Au début de la vie,
l'être humain n'a pas dans sa conscience le sentiment d'existence
d'un domaine spécial, coupable et particulier : la « sexualité ».
Un petit enfant nu ne se
sent pas « nu » au sens malaise, besoin de dissimuler son
apparence à autrui. Il se touche pour le plaisir sans éprouver de
gêne ou de complaisance exhibitionniste si d'autres sont présents
et le regardent. Puis, il réalise que les grandes personnes
affectent d'étranges comportements. En particulier, ils se cachent
et l'invitent à se cacher. Tout particulièrement à cacher certains
endroits de l'épiderme. Ces mêmes endroits qu'il est interdit
finalement de toucher, se toucher, tout particulièrement si des
« étrangers » sont là. Par exemple, les seins, ces
organes féminins nourrisseurs, défense d'y toucher ! J'ai vu
plusieurs fois dans des lieux publics à Paris des dames repousser
leurs petits enfants sevrés qui cherchaient à mettre la main dans
leur corsage.
Quand j'avais cinq ans,
en colonie de vacances au bord du lac d'Aiguebelette en Savoie, je
m'étonnais devoir porter une culotte de bain. Je demandais le motif
de cet étrange accoutrement public. D'autant plus incompréhensible
qu'une fois mouillée, porter cette chose qui ne servait visiblement
à rien devenait parfaitement désagréable. « C'est pour
l'hygiène » me répondit-on fort hypocritement. J'acceptais la
validité du motif. J'ai vu un jour, dans les années 1980, sur une
plage en bord de mer, un petit garçon de deux ans portant un slip de
bain mouillé l'ôter spontanément et le jeter par terre avec
dégoût. Il n'avait pas encore été propagandé comme moi à l'âge
de cinq ans.
Petit, on cherche à
imiter les « grands ». On se laisse bourrer la tête. On
accepte qu'il existe un état particulier, baptisé « nudité »,
qui connait ses contraintes particulières et ses diktats impératifs.
On nous apprend à avoir honte de nous, d'être vu « nu »
et tout particulièrement d'avoir honte d'une partie de nous : le
sexe. Il faut absolument le dissimuler à autrui. Ainsi que d'autres
parties de ce qu'on nous a appris aussi être « le corps »,
c'est-à-dire en fait nous-même.
Les vêtements sont
détournés de leur rôle protecteur utile pour servir à la
dissimulation. Le comble du ridicule étant atteint par les
« vêtements de bain », surtout quand ils sont très
petits !
On nous apprend et
conditionne à l'idée qu'il existe un état spécial : « nu »,
défini comme sans vêtements. L'état naturel étant sensé être
avec des vêtements. Pourtant, nous ne naissons pas avec un slip ! On
nous invente la « nudité ». Celle-ci est à cacher, donc
elle est honteuse, pourquoi ? On ne le sait pas vraiment, alors on
culpabilise, car on a honte sans raison. En quelque sorte la honte
est tellement absurde et forte, institutionnelle, qu'on a « honte
de la honte ».
La nudité, en fait
l'état naturel, devient pour nous hyper-érotisée par la suite.
Entre-temps, des années ont passé. Après la libre très petite
enfante a succédé une période de plusieurs années où la
sensualité est bridée, endormie artificiellement, réprimée. Cet
état artificiel est baptisé « période de latence » par
certains spécialistes. On voit dissimuler son caractère culturel et
artificiel derrière la prétention à lui trouver une origine
naturelle.
Arrive un moment de la
vie où on va « réveiller » artificiellement de son
sommeil artificiel la sensualité, rebaptisée « sexualité »
et orientée vers la reproduction et la sexolâtrie. L'acte sexuel
deviendra l'objectif, l'idée fixe inculquée aux jeunes. Ils seront
baptisés « adolescents », une étape de la vie qu'on ne
trouve nulle part dans la Nature. Parle-t-on d'éléphants ou
d'orang-outan adolescents ? Non, jamais, seuls les humains ont le
droit à cette étape imaginaire, quelquefois depuis quelques années
précédée d'une autre étape toute aussi imaginaire : la
« pré-adolescence ».
Vers l'âge de douze,
treize, quatorze, quinze ans on va réveiller la sensualité. Mais
dans quelle orientation ! Hyper-érotisation de la nudité,
masturbations frénétiques et répétées, culpabilité
incompréhensible et écrasante. Sans compter un analphabétisme
tactile fruit d'années et années où toutes les caresses sont en
général prohibées, car classées « sexuelles ». Le
résultat sera une inconduite incroyable des garçons à l'égard des
filles. Ils ne penseront qu'au trou. Et l'envahissement de la
pornographie via Internet n'a certainement pas arrangé les choses.
Le conditionnement reçu
fera de la recherche de l'acte sexuel une idée fixe, détachée du
désir authentique. Dès que c'est « techniquement possible »,
hop ! allons-y ! Un ami quinqua me disait, dégoûté, parlant de la
jeunesse : « c'est la génération capote ». T'as une
capote sur toi, allons-y !
Les dragueurs
« professionnels » sont l'expression-même de cette
misère relationnelle. Ils n'arrivent pas à apprécier leurs
partenaires résumés à un trou ou une queue. Ils sont des
« messieurs-dames vingt centimètres »... l'étendue de
peau et muqueuse concernée par leurs « caresses » se
résumant à vingt centimètres carrés, alors qu'un être humain en
compte deux mètres carrés. La prohibition culpabilisation de la
« nudité » s'accompagne de deux prétentions absurdes :
la sexualisation de l'érection. Soi-disant celle-ci correspond à
l'envie de baiser. Alors qu'elle survient en de multiples occasions
sans qu'il ait désir véritable et authentique. Et la prohibition de
l'écartement des cuisses chez les femmes et même les petites filles
nues, considéré comme « sexuel » et obscène ! Un ami
naturiste m'a raconté avoir vu un jour une mère de famille
naturiste engueuler sa petite fille parce que nue au bord d'une
piscine elle écartait les cuisses ! On vire à l'obsession perverse
et maladive.
La vue seule du sexe est
baptisée « sexuelle ». Frustrés visuellement, ne voyant
pas de nudités, quantité de gens passent le temps à se gorger de
pornographie.
La pornographie est un
produit commercial. Qui prétend abusivement que l'acte sexuel - et
trois ou quatre bricoles annexes, tels que la fellation ou le bisou
sur la bouche avec la langue, - représentent le but impératif à
atteindre en permanence de l'âge de quatorze à quatre-vingt ans !
Absurde et démolissante ânerie ! La relation humaine est infiniment
plus vaste et belle que ces seuls petits exercices qui ne sont
justifiés que quand ils relèvent d'un désir véritable et
réciproque. Et pas d'une mise en scène et un conditionnement
culturels fruit de siècles de frustration organisée.
Les personnes qui
n'arrivent pas à se détacher de cette obnubilation qui résume la
relation à quelques minutes d'accouplement glissent insensiblement
vers le sadisme. Il peut être passif et consister, par exemple, à
se repaître de récits d'atrocités commises par d'autres. On fait
du voyeurisme sadique parce qu'on n'a pas réussi à régler son
compte à sa sexualité artificielle et perpétuellement frustrée,
car à la recherche d'une chose qui n'existe pas : l'épanouissement
sexuel en permanence et à tous prix. La vie est plus vaste que cette
gymnastique en chambre à laquelle notre société prétend très
souvent nous résumer. J'ai même lu un jour que : « l'acte
sexuel est la plus belle façon de communiquer ». J'aurais aimé demander : « même quand il s'agit d'un viol ? ».
Si j'en relève les
faiblesses, je ne prône pas pour autant des changements de société,
mais cherche à trouver des remèdes pour réduire la nuisance de
celle-ci. La société accorde un sens précis, une signification à
la nudité ? Desérotisons-la ! Comment ? En étant nu le plus
souvent possible. Sans pour autant le faire en public, sauf dans un
cadre naturiste légalisé. Une fois qu'on est resté nu très
souvent, en écrivant, répondant au téléphone, classant des
papiers, rangeant la maison, passant l'aspirateur, préparant la
cuisine, etc. Toutes situations absolument pas érotiques, au bout
d'un certain nombre de mois, la nudité perd son caractère érotique,
lié à la sexualité. De plus, on a moins froid, car les vêtements
nous fragilisent quand ils sont portés sans raison valable,
simplement par mauvaise habitude. Et si nu on a froid on peut mettre
juste une veste, pas besoin de mettre de culotte. L'amour a de la
peine à s'exprimer, être vécu, est contrarié par la sexualité
artificielle qui nous envahit ? Oublions-là !
Basile, philosophe
naïf, Paris le 28 février 2015
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