Dans certaines cas, à un
moment-donné, il suffit de peu de choses pour inverser certaines
qualités et transformer un phénomène anodin, banal et positif en
une source de nuisances destructrices. Considérons quatre phénomènes
qui sont l'amour de l'argent, l'amour du pouvoir, l'amour du sexe et
l'amour de l'amour. Si on aime disposer d'un peu d'argent pour
satisfaire des besoins tels que manger à sa faim ou offrir des
fleurs à une personne aimée, quoi de plus positif ? Si on apprécie
le pouvoir d'organiser une belle fête en rendant plein de gens
heureux, il n'y a pas là un problème. Si on a l'occasion de faire
l'amour avec un ou une partenaire en satisfaisant un authentique
désir réciproque et dans de bonnes conditions, tout va bien. Si on
aime et apprécie quelqu'un sans se ruiner la vie avec ce sentiment,
c'est parfait. Mais tout est ici une question de dosage, de quantité
d'amour. Quand on se met à aimer trop, plus rien ne fonctionne bien.
Si j'aime l'argent et
veux en accumuler le plus possible, j'en fait une illusion. En effet,
si j'ai une masse d'argent qui ne me sert à rien d'autre qu'à la
satisfaction de le « posséder », cet argent en fait ne
vaut rien. Et, en l'accumulant stérilement j'empêche d'autres de
vivre, qui n'en ont pas assez. Ce comportement nuisible, maladif et
criminel a déjà été dénoncé il y a deux mil trois cents ans par
un savant grec du nom d'Aristote. Il a donné à cette obsession
accumulative le nom de chrématistique.
Si je jouis du pouvoir
pour le pouvoir. Le recherche le plus grand possible, que
m'apporte-t-il ? Des ennuis. Y voir un confort est une illusion.
C'est un inconfort, qui va aussi déranger d'autres auxquels je vais
stupidement disputer le pouvoir.
Chercher à baiser le
plus possible, le plus grand nombre de fois avec le plus de
partenaires possibles relève d'un dérangement mental. Et, sous
prétexte qu'on l'aime, faire d'une personne aimée et de son confort
le seul but de notre existence est un comportement stupide, indigne
et déséquilibré.
Croire au sexe fou comme
à l'amour fou c'est poursuivre une illusion. Et vouloir à tous prix
jouir d'une de ces illusions, dans le domaine de l'argent, du
pouvoir, du sexe ou de l'amour conduit à en faire des drogues. On va
se fabriquer et auto-administrer des doses importantes d'endorphines.
Elles créeront un état de bonheur drogué. Mais, comme toutes les
drogues, une accoutumance fera que le plaisir ressenti va tendre à
être de moins en moins fort à moins d'augmenter les doses. On
cherchera à acquérir des sommes d'argent colossales, un pouvoir
démesuré, un nombre de partenaires sexuels infini. Ou de ne vivre
que pour sa douce moitié. Tout ceci sera de plus en plus douloureux
et inconfortable. Jusqu'à la chute et le manque.
Nous ne pouvons pas
décider d'être heureux indépendamment de nos besoins réels.
Poursuivre les chimères consistant à aimer trop conduit
inévitablement à la déception et la catastrophe.
Nous voyons chaque jour
le monde souffrir de la folie toxicomaniaque de femmes et d'hommes
cherchant toujours plus de richesses à posséder, de pouvoir à
disposer, de partenaires sexuels et de l'amour le plus dévorant
possible. Tout ceci entraine le désordre du monde.
Si nous n'avons guère
les moyens de dissuader les fous dans la persistance de leur folie,
nous pouvons tout au moins ne pas suivre leur exemple. Et nous
appliquer à aimer bien et suffisamment, c'est-à-dire pas trop. Et
même, s'il faut choisir, plutôt pas assez que trop.
Ceux qui dirigent le
monde et le font très mal ne satisfont pas des besoins personnels,
mais suivent des illusions, se droguent et finissent par
l'insatisfaction. En aimant raisonnablement, nous pouvons trouver un
équilibre et un bonheur insoupçonné.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 14 janvier 2016
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