Comme je l'expliquais
dans la page précédente, j'ai redécouvert le toucher en 1986. Je
l'avais connu enfant environ trente ans auparavant. Adulte, j'ai eu
le sentiment que c'était quelque chose d'essentiel. J'ai voulu
communiquer mes impressions à ce sujet. Je voyais là un moyen
d'améliorer la société. Un critique d'art connu à qui j'en ai
parlé m'a approuvé. Mais a ajouté que notre société était
incapable d'entendre un tel message, tant elle trouvait à tort que
le toucher était un annexe du sexe. C'était ainsi d'ailleurs qu'une
amie commune considérait la chose. Un sapeur-pompier de Paris à qui
j'évoquais le traitement des chocs moraux par la caresse était
d'accord avec moi.
Habitué à l'écriture,
j'ai écris pour propager mes idées. Tout un tas de textes dont un
que j'ai malheureusement perdu et qui était assez long. Mais si la
société est ultra-sexualisée, et de ce fait sourde et aveugle à
beaucoup de choses - au nombre desquelles la tendresse, - j'avais aussi
mes problèmes.
Je ne mesurais pas
l'ampleur de l'envahissement de la société par une sexualité
masturbationnelle masculine qui nie en fait largement la relation
effective entre les humains. Mes écrits n'analysaient pas la
question du toucher jusqu'au fond, qui est de retrouver
l'authenticité des gestes de l'enfance.
La responsable du stage
de massages qui m'avait rouvert au toucher voyait juste dans
celui-ci une sinécure tranquille. La seule perspective qu'à son
avis ouvrait le stage était d'en faire d'autres.
Significatif de ma
confusion d'esprit furent pour moi les retrouvailles avec la jeune
fille de dix-sept ans vue et tant appréciée durant le stage.
J'avais son nom et son téléphone. J'hésitais à l'appeler. Pour
quelle raison ? La peur du SIDA ! Car retombé dans la
société hyper-sexualisée où nous vivons, je croyais que revoir
cette jeune fille débouchait forcément sur une éventualité
sexuelle. C'est une pensée ânesque et masculine classique.
Finalement nous nous sommes revus une fois chez elle. Nous n'avions
rien à nous dire. Moi restais bloqué avec mes idées idiotes sur
les jolies filles. Elle, j'ignore ce qu'elle pensait, car nous ne
nous sommes pas dit grand chose et ne nous sommes jamais revus.
J'ai continué à penser
que le toucher était une chose essentielle et rejetée par notre
culture. J'ai diffusé mes textes durant quelques temps.
Je me rappelle d'une
rencontre significative survenue au début des années 1990. Un jeune
couple avec un enfant d'un an environ. Celui-ci lançait
littéralement les bras vers les personnes, dont moi, qui
approchaient ses parents. Il était affamé de contacts. Ses parents
m'ont expliqué que c'était un enfant adopté. Venu d'un orphelinat
roumain il avait longtemps vécu sans contacts physiques et en
ressentait une vive carence encore après son adoption.
Je n'ai pas trouvé un
moyen d'améliorer la société, mais au moins à la longue, je crois
que cette réflexion sur le toucher m'a permis de mieux comprendre le
monde où je vis. Et mieux le comprendre aide à vivre, même si ça
ne permet pas toujours de changer les choses qui ne fonctionnent pas
de façon satisfaisantes.
A présent, plus de
trente ans après le début de ma réflexion sur le toucher, je pense
être arrivé à une étape où peut-être je pourrais mettre
finalement en pratique quelque chose. Ou tout au moins le proposer
aux autres. Ce chapitre du toucher concerne aussi la médecine et la
psychologie. Il n'y a pas que la parole pour soigner les souffrances
de l'âme. Il y a aussi la caresse. Retrouver celle-ci peut aider à
guérir beaucoup de troubles et assurer une vie meilleure.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 5 février 2017
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire