Notre société a rejeté
les câlins. La caresse entre humains étant déchue au rang de chose
coupable, inadmissible, superflue, voire même criminelle. Dès
passée la petite enfance, elle est considérée comme « sexuelle »
et donc abominable. C'est le fond du discours de notre société. Qui
est justifié par des discours tous plus aberrants et incohérents
que les autres. Nous aurions une « bulle » protectrice
dont le respect impliquerait qu'on évite de nous toucher. Le besoin
de câlins chez un adulte témoignerait du manque de ceux-ci durant
son enfance, etc. Complément du rejet des câlins, alors que tous
les animaux dorment nus les uns contre les autres, dès la très
petite enfance on nous habitue à dormir seul et habillé. Se laver
seul fait partie de notre éducation-conditionnement. Alors que chez
les autres espèces animales la toilette est un échange et une fête.
Cette condamnation des câlins, cette culpabilisation des caresses,
de la nudité, du dormir ensemble et de l'échange-toilettage
préparent le dramatique sentiment de solitude. Dont nous serons très
nombreux à souffrir adulte et même bien avant.
Complément de ce délire
anti-câlins et anti-caresses, la ritualisation de la sexualité
ruine sûrement la vie affective de nombre d'entre nous. Elle prétend
que, dans diverses circonstances, il faut chercher le coït. Ceci
indépendamment du désir réel et du respect réciproque. Ce délire
est entre autres à la base du harcèlement des jeunes femmes quand
elles se déplacent seules dans des lieux publics, par exemple à
Paris. Ce délire est aussi la base de la ruine des relations entre
la plupart des hommes et des femmes. Qui confère bien souvent un
goût amer à l'amour.
Quand un semblant
d'accord apparaît entre deux individus, on encourage la proclamation
publique d'un « lien » de type infantile entre ces deux
personnes. « Nous sommes ensemble », « nous sortons
ensemble », « nous sommes en couple », sont des formules formant cette proclamation.
Enfin, couronnant le
tout, si on est « en couple » il va falloir « vivre
ensemble ». Partager une tanière commune relève de
l'obligation sociale. Or, cette décision peut être calamiteuse et
prématurée. Mais qu'importe ! Il faut suivre le troupeau. Même si
celui-ci retentit souvent des maugréments, plaintes et vociférations
contre la dureté du temps et de l'autre sexe.
Il n'est pas forcément
faux de vivre ensemble et à deux. Mais le faire parce qu'on suit un
« modèle » et on cède à la pression normative de
l'entourage est une crétinerie. Qui finit par couter cher. Il
n'existe pas de « modèles » à suivre. Chaque individu
est différent. Chaque relation est différente. Et tout change et
évolue en permanence, même si certaines directions demeurent.
Croire imiter un exemple,
c'est se perdre soi-même. Ce qui convient à certains peut ne pas
convenir à d'autres. Je connais par exemple une famille qui se porte
très bien. Et dont la vie ne me satisferait nullement si j'étais
sensé la partager. Ce sont des gens très bien. Mais leur équilibre
n'est pas le mien. Et la prétention à nous fournir des « modèles »
à suivre finit par placer en porte à faux des dizaines, voire des
centaines de millions de personnes. A en faire des « rebuts de
l'amour ». Par exemple, les personnes âgées veuves qui ne
souhaitent pas se remarier, sont sensées rester désespérément
seules. Les personnes qui aiment les câlins et la compagnie, mais ne
souhaitent pas baiser, se retrouvent isolées, plaintes ou
critiquées, en tous cas marginalisées.
Notre société, dans le
domaine des mœurs, marche très fréquemment sur la tête. Au nom de
grands principes inapplicables et d'idéaux fantaisistes, elle
organise le malheur du plus grand nombre. En redevenant simples, en
nous rapprochant de nous-mêmes, nous pouvons parvenir à être
heureux. Mais d'un bonheur dont il n'est nullement question dans les
livres, films, poèmes, chansons et discours. Un bonheur vrai,
authentique et réel, qu'on ne saurait obtenir sans efforts pour y
arriver.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 20 janvier 2016
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