)
  27. Les précisions sur la Biblioteca Circolante fondée par Formiggini sont données par Carlotta Padroni L'Editoria italiana del Novecento: Angelo Fortunato Formiggini, cultura formazione e risodi, 4. Angelo Fortunato Formiggini e l'educazione [archive] (L’Édition italienne du vingtième siècle : Angelo Fortunato Formiggini, culture formation et rire, 4. Angelo Fortunato Formiggini et l'education)
  28. Angelo Fortunato Formiggini a écrit ce commentaire à la main sur la carte postale : meglio a cavallo di un leone che a cavallo delle nuvole... (mieux (vaut) chevaucher un lion que chevaucher les nuages...)
  29. a et b En dialecte romanesco, la ficozza est la bosse qui croît sur la tête suite à un coup reçu.
  30. Formiggini a écrit à la main sur la carte :
    non copiare nessuno ; ridi se ti copiano
    A. F. Formiggini Editore a Roma
    ne copie personne ; ris si on te copie
    A. F. Formiggini Éditeur à Rome
  31. Voir la couverture de la seconde édition du petit dictionnaire de poche des éditeurs italiens édité par Formiggini en 1928 reproduit sur la base Commons.
  32. Ivanoe Bonomi Dal socialismo al fascismio ; La sconfitta del socialismo. La crisi dello stato e del parlamento. Il fascismo. A. F. Formiggini Editore in Roma. Ce livre sera interdit en Roumanie en décembre 1945. Voir l'interdiction officielle de ce livre en Roumanie dans la rubrique Ministerul propagandei, Monitorul Oficial al României, Partea 1, p. 10950, 3e colonne, 15 décembre 1945. Voir la couverture de ce livre.
  33. a et b Extrait de : Angelo Fortunato Formiggini Parole in libertà (Paroles en liberté), Roma, Edizioni Roma, 1945, p.56 :
    Alla benefica assimilazione si era avviati a grandissimi passi: i nuovi eventi l'hanno troncata . Ma questa non è che una pausa, che sarà più o meno lunga, dopo la quale il cammino sarà ripreso di corsa. Tenete presente che lo stesso capo del fascismo ha preveduto una dominazione del suo partito per 150 anni soli. Computando il sofferto, sarebbero 132 anni. Forse potranno essere molto meno. Il Fascismo è un fenomeno strettamente personale. In ogni modo cosa sarebbe un così breve periodo rispetto all'avvenire infinito? I popoli devono essere lungimiranti
  34. Les démarches entreprises par Formiggini pour obtenir ce statut sont détaillées dans le livre de Aldo Alessandro Mola Corda Fratres, Storia di una associazione internazionale studentesca nell'età dei grandi conflitti, 1898-1948, CLUEB, Bologne 1999, p.116-117.
  35. Aldo Mola écrit en 1999 à propos de l'échec des démarches de Formiggini pour obtenir le bénéfice baptisé « discriminazione » : Il regime non era ostile a un ebreo in più, sibbene proprio alla sua inestinguibile capacità di sorriso ; incompatibile con il truce asse Roma-Berlino. (Le régime n'était pas hostile à un Juif de plus, mais plutôt à sa propre capacité inextinguible (à Formiggini) de sourire ; incompatible avec le sinistre axe Rome-Berlin.) Corda Fratres, Storia di una associazione internazionale studentesca nell'età dei grandi conflitti, 1898-1948, CLUEB, Bologne 1999, p.117.
  36. Aldo Alessandro Mola opus cité, p.118
  37. L'essentiel des informations à propos des obsèques d'Angelo Fortunato Formiggini proviennent ici de : Nicola Bonazzi Ebreo dopo. Angelo Fortunato Formiggini tra utopia e disinganno, Un curioso funerale [archive] (Juif tardivement. Angelo Fortunato Formiggini entre utopie et désillusion, Un enterrement curieux) sur le site Internet en italien Griselda online, portale di letteratura (Griselda online, portail de la littérature).
  38. a, b, c et d Les conséquences du racisme [archive], dans Volonté. L'hebdomadaire ["ou" Tri-hebdomadaire] économique et politique de Madagascar, Tamatave 27 mai 1939, p.1, 5e colonne. Voir l'article reproduit sur la base Commons. L'article Quitte ou double... [archive], dans Volonté, du 15 mars 1939, p.2, 2e colonne, parle aussi du suicide de Formiggini. Voir reproduit sur la base Commons l'extrait de cet article, où il parle de Formiggini.
  39. a et b Documents conservés dans la cassetta n. 23, Fondo Formiggini, Archivio familiare Formiggini, presso Biblioteca Estense di Modena. Cités par : .Carlotta Padroni L'Editoria italiana del Novecento: Angelo Fortunato Formiggini, la cultura e il risodi, 5. Il tragico destino [archive] (L'Edition italienne du vingtième siècle : Angelo Fortunato Formiggini, la culture et le rire, 5. Le destin tragique)
  40. Précisions donnée dans une lettre de Serena Calabi Modigliani [archive], fille de Giulio Calabi, publiée dans le Corriere della Sera du 27 septembre 2007.
  41. Le site Internet Griselda online, portale di letteratura [archive] (Griselda online, portail de la littérature) indique une version légèrement différente des propos d'Achille Starace : E' morto da vero ebreo, senza volere nemmeno comprare il veleno per uccidersi (Il est mort comme un vrai Juif, sans même vouloir acheter du poison pour se suicider).
  42. La ficozza filosofica del fascismo e la marcia sulla Leonardo, 1924, p. 17.
  43. Angelo Fortunato Formiggini, Parole in libertà, Edizioni Roma, Roma, 1945, p.17.
  44. À l'époque les deux seuls pays d'Europe où existent une législation officielle antisémite sont l'Empire russe et le royaume de Roumanie.
  45. Article cité par Antonio Castronuovo Un editore di opposizione nell’Italia del fascismo: Angelo Fortunato Formíggini [archive] (Un éditeur de l'opposition dans l'Italie fasciste : Angelo Fortunato Formiggini), sur le site Internet Bibliomanie.it
  46. A. F. Formiggini, La ficozza filosofica del fascismo, Roma, Formiggini Editore, 1924, p. 321.
  47. Il manque cependant dans les archives de Formiggini conservées à la Bibliothèque Estense de Modène un catalogue complet de la bibliothèque. Précisions données par Vittorio Ponzani La biblioteca circolante di Angelo Fortunato Formiggini a Roma. Un esperienza a cavallo tra biblioteca e editoria. (La bibliothèque mobile de Angelo Fortunato Formiggini à Rome. Une expérience entre bibliothèque et édition.)
  48. Voir le site Internet de la Bibliothèque Estense de Modène. [archive]
  49. Filosofia del ridere. Note ed appunti, Bologna, CLUEB 1989
  50. Voir sur le site Internet de l''Istituto di istruzione Superiore « A.F. Formiggini » la biographie en italien d'Angelo Fortunato Formiggini [archive].
  51. Voir une photo de la plaque commémorative. [archive]

Bibliographie

  • La Secchia, contiene sonetti burleschi inediti del Tassoni e molte invenzioni piacevoli e curiose, vagamente illustrate, edite per la famosa festa mutino-bononiense del 31 Maggio mcmviii (Le Seau, contient des sonnets burlesques inédits de Tassoni et beaucoup d'inventions agréables et curieuses, vaguement illustré, édité pour la fameuse fête modéno-bolognaise du 31 mai 1908), ouvrage illustré, avec une préface d'Olindo Guerrini, Modène-Bologne 1908. Première publication faite par Angelo Fortunato Formiggini.
  • Miscellanea tassoniana di studi storici e letterari, pubblicata nella festa della fossalta, 28 giugno 1908. A cura di Tommaso Casini e di Venceslao Santi. (Mélange tassonien d'études historiques et littéraires, publié durant la fête de la Fossalta. Sous la direction de Tommaso Casini et Venceslao Santi.) Deuxième publication faite par Angelo Fortunato Formiggini.
  • L. Cerasi Casa Editrice A.F. Formiggini (1909-1945). Inventario (Maison d'édition A. F. Formiggini (1909-1945). Inventaire) - Catalogue préfacé des archives de la maison d'éditions Formiggini en ligne sur Internet.
  • Mattioli Emilio - Serra Alessandro, Annali delle edizioni Formiggini (Annales des éditions Formiggini) (1908-1938), Modena, Mucchi 1980
  • A. F. Formiggini editore (1878-1938), Mostra documentaria, Biblioteca Estense, Modena, 7 febbraio - 31 maggio 1980 (A. F. Formiggini éditeur (1878-1938), Exposition documentaire, Bibliothèque Estense, Modène, 7 février - 31 mai 1980) Modena, S.T.E.M.- Mucchi, 1980
  • Angelo Fortunato Formiggini un editore del Novecento (Angelo Fortunato Formiggini un éditeur du vingtième siècle), Bologna, Il Mulino, 1981
  • Renzo Cremante, Federigo Tozzi e Angelo Fortunato Formiggini, in « Studi di filologia e critica offerti dagli allievi a Lanfranco Caretti » (Angelo Fortunato Formiggini, in Études de philologie et critique offerts par ses élèves à Lanfranco Caretti), Roma, Salerno, 1985
  • Ernesto Milano, Angelo Fortunato Formiggini, Rimini, Luisè Editore, 1987
  • Giorgio Montecchi, Angelo Fortunato Formiggini, in « Dizionario Biografico degli Italiani » (Angelo Fortunato Formiggini, dans le Dictionnaire Biographique des Italiens), Roma, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1997
  • Giorgio Fabre, L'elenco. Censura fascista, editoria e autori ebrei (La liste. Censure fasciste, édition et auteurs juifs), Torino, Zamorani, 1998
  • Aldo Alessandro Mola, Corda Fratres, Storia di una associazione internazionale studentesca nell'età dei grandi conflitti, 1898-1948 (Corda Fratres, Histoire d'une association internationale étudiante à l'époque des grands conflits, 1898-1948), CLUEB, Bologne 1999
  • Nunzia Manicardi, Formiggini: l'editore ebreo che si suicidò per restare italiano (Formiggini, l'éditeur juif qui s'est suicidé pour rester italien), Modena, Guaraldi, 2001
  • Ugo Berti Arnoaldi, Angelo Fortunato Formiggini, in « Dizionario del fascismo » (Angelo Fortunato Formiggini, dans le Dictionnaire du fascisme), Torino, Einaudi, 2002
  • Antonio Castronuovo, Suicidi d'autore (Les suicides d'auteur), Roma, Stampa Alternativa, 2003
  • Antonio Castronuovo, Libri da ridere. La vita, i libri e il suicidio di Angelo Fortunato Formiggini (Livres pour rire. La vie, les livres et le suicide d'Angelo Fortunato Formiggini), Roma, Stampa Alternativa, 2005
  • AAVV, La cronaca della festa. Omaggio ad Angelo Fortunato Formiggini un secolo dopo. 1908-2008 (La chronique de la fête. Hommage à Angelo Fortunato Formiggini un siècle après. 1908 - 2008), Modena, Artestampa, 2008
  • Margherita Bai (a cura di), Parole in libertà, edizione critica commentata (Sous la direction de Margherita Bai, Paroles en liberté, édition critique commentée), Modena, Artestampa, 2009

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