La Vérité est une, mais
les chemins qui y conduisent et l'angle de vue pour la voir varient
selon les gens. Si un moineau dit que l'arbre est grand et l'éléphant
dit du même arbre qu'il est de taille moyenne, ils ont tous les deux
raisons. La Vérité n'est pas directement transmissible par la
parole ou l'écrit. Car elle est à la fois extraordinairement simple
et complexe.
On peut comparer la
Vérité à la mer. Si vous habitez Paris et n'avez jamais vu la mer,
je peux vous expliquer quantité de choses et vous donner quantité
de précisions sur elle. Je peux aussi vous expliquer quel chemin
vous pouvez prendre pour aller la voir. Mais ce ne sont pas mes mots
qui vous permettront de vous faire une idée juste et exacte de ce à
quoi sa vue ressemble.
La Vérité ne peut pas
non plus être définie. Pouvez-vous définir le goût du sucre ?
Non, bien que ce goût peut être ressenti. Les mots eux-mêmes sont
traîtres et biaisés. Si je dis, par exemple, que la Vérité
consiste entre autres à aimer son prochain, ces mots signifieront
quantité de choses diverses et différentes suivant les oreilles qui
m'entendront.
La Vérité est à la
fois très simple : la mer est une étendue d'eau jusqu'à l'horizon.
Et complexe, car elle, sa vue, va soulever en nous quantité d'échos
qui sont inexprimables indéfinissables... avant notre naissance,
n'avons-nous pas vécu plusieurs mois dans un milieu aquatique, par
exemple ? Toutes sortes de choses vont s'éveiller en nous au
contact, à la vue de la mer. Inutile et vain serait de tenter de
tout analyser, synthétiser, résumer... c'est impossible.
La Vérité est telle
qu'il arrive aussi qu'à trop la chercher on s'en éloigne, on
s'égare. Le monde est rempli de chercheurs que leur excès de
recherches, d'empressement à vouloir trouver a conduit dans des
délires, des impasses. Et aussi parfois à être égaré par des
imposteurs. Je pense, par exemple, ici, aux charlatans qu'on peut
rencontrer dans les sectes ou dans le milieu de la politique.
On ne saurait dire :
« j'ai trouvé la Vérité », mais « il me
semble que j'ai compris quelque chose que je ne comprenais pas
jusqu'à aujourd'hui ». Et demain ? Je poursuivrais ma route et
découvrirais encore un peu plus ce que j'ignore. Et cherche sans en
connaître par avance le contenu.
Le chat qui dort connait
la Vérité, mais il ne sait pas qu'il la connait. Il la vit, tout
simplement. Ce qu'il faut, c'est vivre la Vérité. Ce qui nous
arrive par moments. La méconnaissance de la Vérité consiste très
souvent à se poser de faux problèmes et chercher les réponses à
des fausses questions.
A-t-on besoin de
connaître le nombre précis de cheveux qu'on a sur sa tête ?
Certaines questions
dissimulent un malaise ou une autre question ? Ainsi la question :
« quel est le sens de la vie ? » dissimule en fait la
question : « pourquoi meurt-on ? » Car « le sens de
la vie » c'est vivre. Mais en disant ça on ne dit pas ce que
c'est que « vivre ». Et si on dit : « vivre c'est
aimer », on ne définit pas non plus ce que signifie « aimer ».
Et ainsi de suite, on peut continuer, comme s'il s'agissait d'une
multitude de poupées gigognes. Il faut non pas dire ou penser mais
sentir et vivre la Vérité. Exactement comme le chat qui dort. La
plus grande sagesse c'est peut-être de ne pas se poser de questions.
Mais, pour arriver à cet état, il faut déjà avoir beaucoup
cherché et trituré mille et une questions en tous sens pour finir
par se dire : « finalement, il n'existe pas de réponses et
c'est tant mieux. Car en fait aucune questions ne se pose. Et la
seule réponse à toutes les questions qui sont en fait toutes
absentes, est peut-être : pourquoi se poser des questions ? Le chat
qui dort ne se pose pas de questions. Il faut parvenir à atteindre
cette sagesse qui consiste à ne pas ou plus en avoir. Comme le chat
qui dort, exactement. »
Basile, philosophe
naïf, Paris le 30 avril 2015
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