Les sociétés animales
sont régies par des règles d'origine naturelle. Il n'est pas
difficile de comprendre que celles-ci ont connu une large évolution
chez les humains. Le seul fait de se lever avant le jour, par exemple
suite à la sonnerie d'un réveil-matin, ou prolonger son activité
au delà du coucher du soleil grâce à l'éclairage artificiel, nous
éloigne de la Nature.
Quand cet éloignement
a-t-il pris chez les humains une large proportion ? Nous ne le
savons pas. Mais en tous les cas il est certain qu'il y a environ quinze
mille ans l'invention de l'agriculture et de l'élevage a bouleversé
notre rapport avec la Nature.
Les règles qui régissent
notre société divisent les hommes des femmes. Et les opposent. Fait
des femmes des étrangères aux hommes, et des hommes des étrangers
aux femmes. Ces dernières sont traitées d'une manière qui paraît
calquées sur les animaux d'élevage. L'homme traditionnellement
prétend posséder la femme et contrôler la reproduction humaine.
Le traitement
traditionnel des femmes est plus violent que le traitement
traditionnel des animaux d'élevage. Je l'ai remarqué en lisant ceci
dans un livre parlant de l'élevage des chats de race : si une
chatte de race a été engrossée par un matou de passage, il faut
tuer les chatons et faire engrosser la chatte par un chat de sa race.
On conserve en vie la chatte. Chez les humains, dans les sociétés
traditionnelles, l'épouse ou la fille qui a eu une relation sexuelle
non admise, on la tue. Et on peut le faire avec des raffinements de
cruauté. C'est même encouragé.
Karl Marx a écrit que
« la femme est le prolétaire de l'homme ». C'est faux.
La femme est l'esclave de l'homme. Car elle fournit un travail
domestique et maternel qui lui est imposé, qui n'est ni reconnu, ni
rémunéré et ne donne pas droit à la retraite.
Quand ma mère qui avait
eu six enfants, dont deux morts en bas âge durant la guerre,
remplissait un formulaire administratif officiel, elle devait
préciser : « femme au foyer » ou « sans
profession ». Assurer l'avenir du monde, de son pays, sa ville
et sa famille, c'est probablement ne rien foutre. C'est tellement
admis par un tas de gens que cette question essentielle n'est
simplement pas soulevée la plupart du temps.
Une mère de six enfants
devrait avoir un salaire de cadre supérieur et une retraite
correspondante. Aujourd'hui, si elle n'a pas de ressources suffisantes,
elle peut crever et ses enfants avec.
Une jeune fille âgée de
seize ans me disait très naïvement cette année, parlant de ce que
j'appelle travail domestique et travail maternel : « mais,
ce n'est pas pour la femme un travail, c'est son devoir ! »
Et une dame quadragénaire s'insurgeait à mes propos. Elle me
disait : « ce n'est pas de l'esclavage ! Car la femme
est d'accord. »
Il arrive depuis des
décennies à présent que quantité de femmes en France fournissent
en plus de leur travail maternel et domestique un travail à
l'extérieur. Si ce sont des femmes d'artisans qui travaillent avec
leur mari, ce travail n'est simplement pas reconnu. Il est traité
comme du bénévolat et ne leur assure pas un kopeck pour leur
retraite. Si c'est un travail salarié, il est en moyenne payé
vingt-six pour cent moins que pour un homme exerçant la même
activité.
La femme, dans notre beau
pays, n'est pas considérée comme un être humain à part entière.
Quand un filou s'en prend à quelqu'un, il le fait avec d'autant plus
d'entrain que sa victime envisagée est une femme qui vit seule, par
exemple une veuve.
Quand on soulève le
problème de la condition féminine en France, il y a toujours de
bonnes âmes pour souligner qu'il y a quelques décennies c'était
pire. Ou que c'est bien pire aujourd'hui dans d'autres pays. Bien
sûr, le côté positif à relever dans ce propos est que des progrès
sont possible. Mais doit-on pour autant accepter l'inacceptable et
attendre passivement le progrès soi-disant inévitable ?
Quand un père et une
mère pleurent leur fille assassinée à coups de poing par un gendre
jaloux, violent et macho, doit-on leur dire : « attendez,
dans cinquante ans, il y aura certainement moins de faits de ce
genre ? » C'est ça la réponse à de tels faits
criminels ?
La violence contre les
femmes est un problème majeur. Au point que dans des certains pays
d'Amérique latine on parle de « féminicide », crime
consistant à tuer une femme. Il y a beaucoup de féminicides en
France. Et la peur du féminicide est très répandue. Quand une
femme ou une jeune fille n'est pas rentrée à la maison au moment
prévu, on s'inquiète toujours plus que si c'était un homme ou un
jeune homme. Notre société est bien barbare avec les humains de
sexe féminin. Le pire est que cette manière de réagir est si
habituelle qu'on ne la relève même pas pour souligner le caractère
absolument révoltant que montre ici la société.
Je n'entends pratiquement
jamais parler du viol. Pourtant, chez les femmes, y compris à Paris,
la peur du viol est omniprésente. Il faut relever que c'est le seul
crime où paradoxalement la victime est culpabilisée, considérée
comme complice et honteuse. Quand une femme est violée, « c'est
de sa faute », elle a « provoqué », elle portait
une tenue « sexy ». Voilà les propos immondes qu'on
entend fréquemment, y compris tenus par certaines femmes.
Les femmes, soit plus de
la moitié de l'Humanité, vivent dans une peur plus ou moins
permanente des hommes qu'elles ne connaissent pas et ne reconnaissent
pas comme pacifiques et inoffensifs pour elles. Cette peur est
légitime. Pour peu que la police soit loin, soit parce que ça se
passe dans les huis-clos familial, soit dans une période de guerre,
par exemple, le viol arrive vite. J'en sais quelque chose, car en
plus des femmes et filles, il arrive des mésaventures à un nombre
plus réduit de garçons. Moi ça m'est arrivé dans le cadre
familial à l'âge de huit ans.
Généralement
l'agresseur est masculin, ce n'était pas mon cas. Comme le plus
souvent l'agresseur est masculin, s'agissant des viols la structure
patriarcale de la société joue à fond. On voit même une partie
des femmes se faire complices, collaborer à cet ordre ou s'y
soumettre. Beaucoup de femmes violées ne vont pas se plaindre à la
police. La complicité passive d'une mère envers un père qui viole
sa fille est un grand classique. L'excision est généralement
commise par des femmes.
Les dégâts causés par
la guerre de l'homme contre la femme sont inimaginables. Tant que
cette guerre sexuelle durera, la société humaine ne s'en sortira
pas des grands fléaux qui menacent de l'anéantir, tels que la
guerre, la cupidité et la destruction de l'environnement. Tout est
lié.
Les hommes ne comprennent
pas ce qui leur arrive. Les femmes comprennent mieux ce qui leur
arrive, mais ne voient pas d'issue immédiate au problème posé par
le conflit entre la plupart des hommes contre la plupart des femmes.
Elles se contentent de survivre en cherchant à limiter les dégâts
et assurer au mieux possible la reproduction humaine, ce qui est déjà
beaucoup.
Les hommes souffrent de
la guerre sexuelle et tendent à compenser leur manque d'amour par
l'orgueil. Celui-ci prend la forme de la quadrilogie maudite :
la recherche de la propriété, du pouvoir, de la célébrité et de
la violence.
La violence dans les
sociétés traditionnelles est extrême. On tue les femmes, on tue
leurs amants. Les homosexuels sont tués. On ne peut admettre qu'un
homme « fait la femme » ou une femme « fait
l'homme ». Les homosexuels comme les bisexuels, les transgenres
et les transsexuels sont des traîtres. Et le châtiment des
traîtres, c'est la mort.
Est-ce que pour autant la
violence est une solution ? Dans les sociétés traditionnelles
l'harmonie ne règne pas pour autant. Et les hommes dominateurs et
violents sont malheureux tout en rendant malheureuses les femmes. Car
la guerre sexuelle ne peut pas se gagner. Les hommes ont besoin des
femmes. Les femmes ont besoin des hommes. Et tous doivent être
dignes et debout.
Une femme me demandait
hier : « mais toi qui a été agressé par une femme, tu
n'en veux pas aux femmes ? »
Comment pourrais-je en
vouloir aux femmes ? Si nous sommes dans la logique de la
rancune et de la vengeance, de la culpabilité collective, comment
pourrons-nous nous en sortir ? Nous avons le devoir de chercher
et trouver des solutions pour que les hommes vivent en harmonie avec
les femmes.
Il faut pour cela rendre
ou donner du pouvoir aux femmes, dans notre injuste, violente et
hypocrite société patriarcale. Officiellement, le pouvoir est à
tous. Nous savons bien que c'est faux. La politique a toujours été
une affaire d'hommes. Les femmes n'ont jamais eu d'expression
politique. Pour que ça change, il faut, transitoirement, créer un
contre-pouvoir féminin. J'ai proposé que, pour la première fois
dans l'Histoire, les femmes aient enfin un pouvoir politique :
l'Assemblée féminine. Composée exclusivement de femmes et élue
exclusivement par les femmes.
L'Assemblée féminine,
dont il faudra définir le fonctionnement, sera appelée à lutter
contre le pouvoir des institutions patriarcales et très peu ou pas
du tout égalitaires. L'égalité homme femme est pour l'instant un
mensonge et une blague dans notre pays. D'ailleurs il est très
significatif qu'on entend toujours l'expression : « la
femme est l'égal de l'homme » et pas « l'homme est
l'égal de la femme ». Car il est évident que si on
l'entendait ainsi, l'homme, ce seigneur et maître, dérogerait... La
langue est aussi révélatrice de la réalité de notre société.
Le texte de ma
proposition, intitulée « Appel aux femmes » ou « Appel
aux femmes pour une Assemblée féminine », date à présent
d'il y a neuf jours. J'ai commencé à le distribuer et l'ai publié
sur mon blog philosophique.
J'ai eu quelques
intéressantes réactions. Un ami m'a dit que c'était « une
bombe atomique » et qu'on n'avait rien proposé d'aussi radical
depuis Olympe de Gouges. Une femme m'a dit : « on dirait
que ça était écrit par une femme. » Une autre, après
m'avoir demandé de confirmer que j'étais bien l'auteur du texte,
s'est exclamé : « comment ça se fait que ce n'est pas
une femme qui l'a écrit !? »
Une dame qui tient une
boutique de vêtements et bijoux l'a accroché près de sa caisse et
le fait lire à toutes ses clientes. L'idée a commencé tout juste à
faire son chemin et tôt ou tard finira par aboutir. Ça mettra le
temps que ça mettra, mais c'est la seule voie qui existe pour régler
les problèmes essentiels de la société humaine.
Créer une Assemblée
féminine est un acte concret et réalisable. Il assurera à terme la
solution du seul grand problème à la base de tous les autres :
la maltraitance et la domination des femmes par les hommes,
l'horrible et immémorial patriarcat.
Il ne s'agit pas
d'écraser les hommes et prendre une « revanche » sur
eux. Il s'agit de donner à chacun sa légitime place dans la
société, en harmonie avec celle de tous les autres. Pour le plus
grand bonheur commun, la paix, la justice, l'égalité, la joie et la
fraternité-sororité.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 30 avril 2017
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