La contre-sexualité
pourrit la relation intra-familiale et intra-amicale. De quoi
s'agit-il ? De se dire, alors qu'il n'y a pas de désir : « il
est naturel que je désire cette personne, mais je ne dois pas passer
à l'acte car c'est une parente » ou « il est naturel que
je désire cette personne, mais je ne dois pas passer à l'acte car
c'est seulement une amie ». Ce type de raisonnement amène une
tension causée par un raisonnement arbitraire, artificiel, car de
refus d'un désir en fait inexistant, imaginaire.
Par exemple, quand
j'étais très jeune plus d'une fois je me suis tourmenté en me
disant : « je ne dois pas désirer ma sœur, parce que ce n'est
pas une femme, mais c'est ma sœur ». Alors qu'en fait, je n'ai
jamais désiré effectivement ma sœur. Mais, je me suis dit que je
devais forcément la désirer, puisqu'elle était une très jolie
fille. Cette pensée parfaitement idiote est issue de ce bourrage de
crâne courant qui dit : « toutes les jolies filles sont
désirées ». C'est faux. Le vrai désir est rare. Mais le
désir imaginaire est des plus courants. Notre culture en quelque
sorte « dope » la sexualité masculine et rend les
garçons boulimiques sexuellement. Ils veulent souvent sauter sur
tout ce qui bouge parce qu'on leur a expliqué que c'était normal,
naturel, souhaitable, honorable, inévitable.
De plus, la confusion est
conforté par une vision délirante de la sexualité. Par exemple :
si on désire voir nue une jolie fille, on va se dire : « c'est
le signe que je désire faire l'amour avec cette jolie fille ».
C'est une déduction aberrante. Si on a envie de voir nue une jolie
fille ça veut dire qu'on a envie de la voir nue. Point et c'est
tout. Mais allez le faire comprendre à un garçon qui croit que
nudité rime avec sexualité ? Et que si une fille est nue devant lui
ça signifie forcément qu'il doit chercher à lui sauter dessus ?
Le corps est souvent plus
conscient que la tête qui délire. Et, bien souvent, à la longue
l'homme éprouve des « difficultés érectiles ».
C'est-à-dire qu'il n'arrive plus à bander. Bien fait pour sa gueule
de con. Une confusion en quelque sorte inverse arrive fréquemment :
quand l'homme bande, il croit que ça signifie qu'il a envie, éprouve
le besoin de baiser. En fait, le plus souvent c'est faux. La plupart
des fois l'érection n'a aucune signification sexuelle. Mais allez
l'expliquer à la plupart des gens. Ils vous prendront pour un
rigolo, un fou. Tant pis pour eux. Qu'ils restent malheureux
puisqu'ils font des efforts si importants pour y arriver.
Je connais un vieux qui
me dit : « je bande encore, il faut que je me trouve une petite
amie avant que je n'arrive plus à bander. » Bon courage et
bonne chance ! En attendant, les femmes auraient plutôt tendance à
fuir ce vieux libidineux. Je le soupçonne fort de fréquenter en
catimini les prostituées.
S'agissant de la
contre-sexualité je n'ai réalisé son existence et sa nuisance
qu'aujourd'hui-même. Je parlais au téléphone avec ma sœur avec
laquelle je n'avais pas parlé depuis longtemps. Et nous nous
entendions très bien. Bien comme nous étions petits enfants. Et là
l'évidence m'est apparue derrière cette harmonie retrouvée. Mais,
en fait, me suis-je dit, je n'ai jamais éprouvé de désir sexuel
effectif envers elle. On m'a mis de la confusion dans la tête, fruit
de la contre-sexualité. Le refus ou la discussion de la validité
d'un désir en fait imaginaire. Si je me suis tourmenté dans ma
jeunesse en me croyant en but à un désir interdit pour elle, c'est
parce qu'on m'avait rendu sourd au désir véritable, à son
identification. La plupart de nos soi-disant désirs sexuels sont des
chimères d'origine intellectuelle. On se dit qu'on désire alors
qu'on ne désire pas du tout. Ou qu'on assimile d'autres souhaits à
l'expression de ce désir en fait absent. Cette résistance à un
désir en fait imaginaire trouble la paix dans la relation. C'est un
phénomène que j'ai aussitôt baptisé « contre-sexualité ».
Basile, philosophe
naïf, Paris le 8 juin 2015
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