Quand on rencontre ce qui
apparaît comme « un couple », on en déduit
automatiquement un certain nombre de choses que ce « couple »
est sensé faire et vivre. Et éviter de faire ou vivre. Nous avons
un regard formaté sexuellement. Par exemple nous nous dirons :
« ils sont jeunes et donc font l'amour souvent », ou :
« ils sont heureux donc ils sont fidèles ». Alors que
nous ne savons rien de leur vie intime. Et qu'il existe des couples
qui ne font jamais l'amour et d'autres qui sont plus ou moins
« infidèles », voire libertins. Pour assurer notre
« bonheur », mot qui ne veut pas dire grand chose et est
composé de « bon » et « heure », nous
croyons généralement aussi à des situations formatées. Il
« faudrait » rencontrer « l'amour »... Et si
nous n'y arrivons pas, nous aurons « raté notre vie ».
Alors qu'il existe de multiples façons de la réussir dont beaucoup
n'ont rien de « sexuel ». Notre cerveau est encombré par
une masse de données pas toujours utiles et même des fois carrément
nuisibles, qui prétendent nous indiquer la juste voie à suivre. Et
quand nous n'y arrivons pas, que nous reste-t-il à faire ?
Pleurer sur « notre triste sort » ?
Par exemple : je
connais des familles classiques et visiblement heureuses. Mariées,
avec enfants, beaux, sympathiques, équilibrés... elles ont tout du
visage du bonheur. Très bien et je m'en félicite ! Mais à
côté je rencontre aussi une multitude de personnes qui ont cherché
ce bonheur-là et ne l'ont pas trouvé. Et, arrivés à un âge où
fonder une famille n'est plus réalisable que leur reste-t-il à
faire ? Pleurer sur la dureté de la vie ? Non, la réussir
autrement et c'est parfaitement possible. Par exemple : aimer
son prochain ne nécessite pas de l'épouser. Et être utile aux
autres peut apporter de très grandes satisfactions, de même que par
exemple peindre, dessiner ou méditer.
C'est en cherchant à
formater notre vie que nous la rendons souvent invivable en niant la
recherche de la compréhension des choses et l'originalité de notre
chemin. Il n'est absolument pas certain, par exemple, que nous soyons
tous potentiellement de « bons pères » ou « bonnes
mères » de famille. Il est très possible que certains d'entre
nous ont plus pour « vocation » de rester célibataires.
Que cet état leur convient sans pour autant être des monstres. Et
que s'ils y parviennent ils auraient tort d'avoir des regrets. Dire
ça, c'est déjà déranger beaucoup de personnes qui voudraient que
nous soyons tous des espèces d'êtres identiques.
Quand j'avais vingt-et-un
ans les filles me plaisaient, m'attiraient, mais je n'avais aucun
désir de « faire l'amour ». Ma famille n'a pas apprécié.
M'a manipulé et jeté dans les bras d'une vague copine pour y mettre
« bon ordre ». Je me suis plié à ses diktats. Ça m'a
dérangé durant au moins quarante ans. On m'a formaté. J'ai fini
par me déformater et admettre une très simple vérité : on
peut aimer une agréable et jolie personne sans mélanger les zizis.
Mais d'où vient ce concept aberrant qui prétend que si on aime,
dans certains cas, certaines situations, on doit mélanger les
zizis ?
Les humains ont inventé
l'amour non sexuel, où on peut désirer ou pas mélanger les
zizis, et on ne doit absolument pas le faire. Et
le sexe sans amour, où on peut désirer ou pas mélanger les
zizis, et on doit absolument le faire.
Cette violence contre
leur instinct naturel, les humains l'ont justifié, encensé, imposé
au nom d'un tas d'inventions : des légendes, lois, interdits
obligations, traditions, tabous divers.
On pensera ce qu'on veut
du bon ordre ou pas ou de la légitimité ou pas qui en ressort.
Cependant il paraît sûrement intéressant pour se situer et
comprendre de se poser la question de l'origine de cet état général.
État général qui a d'innombrables conséquences.
La raison du formatage
sexuel des humains est la transmission de l'héritage matériel.
Sans filiation, pas de transmission possible. Dans certaines sociétés
himalayennes les femmes épousent simultanément leur mari et ses
frères. Motif : il y a si peu de terres cultivables qu'on évite
ainsi de trop les diviser par la multiplication des mariages masculins. La
filiation est ainsi réduite : tous les enfants d'une même
épouse et de plusieurs hommes étant considérés comme d'une
filiation certes collective mais unique. C'est paraît-il ainsi que
ça se passe.
Mais comment contrer
l'instinct naturel des humains pour imposer des règles assurant la
transmission de l'héritage ? Trois moyens seront mis en œuvre :
Le sevrage tactile qui va
assurer un conditionnement destiné à durer la vie entière. Dès
l'âge de quatre ans environ, le petit humain n'est plus caressé,
touché, il devient « grand ». Il va se laver et
s'habiller seul. Et rester habillé devant les tiers, etc. Ainsi on
établit une barrière entre « le corps » indocile et
« l'esprit » supérieur à suivre. Esprit qui commandera
par la suite de suivre les règles morales sociétales. Parmi
celles-ci on trouve le fait de devoir cacher « son corps »
ou tout au moins certaines parties de celui-ci, vouées comme par
hasard à la reproduction et donc impliquées dans la transmission
des héritages. Et cet état de choses est d'abord organisé par un
sexe contre l'autre.
Car c'est là
qu'intervient une très ancienne institution créée par les
humains : le patriarcat. Celui-ci assigne à la femme un rôle
inférieur, subordonné. Elle n'est plus pour la tradition
patriarcale la compagne de l'homme, mais juste son objet reproducteur
esclavagé. Dont le travail maternel et domestique imposé n'est ni
reconnu, ni rémunéré. C'est sensé être son devoir et c'est tout.
Pour conforter cette
situation, la réputation qui sera faite à la femme sera celle d'une
personne difficile à contrôler, fausse, menteuse, tentatrice,
pousse au viol, scandaleuse.
Tous ces phénomènes ne
seront pas analysés par la plupart des humains qui suivront leur
conditionnement sans se poser trop de questions. J'observe par
exemple les hommes qui, apercevant maintenant à Paris une très
jolie jeune fille, sont amenés à la considérer non comme un être
humain, mais comme un objet. Ils ne s'interrogent pas sur la barbarie
de leur point de vue. Pour eux, si une jeune fille est très belle,
c'est juste un objet à consommer. Ils ne comprennent pas non plus
quand ledit « objet à consommer » refuse de remplir ce
rôle. Et l'accusent alors de toutes sortes de défauts alors qu'il
s'agit simplement de la plus simple exigence du respect de soi.
Notre société
parisienne qui se vante d'être « évoluée » est très
souvent très éloignée d'une vision équitable et harmonieuse de
l'homme et de la femme. Certes il a été fait des progrès, y
compris heureusement chez beaucoup d'hommes. Mais l'analyse
globale de la situation fait très souvent défaut. Et les contradictions
abondent.
Par exemple j'observais
il y a une vingtaine d'années un groupe d'amis. Parmi eux il y avait
un macho et dragueur puissance dix. Il se comportait avec une très
grande violence morale vis-à-vis d'une jeune fille du groupe.
Celle-ci à un moment-donné pleurait. Les autres personnes faisant
partie du groupe d'amis n'étaient pas particulièrement machos, mais
considéraient la situation comme absolument normale. Aucune n'allait
consoler la jeune fille.
Dans quantité de
situations on voit comme ça de bien braves gens, pas toujours très
intelligents, arrêter de réfléchir. Ainsi à Paris dans les années 1970 : je vois un attroupement près d'une voiture en
stationnement. M'approche et constate que dans la voiture il y a
une dame qui fait un malaise. J'interpelle les présents et leur
dit : « il faut appeler les pompiers. » La réponse
que j'obtiens d'un des présents, je m'en souviendrais toujours :
« mais son mari ne sera peut-être pas d'accord. »
Notre société a évolué
depuis cinquante ans, quand les femmes n'avaient pas le droit
d'ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari. Mais
elle est encore très loin de l'harmonie.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 20 août 2017
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