Je
remercie Monsieur le Maire, Madame la Première adjointe, et la
municipalité de Pujols pour leur généreuse invitation. Et pour le
très grand honneur qui m'est fait de me choisir pour parrainer ce
lieu unique au monde : la Maison du Jouet Rustique. Je
remercie aussi Daniel Descomps pour avoir proposé mon parrainage.
Lui et moi développons nos efforts, chacun de notre côté, à
Pujols et Paris, dans le même but : le bonheur ludique des peuples.
Pour illustrer mon propos, je vais vous parler brièvement de
la base oubliée du grand Carnaval de Paris : le mouvement des
goguettes. Sommairement, une goguette, c'est un petit
groupe de personnes qui viennent chanter ensemble.
J'ai
compris, au bout de 18 ans de recherches, que les goguettes
étaient
la base de la fête vivante et populaire en France. De célèbres
chansons ou comptines françaises
viennent des goguettes, comme : Frère
Jacques, Dansons la Capucine, Ma Normandie, Le Temps des cerises,
L'Internationale, Turlututu chapeau pointu, Fanfan la Tulipe, l'air
du Carnaval de Dunkerque.
Les goguettes formaient jadis un très prospère mouvement de masses.
On en rencontrait partout. Par exemple, savez-vous qu'aux
obsèques de Victor Hugo en 1884, la participation d'une goguette –
celle
des Béni-Bouffe-Toujours, –
fut très remarquée ? Des goguettes, il
y en avait des milliers –
dont des centaines à Paris, –
et d'autres ailleurs, jusque dans les petits villages. Les livres
d'Histoire officielle n'en parlent pas. Certains auteurs les
mentionnent uniquement comme des lieux d'opposition républicaine au
régime royal ou impérial. En fait, la plupart des goguettes
n'avaient aucune orientation politique. D'autres auteurs réduisent
les goguettes à des préfigurations des cafés-concerts, qui
auraient pris ensuite leur place. Et beaucoup déclarent, en niant la
réalité, que les goguettes ont disparu vers 1851, interdites sous
le Second Empire. Cette fable fut inventée par des Républicains
après la chute du Second Empire. Ils le chargeaient de tous les maux
possibles. Et cherchaient ainsi à valoriser la Troisième
République.
En
quoi consiste une goguette ? C'est un groupe traditionnel, convivial,
libre, bénévole, ludique et gratuit. Qui se réunit ponctuellement
pour partager des plaisirs simples. Boire, manger, converser,
rigoler, danser. Et surtout : chanter des chansons. Il ne coûte rien
financièrement. Il peut également s'appeler autrement que goguette,
par exemple : société lyrique, société des amis réunis,
société bachique et chantante, société chansonnière, dîner
chantant, société philanthropique et carnavalesque, etc. Ce
groupe doit rester petit. Pour être viable, il doit compter au plus
19 participants. Cette question du nombre est cruciale. Si on arrive
à 20, on constate que ça ne fonctionne plus pareil. On atteint une
sorte de masse critique. Quand cette masse critique est dépassée,
de nouveaux problèmes arrivent. Et créent des dissensions parmi les
membres. C'est presque toujours l'échec assuré à moyen terme.
Ce
phénomène a causé la disparition de pratiquement toutes les
goguettes. Voyons comment ça s'est passé. En France, jadis, une loi
frappait d'une lourde amende les associations regroupant sans
autorisation plus de 19 personnes. Comme on le verra, cette loi
répressive, sans que
ce soit son but, protégeait en fait les goguettes. À Paris, pour
éviter l'amende, les goguettes comptaient au plus 19 participants.
En 1835, un procès fut intenté à la goguette
de l'Enfer qui
avait outrepassé le nombre de 19. Dans cette goguette parisienne,
les membres avaient pour sobriquets des noms de démons. Ce procès
fit jurisprudence. Il établit que si la
réunion avait pour seul but de « boire et chanter », le
nombre de participants autorisé pouvait dépasser 19. Alors, les
goguettes commencèrent à dépasser 19 participants. Perdirent leur
fonctionnement chaleureux, amical, fraternel, familial. Connurent des
dissensions internes, des ambitions de commandements, des parasitages
divers. Elles voulurent des moyens, de l'argent, des locaux. La
politique s'en mêla. Ce fut une fuite en avant. Les goguettes
s'affaiblirent. Reculèrent. Disparurent. Et furent oubliées. Ce
processus a pris des décennies. Seules les goguettes de Dunkerque et
des villes alentours résistèrent. Pourquoi ? Parce qu'à l'origine
Dunkerque est une ville de marins-pêcheurs allant pêcher, chaque
année, la morue au large de l'Islande et de Terre-Neuve. Cette pêche
se pratiquait avec des lougres. Qui
étaient de petits bateaux à voiles,
montés par des équipages de 12 hommes. Les goguettes de Dunkerque
et des villes alentours étaient à l'origine des goguettes de
marins-pêcheurs. Traditionnellement, elles étaient
– et sont encore aujourd'hui, sauf trois ou
quatre, – de la
taille des équipages morutiers dunkerquois. Résultat : à Dunkerque
– et dans les villes
alentours, – il y a
toujours un formidable et très chantant Carnaval. Ailleurs en
France, presque partout, les goguettes ont disparu. Et le Carnaval a
disparu.
À
Paris, j'ai fait renaître le Carnaval. Et à présent, que faire
pour rétablir la tradition des goguettes d'avant 1835 ? Donner
l'exemple. Dans ce but –
et pour s'offrir des moments festifs partagés, –
depuis mars 2014, je crée une nouvelle goguette parisienne. Nous
sommes à présent 12 très motivés, dont un guitariste. Notre
goguette n'a ni cartes d'adhérents, ni cotisations, ni bureau, ni
statuts déposés. N'a même pas de nom. Elle fonctionne très bien.
Se réunit une fois par mois. Et espère faire école. Nous pourrons
aussi un jour nous équiper avec une percussion et des jouets
rustiques : des mirlitons ou
bigophones. Qui sont
des sortes de mirlitons
améliorés. Nous
renouerons ainsi avec une grande tradition qui voyait –
à partir des années 1880, et durant 60 ans, –
des centaines, puis des milliers de goguettes
organisées en fanfares bigophoniques
dans toute la France. Et des milliers d'autres de par le monde, comme
aux États-Unis, où il en existait notamment des centaines montées
sur bicyclettes.
L'oubli
du mouvement des goguettes à Paris rend difficile sa renaissance
dans la capitale. Renaissance qui pourrait démarrer plus facilement
ailleurs. Et ensuite gagner Paris, en venant par exemple de Pujols,
où mon appel serait plus facilement entendu et suivi. En faisant
goguette – tout en
nous amusant, – nous
faisons reculer un des plus grands fléaux de notre temps : le
sentiment de solitude. Dont souffrent un grand nombre de gens –
de tous les âges, et toutes les conditions sociales, –
habitant aussi bien en ville qu'à la campagne. Nous pourrons
également suggérer à des enfants de créer leurs goguettes. Qui
les fera grandir, créer et s'amuser. Je suis prêt à apporter
bénévolement mon aide à tous ceux qui souhaiteraient créer des
goguettes. Pour vivre heureux, il nous faut beaucoup de jouets, et
aussi beaucoup de goguettes. Je rêve qu'il y ait un jour des
millions de goguettes dans le monde. Que la société soit
réorganisée sur une base ludique, optimiste et festive. J'aimerais
que mon appel soit historique en ce sens. Et contribue à ce
changement. Mon amie Alexandra – qui
en 2010 à Asnières-sur-Seine avait créé une goguette, –
me disait : « avant de faire une chose, il faut commencer par
la rêver. »
On
doit insister sur le fait que la Maison
du Jouet Rustique
se veut une référence en ce qui concerne le Jouet rustique. Mais
qu'elle n'en reste pas moins avant tout un lieu ludique et festif.
Par les diverses animations dont elle sera le centre, par exemple :
le lieu de rencontre de futures goguettes. Mes
22 ans de recherches – et combats pacifiques, – pour la
renaissance du Carnaval de Paris vont aussi servir à
l'épanouissement de la joie partagée à Pujols. C'est
clair : jouons la synergie ! Si
demain à Pujols, autour de la Maison
du Jouet Rustique,
naissent par exemple rien que quatre goguettes. Nous aurons ainsi au
moins une soixantaine de fêtards organisés. Alors, la physionomie,
l'atmosphère de la ville chantera. Et changera. Le dimanche
après-midi, quelques goguettes vont se promener en ville... imaginez
le tableau ! Quand il y a les touristes, c'est le succès assuré. Ça
pourra même en faire venir en plus. En associer aussi. Qu'ils
aillent essaimer après en rentrant chez eux. Organisent d'autres
goguettes ailleurs. Et,
en dehors de la saison, grâce aux goguettes, l'animation de Pujols
continue toute l'année. Des goguettes pujolaises
participent à toutes les fêtes et animations. Que ce soit pour un
mariage, des fiançailles, un anniversaire, une naissance, un départ
en retraite... ou le Carnaval. J'espère
vous avoir montré en quoi et comment se rejoignent dans un même but
: la
Maison du Jouet Rustique
de Pujols et le Carnaval de Paris. Je vous invite à prendre des
initiatives. À
créer des goguettes. Pour
croquer la vie à pleines dents. Sans dépenser un sou. Librement
vous amuser. Et que vivent la Joie et la Chanson. Je vous remercie
pour votre attention. Et à présent ! Nous allons passer à la
pratique ! Daniel Descomps va vous distribuer des mirlitons
! Qu'il a fabriqué pour vous ! Jouons ensemble et amusons-nous tous
joyeusement !!!
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