La société où nous
vivons interprète fallacieusement le tendre toucher, lui accordant
abusivement une signification « sexuelle » impérative.
Le résultat est la conditionnalisation, le rationnement du tendre
toucher. Par exemple, quand on est seul dans sa vie, on va refuser de
tels contacts, les réservant au cadre d'une hypothétique rencontre
idéale non encore faite. On refuse tout ce qui ressemble de près ou
de loin aux caresses, en échange du rêve de la rencontre idéale
d'une personne dont on espère la venue et qui vous comblera.
Si on a un partenaire
attitré ou une partenaire attitrée en caresses, on refusera tous
contacts tendres avec un autre ou une autre, contacts qui seraient
qualifiés de « trahison », « infidélité ».
On prétextera éventuellement la jalousie de son ou sa partenaire
pour refuser tout échanges de câlins avec d'autres personnes.
Cette crainte de son ou
sa partenaire peut être théâtralisée, confiner à la caricature
et servir à dissimuler sa propre incohérence affective. Je connais
le cas assez classique d'une dame très tendre qui refuse mes câlins
auxquels pourtant elle aspire très visiblement. Elle le fait en
invoquant « son mec ». Avec une telle application qu'on
la croirait pratiquement terrorisée par ce dernier. En fait, son
comportement lui permet d'éviter de se confronter à elle-même et
se poser la question du rôle et de la place des câlins dans sa vie.
Plutôt que d'y réfléchir, elle remplace la pénible introspection
nécessaire pour vivre par des réponses simplistes : « les
câlins ? Avec mon mec et pas autrement pour ne pas déclencher sa
jalousie ». Elle s'imagine et s'improvise un confort de la
subordination : ma tendresse appartient à un homme unique.
« Je suis sa propriété... » on pense aux paroles de la
chanson d'Édith Piaf : « Voilà le portrait de l'homme auquel
j'appartiens. » L'esclavage sentimental comme réponse à la
question embarrassante : « qu'est-ce que je fais ici dans cette
vie ? Quelle place a ma tendresse dans cette société ? Que
signifient mes échanges tendres avec d'autres ? »
Quand la rupture survient
comme bien souvent avec son ou sa partenaire, on assiste
éventuellement à un phénomène assez surprenant. La personne
« libérée de ses engagements » saute alors sur tout ce
qui bouge. J'ai assisté à un tel comportement surprenant à deux
reprises. Il s'agissait à chaque fois d'une jeune femme qui venait
d'être cruellement déçue en amour.
Ces deux jeunes femmes
ont autant dire dragué tout ce qui passait ! Puis se sont calmées.
Ce sont là des comportements classiques. Au point que des cavaleurs
professionnels pistent les jolies femmes qui éventuellement
tomberaient dedans.
Ils sont à l'affut,
attendant que la cruelle déception arrive, pour profiter ensuite de
la situation. Sur ce phénomène je n'ai jamais rien trouvé à lire,
ni n'en ai entendu parlé.
La lourde et aberrante
prétention à organiser, conditionnaliser, calculer les caresses,
« rationaliser » la tendresse, tue plus ou moins vite la
relation. Et, au final, rend impossible tous véritables échanges
affectifs.
Si vous voyez quelqu'un
calculer sa tendresse, passez votre chemin ! Il ne mérite pas que
vous vous attardiez et perdiez votre temps et votre énergie à rêver
à vous rapprocher de cette personne calculeuse. Si belle et
prometteuse soit-elle en apparence, la tendresse « conditionnelle »
n'est pas de la vraie, authentique tendresse. En fait, elle ne vaut
rien. Et n'est qu'un mirage stérile et décevant.
En amour la qualité est
tout, la quantité n'est rien. Un peu d'eau vaut mieux que mille
poussières brillantes volant dans la lumière de l'été. Une seule
goutte de rosée désaltère plus qu'un grand soleil.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 12 avril 2015
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