On dit que les amours
« adolescentes » consistent à se promener la main dans
la main et se faire des bisous. Après s'envolent le charme et la
fraicheur. On est devenu ce qu'on appelle « adulte ». On
est sensé alors chercher la vie à deux, et surtout fini les petits
bisous, il faut « conclure ». Une petite amie à moi me
refusait les bisous en s'exclamant : « je n'ai plus quinze ans
! » Pour elle, l'amour ça devait être du lourd, du
« concret ». Acte sexuel ou cuni, un vrai boulot, mais
pas de bisous.
J'ai été influencé par
l'exécrable culture sexuelle régnante. A partir de l'âge de 22 ans
et durant plus de quarante ans j'ai été un bon petit soldat de la
guerre du cul. Je devais trouver une partenaire sexuelle pour mettre
mon petit oiseau dans le petit trou correspondant. Et cela à partir
du moment où les deux personnes concernées, moi et l'autre, étions
d'accord pour le faire, indépendamment d'un désir effectif, réel
et réciproque. On est jeune, on s'entend pas trop mal, c'est
« techniquement » possible, alors, on y va ! Nous avons
fait les cons avec application. Au cours de ma vie « amoureuse »
j'ai baisé. Je n'ai jamais « fait l'amour ». A présent
j'arrête.
Je cesse de « faire
comme tout le monde », ou essayer de « faire comme tout
le monde ». La baise vous intéresse ? Elle ne m'intéresse
pas. Je ne suis pas concerné. Surtout parce que je sais qu'il n'y
a rien de plus efficace que la baise pour tuer l'amour.
L'amour est un très doux
et beau sentiment. Il est généralement absent dans la relation car
l'homme angoisse. Il veut baiser à tous prix et se rend compte que
l'autre n'est pas vraiment d'accord, voire est carrément contre.
Mais l'homme, drogué aux endorphines masturbationnelles adultes,
cherche en permanence le coït. Et n'arrive pas à se détacher de
cette obsession.
J'ai cessé de me droguer
de la sorte il y a six mois. Et je réalise que je me suis
« adolescentisé ». Si j'aime d'amour quelqu'un je
n'éprouve plus aucun besoin de « conclure ». Les
sentiments suffisent et les bisous éventuels aussi.
Curieusement cette
évolution me fait penser à un propos intraduisible du grand
Bouddha. Il parle de la nécessité de trouver « le non
désir ». Les mots choisis sont ici imparfaits pour traduire
l'intention. Je peux aimer, faire des choses agréables et
sympathiques pour l'être aimé, mais je n'ai aucune revendication
particulière. Et si je rêve, mes rêves sont légers. Je ne suis
pas prisonniers d'eux.
J'ai écrit deux poèmes
d'amour. Je ne les dirai pas à celle qui me les a inspiré. Car je
ne crois pas que dire un poème d'amour à son inspirateur ou
inspiratrice va « séduire ». Je crois plutôt que dire
un poème d'amour peut faire fuir. Ou susciter juste une émotion
esthétique et rien d'autre.
Ces deux poèmes sont
publiés dans ce blog. Ils en sont les numéros 665 et 667.
Si un poème d'amour est
inspiré par quelqu'un et que l'auteur et son inspirateur ou
inspiratrice tombent par la suite dans les bras l'un de l'autre,
alors là, bien entendu le poème peut être communiqué. Sinon il
vaut mieux le lire à d'autres.
Au début des années
1980 je partais dans mon délire sentimental à propos d'une jeune
fille ou une autre et écrivais des poèmes d'amour. Ils ne m'ont
jamais rapproché de la personne inspiratrice. J'ai finit un jour par
arrêter d'en écrire car je les trouvais détachés de la réalité.
C'est dommage, car j'aurais du considérer ces créations comme de
simples objets littéraires sans aucun bonheur à la clé. Mon
interruption d'écriture poétique a ensuite duré des années.
Écrire des poèmes d'amour c'est aussi s'adolescentiser. Je suis
curieux de connaître l'avenir de mon adolescentisation.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 16 octobre 2016
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