mercredi 3 juin 2015

385 Petite fable de la girafe

Des lionnes, en chassant dans la brousse, abattent une girafe.

Le lion vient, les éloigne.

Va se servir des meilleurs morceaux.

Puis s'en va repu et content, faire la sieste. Et digérer.

Ensuite, reviennent les lionnes.

Qui mangent à leur faim.

Après, repues et contentes, elles vont faire la sieste. Et digérer.

Puis arrivent les lionceaux.

On leur a laissé de quoi manger.

Ils mangent à leur faim.

Et se retirent près des lionnes, repus et contents.

Faire la sieste, digérer et jouer.

Enfin, c'est le tour des charognards : lycaons, hyènes et vautours.

Il reste de la viande !

Ils se précipitent sur la carcasse de girafe.

Mangent à leur faim.

Puis s'en vont, chacun de son côté, repu et content.

Faire la sieste et digérer.

Mais voici que l'histoire se répète. Les animaux ont faim de nouveau. Les lionnes partent à la chasse et abattent une girafe, ou un zèbre. Peu importe, voire même un zébu... zébu, z'ai plus soif, hâhâhâ ! Mais voici qu'arrive l'homme. Il s'installe près de la girafe prête à être mangée. Arrive le lion.

- Ah ! C'est toi, le lion, tu es le Roi des Animaux, fait l'homme. Tu as sûrement de quoi payer ta pitance !

- Que nenni, Messire, répond le lion. Je viens de faire des opérations financières hasardeuses. Il ne me reste pas un sou. Je n'ai même pas de quoi payer ce délicieux repas ! Puis-je manger quand même ?

- Pas question ! Fait l'homme, tu n'as pas de quoi payer. Passes ton chemin !

Et le lion s'en va, désespéré, le ventre vide. Part dans la brousse, on ne sais où. Et disparaît.

Arrivent les lionnes. Elles ont faim. Et avisent la carcasse en se léchant les babines. L'homme les interpellent :

- Bonjour, Mesdames, que vous êtes mignonnes... vous avez faim ? Vous avez de quoi payer votre repas ?

- Nous sommes désolées, répondent les lionnes. Nous avons travaillés et même chassés cette girafe. Mais notre patron a fait faillite. Il ne nous a pas payé nos salaires. Nous n'avons pas d'argent, sommes au chômage. Et n'avons pas encore touché nos maigres indemnités. Pouvons-nous manger quand-même ?

- Pas question ! Fait l'homme. Non mais ! Qui ne travaille pas ne mange pas ! Passez votre chemin !

Les lionnes s'en vont désespérées et affamées dans la brousse. Et disparaissent on ne sais où. Laissant la girafe qu'elles ont chassé sans pouvoir en manger.

Arrivent les lionceaux.

- Bonjour les enfants ! Fait l'homme. Ça fait plaisir de voir une belle jeunesse comme vous ! Allons, il vous faut grandir ! Ce qui signifie qu'il vous faut manger ! C'est essentiel ! Au fait, vos parents vous ont-ils donné de quoi payer cette modeste cantine ?

- Nous sommes désolés, répondent les lionceaux. Notre papa a perdu son travail. Notre maman n'a pas d'argent. Il n'y a pas un sou à la maison. Nous avons très faim. Pouvons-nous manger quand-même ?

- Comment ça ? Manger sans payer ? Bande de petits saligots !! Je vais vous apprendre la vie, moi !! Allez ! Dégagez, sinon j'appelle la police !

Les lionceaux s'en vont désespérés, le ventre creux. Ils partent dans la brousse. Disparaissent on ne sais où. Et voilà que soudain on entend un terrible vacarme. C'est la troupe des hyènes, lycaons et vautours.

- Bonjour Messieurs-Dames, fait l'homme. Vous voulez manger ? Avez-vous de quoi payer ?

- Non, nous n'avons pas d'argent, car c'est la crise, répondent en chœur hyènes, lycaons et vautours. Mais nous ne sommes pas comme ce grand connard de riche ruiné, le lion, ou ces classes moyennes affectées par la crise, qui en temps normal votent socialiste, comme les lionnes. Nous sommes la masse, nous sommes le peuple ! Quand bien-même on nous insulte et donne mauvaise réputation ! Il est préférable d'être une honnête hyène ou un honnête vautour qu'un immonde homme !

Et ils se jettent sur l'homme, lui cassent la figure, le font fuir. Et puis font bombance.

Moralité : manger est un droit. L'argent est une saloperie. Et la dette, qu'elle soit grecque, française, italienne, espagnole, belge ou autre doit être annulée.

Enfin, une question : quand il y a de quoi nourrir tout le monde sur terre, est-il normal, inévitable, légitime, juste et nécessaire d'exiger de l'argent de ceux qui ont faim, pour qu'ils soient autorisés à manger... quitte à ce qu'ils soient affamés, désespérés et réduits à la mendicité ?

Basile, philosophe naïf, Paris le 3 juin 2015

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