jeudi 12 février 2015

347 J'ai fait l'amour avec une inconnue en public dans le métro parisien

La plus grande tare, le plus grand défaut de notre Culture, qui a des conséquences horribles et catastrophiques, c'est le concept de sexualité automatique. Dans certaines circonstances, certaines situations, il y aurait obligation de « faire l'amour », ce serait « sexuel ». Cette conception insensée et monstrueuse a des conséquences multiples et ridicules. Par exemple, la vue de l'être humain tel qu'il est est assimilée à un état particulier : la « nudité ». Celle-ci est prohibée, coupable et condamnée. Gustave Courbet a réalisé un tableau baptisé ironiquement « L'Origine du monde » qui montre simplement un sexe de femme. En 2014, la ville natale du peintre a souhaité voir éditer par la poste française un timbre à l'effigie du célèbre tableau. Refus offensé de l'administration postale. Pourtant cette image ne montre rien de directement pornographique, un accouplement humain, par exemple. Non, le sexe de la femme est par définition un scandale. Bienvenue chez les Papous ! Et encore, j'ignore si les Papous sont frileux au point d'empêcher de laisser voir un organe sexuel féminin.

Mais, une femme sans sexe n'existe pas ! La femme, s'il faut la cacher, serait-elle alors, par définition, un scandale, une ordure à cacher pour cause d'indécence ?

Certes, on sait qu'il existe des sortes de « réserves indiennes », de lieux spéciaux, où en France on a le droit d'aller nu y compris devant des inconnus. On appelle ces endroits des « camps naturistes ». Mais, là aussi, on trouve des interdits visuels qui ne sont pas écrits. Défense de prendre des photos des inconnus nus ! Les femmes, les gamines et les petites filles sont priées d'éviter d'écarter les jambes en public ! Un homme ne doit jamais bander... Et, de retour de vacances, pas question de montrer des photos souvenirs aux non naturistes ! Résultat, quantité d'enfants de naturistes vont préférer aller ailleurs que là où on est tout nu, pour pouvoir montrer leurs photos de vacances aux copains. Arrivés à l'âge où ils commencent à être à même de procréer, les jeunes hommes bandent avec beaucoup de facilités et sans contrôler cette réaction réflexe. Résultat, vers l'âge de 13, 14, 15 ans, les garçons vont souvent fuir les vacances naturistes. Bander est une honte absolue. Chez les Naturistes, il est recommandé de ne jamais se séparer de sa serviette. Officiellement pour s'asseoir. Mais aussi pour cacher les « accidents », entendez, les zizis masculins qui saluent avec enthousiasme la beauté féminine qui passe.

A l'origine « faire l'amour » signifiait « faire la cour ». Avec le temps, ça a pris le sens de s'accoupler. On a inventé le concept d'amour physique. Soi-disant l'amour se concrétise, doit mener à l'acte sexuel. Ce qui amène par centaines de millions, voire par milliards, les hommes à croire qu'ils doivent faire un usage intensif de leur engin dès qu'un trou féminin accueillant se présente. Noirâtre et insondable imbécillité ! Qui m'a moi aussi influencé durant de trop longues années !

Ce que nous devons rechercher, ça n'est pas de remporter le championnat du monde de bouchage de trous féminins. Le plus grand nombre de trous bouchés le plus vite possible... mais l'accord avec l'autre.

Je propose de donner un autre sens à l'expression « faire l'amour ». Dorénavant, ça voudra dire : « se sentir en accord avec quelqu'un, voire même une chose, un animal, une situation ». Hier, j'étais assis dans le métro. C'était mercredi et dimanche arrive le Carnaval de Paris que j'organise. Devant moi à droite était assis une personne à laquelle je n'ai pas fait attention. Deux jeunes filles arrivent. L'une s'assoit à ma droite, l'autre en face de moi. Elles commencent à bavarder ensemble. Je suis tenté de sortir le tract du Carnaval que j'ai dans mon sac et leur donner. Mais, je me dis : « doucement, elles m'ignorent complètement. Je n'ai aucune raison particulière de leur sortir mon tract. » Certes, je sais que les femmes, surtout jeunes et jolies, sont amenées à Paris à feindre d'ignorer les hommes dans les lieux publics, pour éviter de se faire enquiquiner par des connards.

A un moment-donné, la personne assise à droite devant moi se lève et s'en va. Et la jeune fille assise à ma droite se met à sa place. Ainsi, les deux jeunes filles sont à présents assises face à moi, l'une à côté de l'autre. Celle qui est devant moi continue à m'ignorer complètement. L'autre, au contraire, je l'observe, me regarde à trois reprises. Puis, une quatrième fois par un balayage oculaire. C'est une technique courante des femmes pour regarder les hommes sans paraître trop le faire. Toujours pour éviter de se faire enquiquiner par les connards. Je me dis alors : « cette jeune fille va visiblement vers moi. Si elle me regarde une cinquième fois, je sors mon tract ! » C'est ce qui est arrivé.

J'ai aussitôt dérangé la conversation des deux jeunes filles, en m'excusant, bien sûr. Ai donné à chacune d'elle mon tract et leur ai parlé du Carnaval. Elles m'ont écouté avec attention et remercié. La jeune fille qui m'avait regardé à cinq reprises m'a regardé avec amour. C'est ainsi que je défini son regard, sans tomber dans le délire absurde des imbéciles. Nous avons été en accord durant le temps bref de trois stations de métro. Nous avons fait l'amour, au sens nouveau que je donne à cette expression. Puis je les ai quitté et suis descendu de la rame de métro pour poursuivre mon chemin.

Ainsi, l'accord entre plusieurs êtres ou un être et une chose, un animal, une situation, c'est de l'amour.

Basile, philosophe naïf, Paris le 12 février 2015

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