La sexualité infantile
n'existe pas. Existe simplement la curiosité infantile. L'enfant est
naturellement curieux. Il peut ainsi à l'occasion s'intéresser, par
exemple, aux guitares, aux chevaux, aux timbres-poste, aux zizis...
Mais pas plus particulièrement ou extraordinairement aux zizis
qu'aux guitares, aux chevaux, aux timbres-poste. Il le fait à sa
façon. Mais n'existe pas un domaine particulier de sa vie : la
« sexualité », pas plus que n'existe un « guitarisme »,
un « cavallisme », ou un « philatélisme »
infantile.
Les adultes, qui font
toute une pendule de leurs histoires et mythes liés aux queues et
aux chattes s'évertuent à fabriquer une image fabuleuse des
enfants. Qui seraient des sortes de mini-adultes rétrospectivement
obsédés du cul comme eux. Or, justement, à la différence des
adultes, les enfants ne font pas une pendule avec des histoires ou
mythes de zizis et zezettes. Et ne sont pas du tout obsédés du cul
comme la plupart des adultes. Ils sont bien plus tranquilles que les
adultes qui sont souvent des enfants abimés, pourris mais pas
matures.
Voyons trois exemples de
cette soi-disant « sexualité infantile » :
Quand j'avais quatre ans
au plus, je ne me souviens plus comment, ma sœur de trois ans plus
âgée que moi m'a dit vouloir voir mon zizi. Elle me l'a demandé
deux ou trois fois. Finalement, obligeamment j'ai accédé à sa
demande. Nous sommes allés nous enfermer tous les deux dans la salle
de bains. J'ai baissé ma culotte un instant. Elle, de son côté à
fait pareil. J'ai entraperçu son sexe sans y attacher un intérêt
particulier. Lui ai dit, parlant de mon zizi : « voilà, c'est
comme ça », me suis empressé de me rhabiller. Et suis vite
sorti de la salle de bains où nous avions préservé la discrétion
de notre échange. Quel intérêt avais-je pour le sexe ? Aucun, mon
sexe était aussi peu différentiable de mon poignet ou mon oreille.
Une partie de moi qui n'avait pas d'usage particulier.
Il y a deux ou trois ans
j'entendais une grand mère parler de son petit fils âgé de trois
ans.
« Il m'a surpris.
Il m'a dit qu'il veut me toucher les seins. Et coucher avec moi pour
voir l'impression que ça fait. » S'esclaffait la dame. Qui
ajoutait : « Je lui ai dit qu'il n'avait pas à me toucher les
seins, que seul grand père avait le droit de toucher les seins de
grand mère. Et que grand mère n'avait pas à coucher avec lui. Que
plus tard il aurait une petite amie avec laquelle il pourrait
coucher. »
Ces réponses de la grand
mère, prétendument instructives et pédagogiques, sont d'une
incommensurable sottise.
Que vient faire grand
père dans cette histoire ? Et puis évoquer la petite amie future du
petit garçon est une ânerie. S'il s'agit de la vie de cet enfant
dans, disons douze ans, quand il aura quinze ans, autant évoquer la
planète Mars. Une époque aussi éloignée ne signifie rien quand on
a juste trois ans. Annoncer à ce petit garçon qu'il aura une petite
amie et couchera avec est déjà normatif. Les seules réponses
justes et des plus simples auraient dut être :
« Tu ne toucheras
pas les seins de grand mère parce qu'elle ne trouve pas ça
agréable » et « tu ne coucheras pas avec grand mère
parce que ce projet ne lui fait pas plaisir ». Réponses
archi-simples et facilissimes à comprendre par un petit garçon de
trois ans !
Il y a vingt-cinq ans de
ça, le comportement d'une fillette âgée de moins de deux ans m'a
choqué. Elle s'était assise sur mes genoux. Voilà qu'elle se met
très joyeusement à faire des sortes de petits bonds à califourchon
sur une de mes jambes. Quand je réalise qu'en fait elle se frotte
l'entre-jambes sur ma cuisse et que c'est ça qu'elle apprécie
grandement ! Bien que nous étions habillés, j'ai eu le sentiment
horrible et étrange d'avoir été violé par cette gamine. Qui
prenait ainsi de moi un plaisir sexuel que je n'avais pas décidé de
lui donner. Et qu'elle m'avait extorqué contre ma volonté.
J'en ai été choqué au
point de m'en ouvrir ensuite au père de l'enfant. Il a rit et m'a
répondu : « tu n'as jamais entendu parler de la sexualité
enfantine ? »
Aujourd'hui, vingt-cinq
ans plus tard, j'analyse cette histoire. Il ne s'agissait pas de
« sexualité ». Ce presque bébé avait trouvé un moyen
de se faire du bien. N'a pas insisté plus que ça pour continuer.
N'a pas recommencé. Est ensuite passé à autre chose. Ne s'est
aucunement intéressé à quoi que ce soit qui aurait pu paraître
« sexuel » en plus. N'a pas cherché à se déshabiller.
Ou me déshabiller. La sexualité n'était pas présente. Sauf dans
ma tête, en étant horrifié par la pensée que ce quasi bébé
profitait de ma cuisse pour s'y frotter à travers les vêtements ses
parties intimes.
Imaginons des adultes à
qui ce serait arrivé. Une jeune fille avec enthousiasme se frotte le
sexe sur vous. Le plus probable est qu'elle finisse par « passer
à la casserole ». Là, il n'y avait rien de tel. Ça n'était
pas de la sexualité.
La confusion nait dans
notre société de la prétention à l'existence d'une sorte de
domaine particulier, réglé par des lois particulières : la
sexualité. Auquel s'ajoute la contre-sexualité. Vous n'avez pas
envie de baiser ? Oui, mais si vous seriez placé dans d'autres
circonstances, vous en auriez forcément envie. Bel exemple de la
contre-sexualité : les maillots de bains ; pourquoi utilisons-nous
ces caches-zizis ? Parce que soi-disant si nos trésors étaient en vue nous
aurions forcément envie de nous en servir ! Prétention ânesque
mais admise par la société et plein de gens aussi.
La contre-sexualité
amène scissions et rejets. Les très jeunes filles doivent être
évitées car elles ne doivent pas être désirées. Les vieilles
sont évitées car leur désir n'est pas apprécié. Mais si on
s'écoutait, on réaliserait que la plupart du temps on ne désire
effectivement personne. Et personne ne nous désire. L'être humain
est bien plus tranquille à la base et au fond de lui-même que ce
qu'il croit. Pour ne pas ou plus être obsédé du cul il suffit de
prendre la peine de s'écouter. Et ne faire l'amour que quand nous
en avons vraiment et réciproquement envie, ce qui est plutôt rare.
La plupart des fois où nous bandons ça a une autre signification
qu'un désir véritable.
Mais, allez l'expliquer à
la plupart des gens ! Il y a une quinzaine d'années j'étais en
vacances à la plage. J'observais avec ravissement la plastique
adorable des jeunes filles de quinze ans. Je n'avais aucune intention
de faire ou tenter de faire quoi que ce soit avec ces gamines que
j'entendais discuter avec leurs copains et copines de leur âge sur
des sujets aussi passionnants que : « vais-je ou ne vais-je pas
fumer ma première cigarette ? » Ma copine de l'époque m'a
fait des scènes de jalousie terrible. Soi-disant que si j'admirais
la plastique de ces gamines de quinze ans j'avais nécessairement
l'intention de coucher avec ! « Quelle incommensurable
stupidité » lui fis-je remarquer. « Oui, mais il y en a
qui le font », fut la réponse que je m'attirais.
La sexualité enfantine
ou infantile n'existe pas. Mais des parents imbéciles déguisent
leurs fillettes de huit ans en petites nymphettes : collants,
minijupes, rouge à lèvres et bijoux. Quand j'étais enfant, on ne
voyait pas ça. Qu'est-ce qui passe par la tête des parents qui
déguisent ainsi leurs filles en vamps ? Il y a deux jours je voyais
un bout de chou de deux ans à peine, ni féminin, ni masculin. Ah si
! Féminin, il avait déjà les lobes des oreilles percés et portait
des boucles d'oreilles.
Est-ce que ça s'appelle
respecter les enfants que vouloir leur inventer une sexualité qu'ils
n'ont pas ? Quand ils sont neutres en faire absolument des filles ou
des garçons, alors que ce sont juste des enfants ?
Basile, philosophe
naïf, Paris le 10 juin 2015
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