Dans ma famille passé la
petite enfance les câlins n'existaient pas. J'ai quelques souvenirs
de ceux-ci. Un où je dois être très petit et fais beaucoup des
bisous à ma mère. Et des épisodes où on me glisse une main par le
col de mon vêtement, quand je suis assis, et on me la passe vite à
même la peau de mon dos. Ces caresses très agréables cessent
brusquement un jour. J'en suis contrarié, ne comprend pas la raison
de cet arrêt, mais n'ose rien dire ou réclamer à ce sujet.
Adulte, j'ai redécouvert
le toucher à une date bien précise. En 1986, j'avais alors
trente-cinq ans, un ami rencontré à l’École des Beaux-Arts a
souhaité m'offrir un stage de massages. Celui-ci se passait durant
un week-end dans un vaste appartement du treizième arrondissement de
Paris.
Nous étions environ une
dizaine de participants dont seulement trois hommes. La dame qui
organisait le stage nous a sagement prévenu d'emblée que « ce
n'est pas sexuel » et que les massages qu'elle nous
enseignerait éviteraient les parties génitales.
Partant de ces principes
ainsi énoncés, le stage pu commencer. Durant tout ce week-end nous
sommes restés nus. Il ne s'est rien passé d'ambigu ou d'orgiaque,
le cadre a été respecté. Et ce modus vivendi particulier a
donné des résultats intéressants, inattendus et surprenants.
J'ai pu constater qu'il
existait visiblement une affinité dans le toucher. Une des jeunes
femmes présentes, amie de la fille de la responsable du stage, elle
aussi présente, n'avait rien de spécialement attirante pour moi.
Mais au contact de ses mains je ressentais bien plus d'agréments
qu'avec les autres participants.
Ayant beaucoup
d'appréhension vis-à-vis de l'homosexualité, ayant grandi dans une
famille très homophobe, j'ai pu masser un homme sans que cela me
pose un problème. Même chose avec un second homme qui n'avait pas
caché dans ses propos qu'il était homosexuel. Le contact de la peau
de ces deux hommes était pour moi neutre. J'ai ce faisant dépassé
quelque part une peur que l'homophobie familiale avait engendré en
moi.
La « neutralité
sexuelle » fort heureusement adoptée par tous dans le cadre de
ce stage a eu une conséquence surprenante par rapport au
fonctionnement habituel de notre société. Au nombre des
participantes il y avait une grande et belle jeune fille de dix-sept
ans blonde aux yeux bleus. A plusieurs reprises, nous retrouvant
face-à-face de près nous nous serrions spontanément dans nos bras
avec beaucoup de plaisir, sans aucune connotation « sexuelle »
dans notre geste. C'était de la tendresse pure. Je n'éprouvais
aucun « désir », même pas celui de faire plus attention
au contact de certaines parties corporelles, comme les seins de cette
jeune fille, qui étaient bien développés.
Un soir, l'homosexuel de
notre groupe nous a quitté pour aller dormir ailleurs. Au moment de
nous séparer, l'idée de lui serrer la main nous a tous fait rire.
Il paraissait évident qu'on ne pouvait pas ne pas se faire la bise.
La tendresse nous avait rendu meilleurs.
Durant les quinze jours
qui ont suivi ce stage de massages, je n'ai éprouvé aucune
attirance ni pour la pornographie ou l'érotisme, ni pour la
masturbation.
J'avais à l'époque une
petite amie. Mes érections sont devenues inhabituellement dures
comme du bois durant peu de semaines. J'aurais du m'abstenir de
continuer à pratiquer la sexualité habituelle et inappropriée de
notre société. Mais j'étais ignorant à l'époque de l'erreur
qu'elle représente. J'avais redécouvert le toucher, mais j'avais aussi encore
beaucoup de chemin à parcourir.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 5 février 2017
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