Dire que « la
Nature » existe et existe aussi en l'homme est un propos qui ne
choque pas particulièrement, étant donné que ceux et celles qui
entendent ce propos se positionnent en tant qu'eux-mêmes...
différents de la Nature. Qui commentent celle-ci. Un peu à la façon
d'un individu qui, au sommet d'une montagne, commenterait la plaine
tout en bas et dirait : « bien sûr, la montagne fait partie de
la plaine... » Mais, implicitement et d'évidence, la
montagne... bien que faisant partie de la plaine est sous-entendu
être bien autre chose qu'elle. Il en est de même de l'homme
discourant sur « la Nature » à laquelle il
appartiendrait... mais, pas tout à fait et en fait pas du tout. La
pensée est très souvent bornée par certains concepts sous-jacents
au discours. Au nombre de ceux-ci, celui consistant à décréter que
l'homme ne fait pas partie du monde. Il y a le monde et
l'homme. La Nature et
l'homme. L'évolution et l'homme, etc.
C'est ainsi qu'on en
vient à des concepts absurdes comme : « la conquête de
l'espace » très à la mode au début des explorations
spatiales des années 1960. Un concept qui fait penser à un puceron
arrivant sur une plage de l'océan pacifique et se disant : « à
présent, partons à la conquête de l'océan ! » Prétention
risible, tout comme : « quelle Terre léguerons-nous à nos
enfants ? » Comme si la Terre nous appartenait.
Les humains ont beaucoup
de difficultés à appréhender leur appartenance à « la
Nature » et leur dénaturation d'origine culturelle et
industrielle.
Souvent, les humains
n'acceptent de reconnaître leur animalité que pour la stigmatiser,
quand elle éclate dans des moments de violence, passion, panique,
fureur... d'où la mauvaise presse de la Nature en l'homme. On parle
de se conduire « comme une bête » quand on tue, mords,
frappe, viole... Pas quand on caresse, embrasse, soutient, aide
l'autre. D'une façon générale, l'homme refuse de regarder le singe
dont il aperçoit l'image dans la glace quand il se regarde dedans.
Singe il est. Mais il a tellement peur de se reconnaître comme tel,
qu'il multiplie les raisonnements destinés à nier cette évidente
et dérangeante réalité. Singe dénaturé il refuse de se voir
autrement qu'idéalisé ou, à l'inverse, présenté de manière très
défavorable.
Une image qui montre
l'ampleur du trouble que peut créer la dénaturation m'a beaucoup
frappé. Des ornithologues américains ont ceint la tête d'un petit
oiseau avec une étroite bande de tissu de couleurs. Puis, ils l'ont
laissé retourner à son nid où se trouvait sa compagne. Celle-ci,
avisant le bandeau, ne l'a pas reconnu et chassé à coups de bec !
L'homme est souvent
vis-à-vis de l'homme comme ce malheureux oiseau chassé à coups de
bec par sa compagne qui ne l'a pas reconnu, à cause de ce bandeau de
tissu bien visible qu'il porte sur sa tête. Et dont il ne réalise
pas la présence, l'importance et le rôle. Sinon il
l'arracherait.
Nous allons vers l'autre et ne sommes pas reconnu. Quelle est la source de ce trouble ?
Notre bandeau à nous est un comportement que nous affectons et qui en fait nous est étranger.
J'ai mis très longtemps à l'identifier.
Nous allons vers l'autre et ne sommes pas reconnu. Quelle est la source de ce trouble ?
Notre bandeau à nous est un comportement que nous affectons et qui en fait nous est étranger.
J'ai mis très longtemps à l'identifier.
L'homme, croyant guider,
maitriser, orienter ce qu'il a pris l'habitude d'appeler « la
chair » ou « la sexualité » met sa conscience sans
dessus dessous.
Il s'applique avec
constance et efficacité à détruire équilibre et harmonie en lui
et autour de lui. Comment ? Très simplement. Il croit, de bonne foi,
que « le sexe » est une espèce de produit de
consommation, à consommer ou chercher à consommer obligatoirement
dans certaines circonstances données. Résultat, il devient comme
l'oiseau au bandeau de tissu. Son comportement absurde, avide et
dénaturé le rend étranger à lui-même et à celui ou celle qu'il convoite
stupidement.
Toute sa gestuelle sexuelle va être déformée, sa conscience bouleversée. Il ne comprends plus où il en est et ce qu'il fait. Rejetant la faute sur « l'autre » il le déclarera « incompréhensible ». Incompréhensible pourquoi ? Parce qu'il ne suit pas automatiquement ses désirs malades et frelatés.
Toute sa gestuelle sexuelle va être déformée, sa conscience bouleversée. Il ne comprends plus où il en est et ce qu'il fait. Rejetant la faute sur « l'autre » il le déclarera « incompréhensible ». Incompréhensible pourquoi ? Parce qu'il ne suit pas automatiquement ses désirs malades et frelatés.
Croyant se gagner la
position la meilleure et la plus confortable, l'homme se perd et
égare sa ou son ou ses partenaires éventuels ou souhaités.
Il en vient à de
terribles carences affectives qu'il subit, recherche sans le réaliser
et inflige aux autres.
Ce qu'il appelle « le
sexe » devient également de manière sensible insatisfaisant,
déséquilibré, peu intéressant, décevant, voire carrément
écœurant et insensé, c'est-à-dire dépourvu de sens.
Quantité de personnes
finissent par préférer la solitude affective à l'affectivité
dérangée et traumatisante. La tranquillité devient la chose la
plus souhaitée et appréciée, jointe à des regrets théoriques de
choses qu'on a cru avoir raté. Une réalisation de « fantasmes »
qui, en fait, sont étrangers à la réalité.
N'étant pas accueilli et
ne sachant aller vers l'autre, l'humain, oiseau à bandeau, imagine
un monde irréel et des partenaires rêvés relevant du fantastique.
Il s'invente un monde de fantasmes où il croit pouvoir vivre un
jour. L'étrangeté de ce monde fait qu'il cherche le « sésame
ouvre-toi » magique qui lui permettra d'y entrer.
J'ai ainsi vu des jeunes
femmes, y compris très jolies, se saouler pour espérer rencontrer
un « sexe » rêvé, fabuleux et affabulé. Croyant que
leur « problème » était l'excès de « défenses »,
elles les abolissaient par la soulerie et les risques qui vont avec.
Ne comprenant pas le
caractère et les causes de la souffrance réelle ou auto-suggérée
dans le domaine de « l'amour » et du « sexe »,
les humains glissent dans un monde imaginaire. La masse des gens du
sexe opposé devient le Paradis ou l'Enfer. Soit elle est
merveilleuse et va assurer leur bonheur. Soit elle est affreuse et
cause leur malheur. Et, se détachant de ces raisonnements de bases
sommes toutes assez courants, surgit le mythe de l'être unique et
idéal qu'on rêve de rencontrer.
Quand le rêve reste
inaccessible, on va chercher à compenser la fringale amoureuse avec
des drogues matérielles. Le spirituel est insatisfaisant ?
Réjouissons-nous avec du matériel : argent, pouvoir, prostitution,
célébrité... Et surtout violence contre soi ou contre les autres.
A force de chercher l'introuvable et d'ignorer le bandeau d'oiseau
qu'il porte sur sa tête, quantité d'humains deviennent des sortes
de zombies en carence affective et incapables y compris de tirer du
plaisir de relations sexuelles sommaires, avec eux-mêmes,
c'est-à-dire avec la masturbation, ou avec d'autres.
Quand on arrive à se
débarrasser du parasitage des fantasmes, survient une période très
désagréable et déstabilisante suscitée par le trouble causé par
la perte des fantasmes. On se désintoxique, on dessaoule et souffre
de troubles de la « déprogrammation ». Il faut trouver
son équilibre... et sa maîtrise, et aussi celle des « silences »
et de la « lenteur », de la phrase, de la « répétition »
et du ton exact à trouver. C'est comme une musique de la vie à
laquelle il faut accéder pour s'émanciper du troublant désordre
habituel. Jeter son « bandeau d'oiseau ». Aller de
l'avant et découvrir la vraie vie.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 2 février 2015
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