vendredi 21 février 2014

226 Le "Grand Amour" ou le triomphe de la misère

Qu'est-ce que le « Grand Amour », tant vanté, recherché et cause de tant de déceptions, dépressions, suicides ? Suicides qui témoignent d'un phénomène social qui touche des dizaines de milliers de personnes, et classé à tort comme individuel, personnel ?

Il dérive d'une situation générale marquée par une dramatique carence affective, un manque d'amour cuisant qui conduit souvent à chercher la réponse dans une relation binaire. On cherchera dans une femme unique, un homme unique, la compensation d'un manque général. D'où viendra une dérive, un excès : « tu es tout pour moi », « je ne peux pas vivre sans toi ». Qu'est-ce à dire ? Devrait-on être dépendant d'un autre à ce point ? Le moins qu'on puisse dire est que ça ne relève pas d'une relation équilibrée. Et le "Grand Amour" produit d'une situation négative et triste ne risque pas d'abonder en positivité.

Cet excès dans le besoin de l'autre, conduisant à des drames nombreux, des souffrances nombreuses, quand il se matérialise en une relation vécue représente le triomphe de la misère. On manque d'amour. On va chercher à trouver celui-ci dans une compagne, un compagnon. La tension causée par une telle exigence fera tôt ou tard chavirer la relation.

Faire de l'autre, d'un autre, une autre, sa « bouée de sauvetage » sentimentale fera qu'on s'y attachera avec d'autant plus de fureur qu'on n'apercevra pas d'autres « bouées de sauvetage » à l'horizon. D'où jalousie, possessivité par crainte de « perdre » l'autre.

Si on fait de l'autre une composante « vitale » de son existence, on en conclura qu'il faut partager le maximum de son temps avec. Pour cela, très souvent sans tenir compte des réalités, on décidera d'emblée qu'il faut vivre ensemble. Partager le même logement, quand bien-même cette idée paraîtrait peu attrayante pour diverses raisons. On est « ensemble », il faut donc vivre ensemble. Ce choix pourra augmenter la tension centrifuge au sein de la relation.

Un élément particulièrement vénéneux qui viendra très fréquemment empoisonner la relation est ce qu'on baptisera « sexualité », « accord sexuel ». L'acte sexuel par lui-même n'est qu'un aspect de la vie parmi d'autre. Pour être bienvenu, il ne doit être fait qu'en cas de désir réel et réciproque. On en fera une institution. Si on est « ensemble » il faut en passer par là. Et renouveler régulièrement, à la façon d'une sorte de loyer de l'amour. Cette manière d'agir est stupide et dévastatrice. Faire l'amour sans en avoir vraiment envie, quand bien-même la chose serait « techniquement » possible est une des pires choses qui soit. Elle détruit à terme la relation.

On ajoutera à ces diverses erreurs un paquet d'interdits divers et variés, baptisés souvent « concessions ». Ce mot faisant moins peur qu'« interdits ».

Enfin, ce qui n'arrangera rien, on proclamera la relation à la face du monde. En introduisant ainsi toutes sortes de pressions extérieures sensées avaliser et donner des forces à ce qu'on aura baptisé du nom de « couple » ou « amour ».

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 février 2014

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