dimanche 16 février 2014

223 La clé du Paradis et les quatre fléaux

Au début de sa vie, l'être humain vit en symbiose, fusion, osmose avec son environnement maternel. Sa mère, il vit dedans elle, dans la chaleur de celle-ci, à l'écoute de son cœur, sa respiration, ses bruits internes, la circulation de son sang. Entend sa voix. Ressent ses émotions. Soudain, un jour, un bouleversement survient. Il est terriblement comprimé. Des secousses lui font parcourir une sorte de couloir de chair. Et il sort par un orifice dans un environnement nouveau. A l'odeur, il sent quelque chose d'intéressant qui l'attire irrésistiblement. Sur une surface chaude et familière il rampe très vite vers deux masses élastiques. Colle sa bouche sur le bout dur d'une de celles-ci, suce et reçoit dans la bouche un liquide tiède et délicieux. Et puis, très vite, on commence à détacher le nouveau venu de son environnement. Où sont également présents les autres humains qu'il découvre. On le lave. Et au lieu de sentir son odeur corporel, il commence à puer le savon. Odeur qu'on lui fera aimer comme synonyme de propreté. On l'habille. Et on va lui apprendre que certaines parties de lui et des autres sont prohibées, interdites à la vue et au toucher. Même au toucher sur soi-même. Il en est de même pour ses familiers excréments et sa familière urine avec lesquels on lui interdit le contact, voire jouer avec ou y gouter. Les interdits, règles, habitudes, traditions, lois pas toujours compréhensibles ni justifiées vont s'abattre en avalanche sur lui. Il subira un sevrage tactile plus ou moins violent.

Ce faisant, à travers son histoire, il perdra progressivement confiance en lui et ses frères et sœurs, les autres humains. Il se sentira solitaire, insatisfait, malheureux. Sans forcément penser qu'il est malheureux. Et cherchera à retrouver ce qu'il a perdu.

Dans sa recherche il va rencontrer tôt ou tard quatre pièges, quatre fléaux : l'argent et la « propriété », le sexe arbitraire et artificiel, la violence et le mensonge.

Pour des raisons psychologiques intéressantes à étudier, l'acquisition de l'argent et la « propriété » en général, vaudront pour lui apparence de satisfaction de sa carence « confiancière ». Posséder plein d'argent deviendra même pour certains une véritable obsession, une maladie que Aristote a nommé il y a 2300 ans la « chrématistique ». Les malades atteints de cette maladie dominent aujourd'hui le monde. On peut la rencontrer aussi à des niveaux de responsabilités moindre. 

Le second fléau : le sexe arbitraire et artificiel est un fléau insidieux, une sorte de poison subtil et difficile à identifier. Il vient perturber la vie de quantité de gens, y compris pleins de bonne volonté. Il consiste en la recherche de la compensation du manque tactile par une relation dont le but est le coït. Une relation en quelque sorte codifiée, ritualisée. Alors qu'on ne désire pas le coït, on va considérer qu'il faut, qu'il est bien, nécessaire, inévitable d'y arriver dans certaines circonstances. Par exemple, si on est « officiellement » amants et au lit. Or, il n'y a rien de plus efficace à terme pour détruire une relation entre humains que faire l'amour sans en avoir effectivement envie. Cette envie, quand elle est authentique, peut être qualifiée comme s'exprimant à travers un désir particulier correspondant. Et non une habitude issue de la pratique d'une idée intellectuelle acquise. Idée consistant à se dire : « bon, là, on y va, c'est le moment ». « Ça ne peut pas faire de mal. » « Ce serait dommage de ne pas saisir l'occasion. » « De toutes façons, l'autre en a envie. » « C'est mon rôle d'agir ainsi. » Techniquement ça peut marcher, du moins durant un certain nombre d'années. Mais le reste ne suit pas. Il s'agit d'une sorte de boulimie particulière. Pour l'identifier et la rejeter - non pas rejeter l'acte sexuel bienvenu mais son imitation artificielle d'origine culturelle, - il m'a fallu quatre décennies. Non sans mal j'y suis arrivé. Quand on cesse de suivre ici la tranchée de la pensée unique, on trouve la clé du Paradis. La porte n'est pas d'emblée là, mais on abandonne un impasse qui ne mène qu'à des désillusions.

Étrangement, dans ce domaine en agissant ainsi on sort du lot commun de la multitude. On commence à voir alors le monde différemment. On cesse de partager la manière générale de penser de la masse affamée alentour. On n'a plus d'intentions à l'égard de jolies personnes rencontrées. On vit simplement l'instant présent. On rend au coït sa petite place dans la vie. Et on quitte l'importance hypertrophiée qu'il a dans la culture régnante dans notre Civilisation. C'est assez bizarre comme sensation de quitter un ensemble d'illusions qu'on a poursuivi durant de nombreuses années. Et partagé avec son entourage, sans l'avoir vraiment jamais choisi. Perdre des illusions, c'est parfois un peu douloureux. Mais c'est surtout s'enrichir. Se libérer. Et s'ouvrir au monde et ses opportunités.

Le troisième fléau mentionné est la violence. Quand on souffre et ne comprend pas ce qui nous arrive, la violence est une tentation facile. « C'est la faute aux autres ! » « Toutes des salopes ! » « Mais, que veulent donc les femmes ? » « L'amour, quel fléau ! » Sont autant de cris du cœur, qui témoignent de la détresse et l'incompréhension des causes de notre souffrance. La violence peut aussi être « physique » : suicide, meurtre, etc. En amour, les humains font souvent de grands efforts pour faire leur malheur. Et ces efforts sont récompensés. La violence ne mène à rien.

Le quatrième fléau est le mensonge. On croit qu'on va arranger les choses de l'amour en mentant. On n'insistera jamais assez sur les conséquences déplorables et dévastatrices de la pratique du mensonge. Combien d'humains croyant bien faire et se rendre plus efficaces dans leur quête de l'amour n'arrêtent pas de mentir ? Ce n'est pas ainsi qu'ils trouveront ce dont ils ont besoin.

J'ai eu la chance de rejeter très tôt le mensonge de ma vie. J'ai toujours eu horreur de la violence. J'ai, par chance, fruit de la culture aristocratique de mes aïeux, été toujours assez indifférent à l'envie de posséder de l'argent et de la « propriété ». En revanche, j'ai mis beaucoup de temps à me débarrasser du quatrième fléau : le sexe arbitraire et artificiel. Je serai heureux si ce texte peut aider quelques-uns de mes lecteurs à parvenir plus rapidement à se libérer de ce fléau. Et trouver ainsi la clé du Paradis.

Basile, philosophe naïf, Paris le 16 février 2014
 

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