Il y a bien des années,
je me suis posé une question sans trouver la réponse : « pourquoi
des objets, des choses anciennes ont-ils du charme à nos yeux ? Une
vieille pendule, un vieux livre, un vieux château ? » J'ai
enfin trouvé aujourd'hui la réponse à ma question. Une fois
encore, il s'agit d'une implication de la terreur intérieure fruit
de la sortie de l'enfance prolongée. Fuir cette terreur passe ici
par la fuite du monde actuel. Et quel meilleur moyen de fuir que
celle de nous retrouver à une autre époque, via l'admiration pour
de vieilles choses ?
La même démarche
consistera à fuir non pas vers le passé, mais vers le futur. On
trouvera un charme inexplicable aux choses nouvelles. C'est même un
argument de vente employé par la publicité.
En quoi une chose parce
qu'elle est ancienne ou nouvelle a-t-elle une qualité intéressante
? En ce qu'en choisissant de lui accorder de l'intérêt on se porte
intellectuellement et symboliquement en quelque sorte dans le passé
ou l'avenir. Et on « quitte » psychologiquement le
présent où la terreur intérieure mine notre moral. On use d'un
artifice pour fuir la réalité.
Quand je me plonge dans
la contemplation de photos de vieilles locomotives à vapeur, par
exemple, je ne suis plus là, en 2015, mais en 1970 et même avant,
du temps où elles roulaient. Pour la même raison, on trouve les
modes. Plutôt que chercher à fuir dans le passé ou le futur, on
rejettera le présent au nom d'une nouvelle mode. Une nouvelle mode
qui sert à nier le moment où on vit. Quitte à abandonner
d'excellentes choses. Le résultat est que la terreur intérieure
conduit à rejeter une multitude de bonnes choses. Car « elles ne
sont plus à la mode ».
Dans la chanson, par
exemple, d'innombrables chanteurs de talents, chansons réussies, ont
été rejeté dans l'oubli. Mais, il n'y a pas que les chansons et
chanteurs qui sont victimes de la sorte. Comme les politiques sont
aussi des humains, ils connaissent la terreur intérieure comme la
plupart des humains. Et là, les conséquences de la fuite de la
réalité peuvent être dévastatrices.
Pour modifier le
« temps » actuel, partir « ailleurs », les
politiques pourront chercher à faire des réformes. Y compris des
reformes absurdes, stupides, ridicules, l'essentiel étant de
réformer à tous prix, même quand il n'y a rien à réformer. Ou en
tous cas rien à réformer de cette manière-là.
Une réforme récente
amène en France les médecins à devoir traiter une quantité
formidable d'actes administratifs sur leur ordinateur privé.
Pourquoi ? Ai-je demandé à mon médecin habituel et aussi à mon
dentiste. Pour rien, c'est juste un choix idéologique, m'ont-ils
répondu. Une autre réforme annoncée consistera à confier aux
opticiens le soin de « faire des lunettes » sans qu'une
ordonnance d'un médecin ophtalmologiste soit nécessaire. Ce qui
sous-entend que ce dernier se borne à indiquer à l'opticien quelles
paires de lunettes fabriquer. Or, ce n'est pas tout. Le médecin
ophtalmologiste surveille et vérifie les yeux de ses patients, et
peut, par exemple, détecter les prémisses d'un glaucome. Sauver
ainsi la vue du patient. Chose que l'opticien ne sait pas faire et ne
fait pas. En se débarrassant des médecins ophtalmologistes dans la
réalisation de nouvelles lunettes, on amènera des patients non
contrôlés à perdre à terme un œil ou même devenir aveugle...
Mais, ça n'est pas important. Seule importe la réforme !
Détruire pour changer
est plus facile que construire. Ainsi, il a été pris la décision
de fermer l'hôpital, militaire du Val-de-Grâce en 2017. 350 lits
supprimés avec un des meilleurs hôpitaux de France. Peu importe les
conséquences calamiteuses de cette décision. Pour les décideurs,
l'essentiel est de changer, réformer, peu importe de quelle manière,
afin de fuir leur terreur intérieure.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 26 septembre 2015
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