Un des adjuvants
classiques pour conforter l'idée que quelque part dans le monde
existe une personne unique et merveilleuse, totalement adaptée à
vous, qui fera « votre bonheur », c'est « le couple
modèle ».
A défaut d'avoir
rencontré sa « moitié d'orange », on cherchera ceux qui
ont la chance d'avoir déjà réalisé cette rencontre dont on
rêve. Ou, plus exactement, ceux que vous pensez dur comme fer avoir
déjà fait cette rencontre. Parmi l'entourage, ou dans les pages des
magazines, vous identifierez un couple modèle, qui prouvera par son
existence que la chose est possible...
X et Y connaissent le
nirvana du « Grand Amour », donc, moi aussi, demain, je
pourrais y arriver ! Car la réalité est là. Eux connaissent ça,
alors pourquoi pas moi ?
Cette image d'Épinal est
confortée insidieusement par un ensemble de discours, écrits et
images. Tiens ! Par exemple, sur quantité de publicités
apparaissent des couples jeunes, beaux, souriants, propres,
sportifs, bien habillés, en pleine santé, avec de belles dents,
pourvus de bambins superbes, surtout pas handicapés, moches ou la
goutte au nez, ou qui pleurent et braillent.
Le « couple
modèle » que vous avez identifié dans votre entourage ou dans
les magazines est aussi illustré par le Niagara publicitaire qui
nous agresse un peu partout.
On peut admirer « le
couple modèle », on peut aussi devenir une partie du « couple
modèle » vu par d'autres.
J'ai connu les deux
situations. J'ai admiré un « couple modèle ». Et sans
le savoir d'emblée, ai fait partie d'un « couple modèle »
aux yeux d'une amie. Dans le premier cas, il s'agissait d'un couple
jeune, beau, sympathique, etc. Je l'ai érigé dans ma tête en
exemple de mon rêve réalisé. Ils avaient trouvé, eux. C'était
« le bonheur » que j'espérais un jour trouver !
Bien des années plus
tard, j'ai revu ce couple. Et pu constater que si leur union était
visiblement durable et solide, c'était très loin d'être le
bonheur. Toutes sortes de soucis classiques, notamment la jalousie
dans leur entourage, faisaient qu'ils étaient loin de vivre une
sorte d'Éden réalisé. Ils vivaient ensemble, s'entendaient bien,
étaient sympathiques, point. Mais, s'agissant de leur quotidien, je
ne m'y voyais nullement heureux en vivant comme eux. Ce n'était
rigoureusement pas un « modèle » pour moi. J'aurais très bien
pu m'ennuyer en vivant la vie qui convenait à ces deux personnes.
Les prendre pour modèle était naïf et stupide. Cette constatation,
j'ai pu la faire grâce au fait de ne pas les avoir perdu de vue.
Il y a longtemps, j'ai
connu la situation inverse : j'ai été la moitié d'un « couple
modèle » pour quelqu'un.
J'avais une petite amie et était loin de me trouver bien avec. Le jour où elle m'a quitté, j'en ai été soulagé. Et voilà qu'à mon grand étonnement, une amie me dit : « je suis surprise par votre séparation. Pour moi, vous étiez le couple modèle ! » Pour elle, mon « couple modèle » était le support du mythe de la moitié d'orange à trouver.
J'avais une petite amie et était loin de me trouver bien avec. Le jour où elle m'a quitté, j'en ai été soulagé. Et voilà qu'à mon grand étonnement, une amie me dit : « je suis surprise par votre séparation. Pour moi, vous étiez le couple modèle ! » Pour elle, mon « couple modèle » était le support du mythe de la moitié d'orange à trouver.
En fait, plutôt que
chercher un alter ego fabuleux, commencez par vous trouver
vous-mêmes. Et puis aussi, allez vers les autres, sans chercher chez
eux le remède à un sentiment maladif de solitude, fruit amère et affolant de
votre enfance prolongée.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 22 septembre 2015
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