Pourquoi en général –
il y a d'heureuses exceptions – faisons-nous un jour cette
désolante constatation : « comme les vrais amis sont rares !
Ils se compte sur les doigts d'une main ! »
En fait, sans nous en
rendre compte, c'est bien involontairement que, la plupart du temps,
nous nous privons d'amitié. Comment ? De la plus simple façon : en
lui tournant énergiquement le dos. Mais, attention ! En drapant
notre muflerie dans de chatoyantes draperies, de « merveilleux
motifs »... de pacotille. J'ai pu ainsi en faire l'analyse en
étudiant un cas proche, si j'ose dire : moi-même. Je viens de
dresser une liste. Plusieurs dizaines de noms, de personnes qui
m'étaient chères. Auxquelles j'apparaissais sympathiques. Que j'ai
proprement laissé tomber depuis des années en cessant de chercher à
les rencontrer. Vous me direz : « oui, mais elles n'ont pas
réagit ». Parfois oui, parfois non, ce n'est pas toujours vrai.
Ainsi, l'une d'elles,
croisée il y a deux ans m'a dit : « rappelles-moi, passes nous
voir en septembre ! » Nous étions en juin. Je ne l'ai jamais
rappelé. Une autre, vers la même époque m'envoie une carte postale
signée par elle et ses deux enfants. Une carte postale très
gentille. Qu'est-ce que j'ai fait ? Rien. En me comportant ainsi je
ne risquais guère d'entretenir l'amitié.
La cause qui m'a fait
agir ainsi est courante. C'est, une fois de plus, mais il faut
l'identifier, la terreur intérieure fruit de la sortie de l'enfance
prolongée. Comme je l'ai déjà écrit : au départ, à la
naissance, nous sommes des petits singes dotés de notre instinct
originel. Puis, comme nos ancêtres et nos contemporains ont
développé le savoir, on s'applique à nous le transmettre. Ce qui
prend du temps. Alors qu'un petit singe humain est adulte vers l'âge
de quatre ans – à partir du moment où il est capable de se
nourrir seul, – nous entrons dans une enfance prolongée. Celle-ci
sera la cause d'un trouble majeur. Car la sortie de cette enfance
créera un terrible déséquilibre. Enfant prolongé nous nous
sentirons perdu. Il nous manquera nos « parents prolongés ».
Ce qui entraînera un sentiment de terreur intérieure. Et cette
terreur intérieure nous entraînera vers des comportements
perturbés. Entre autres, la recherche d'une créature chimérique :
un papa ou une maman de remplacement. On appellera cet être fabuleux
et totalement imaginaire : « l'amour » ou « le
Grand Amour ». A cette quête imbécile nous sacrifierons bien
des choses et très souvent l'amitié. Plutôt qu'aller vers d'autres
qui nous apprécient et que nous apprécions, nous mangerons notre
temps et notre attention dans la recherche frénétique de
« l'autre » : notre papa ou maman de remplacement.
Si j'ai tant négligé
mes amis, c'est parce que, parfait couillon, je cherchais la créature
merveilleuse, ma maman-bis : l'Amour avec un Grand A, ma moitié
d'orange qui, par définition en fait, n'existe pas. J'ai même bien
cru la trouver pour de vrai un jour. L'ai encensé et soutenu durant
plusieurs années. Ça lui plaisait bien. Puis, finalement, un beau
jour elle en a eu marre. Car, avoir un Roméo à son service finit
par devenir un boulet. Elle m'a largué. Et a eu bien raison. Et
c'est ainsi que les amours « parfaites » disparaissent.
Car jouer le rôle de maman ou papa-bis est lassant et trop pesant.
Si on veut
cultiver l'amitié il faut prendre conscience de l'irréalité de la quête
imbécile du Grand Amour. Prendre conscience de notre terreur
intérieure fruit de la sortie de notre enfance prolongée. Qui nous
amène à chercher un être parfait qui arrangera tout dans notre vie
: notre maman ou papa prolongé vu par nos yeux d'enfant prolongé.
Et, en abandonnant cette chimère, nous nous sentirons beaucoup
mieux. La sortie de l'adoration de ce mythe a été pour moi un peu
chaotique. On ne quitte pas comme on sort d'une pièce d'un logement
un mythe qu'on a poursuivi durant des dizaines d'années. Qu'on a été
très souvent encouragé à suivre. Qui règne toujours dans le
cœur d'innombrables humains. Car le règne de la terreur intérieure
n'est pas encore terminé. Et ses conséquences désastreuses
apparaissent un peu partout.
Basile,
philosophe naïf, Paris le 29 septembre 2015
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