Un homme commet une ou
plusieurs agressions sexuelles. On le condamne à une peine de
prison. Voire à l'emprisonnement à vie en cas grave. Et on déclare
l'affaire conclue : il s'agissait d'un monstre. On l'a attrapé,
neutralisé, puni. Et pour remédier à la répétition de tels
crimes, on compte sur la dissuasivité de la peine et à long terme
sur « l'éducation » mieux faite des futurs générations
d'adultes. Ainsi, sans en avoir l'air, on a simplement escamoté le
débat sur le patriarcat.
Quand un homme commet un
crime sexuel, on peut certes dire par dégoût que cet homme est « un
monstre ». Mais en fait il ne s'agit pas exactement de ça. Il
s'agit précisément d'un représentant très classique du
monstrueux patriarcat. Ce qui explique qu'il a souvent droit à
la plus extrême mansuétude de son entourage. Il n'est pas rare que
quand une affaire de crime sexuel éclate, on réalise qu'une quantité
de gens était au courant et n'ont rien dit ou fait en réaction.
Pourquoi ? Parce que le patriarcat est omniprésent. Il ne
reconnaît pas à la femme le statut d'être humain. C'est juste de
la terre, un meuble dans la vie des hommes. Peut-on manquer de
respect à de la terre ou à un meuble ? Bien sûr que non.
Quant à faire évoluer la société avec « l'éducation »,
c'est également une manière de poser le problème qui n'est pas
bonne. Il faut débarrasser la société du patriarcat par des
mesures concrétés, telle que l'égalité des salaires pour les
hommes et pour les femmes exécutant un même travail, la
reconnaissance et la rémunération du travail gestationnel, maternel
et domestique et la retraite confortable correspondante, etc. Sinon
quelle école pourra prétendre enseigner l'égalité dans une
société inégalitaire ?
Sans rire on prétend
qu'il existe des droits des femmes. Non, il existe des droits humains
communs aux hommes et aux femmes. Droits qu'il importe de mettre à
niveau.
Se poser le problème du
patriarcat est facile et aisé. Mais poser le problème du
patriarcat, c'est-à-dire celui de s'en débarrasser est moins
évident pour beaucoup. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'une
structure fondamentale et très ancienne de notre société. La
remettre en question amène la crainte de voir s'effondrer tout
l'ensemble. Alors on va critiquer mais pas trop. Dire que ce sera
réglé après notre mort. Et on va se défier de ceux ou celles qui
veulent vraiment changer et sans délai la situation. Critiquer le
patriarcat ? Oui. Supprimer le patriarcat ? Pas tout de
suite. Tel est de facto la position de nombre de gens y compris de
certaines femmes. Pour comprendre leur raisonnement, c'est comme si
quelqu'un critique l'argent ou l'état. Si on lui dit : « on
va supprimer l'argent » ou « on va supprimer l'état »,
le critique pourra paniquer. Car il tient aussi à l'argent ou à
l'état ne serait-ce que parce qu'il y est habitué. Et s'il aime
critiquer, il a quand même peur du changement. Avec le patriarcat
c'est pareil. Il y a des personnes qui aiment le critiquer mais ont
également peur du changement, quel que soit sa direction apparente.
C'est pourquoi des personnes qui sont conscientes de souffrir du
patriarcat et critiquent celui-ci n'ont au fond aucune envie qu'il
disparaisse. Si ce n'est dans vraiment très longtemps. En résumé :
elles préfèrent un inconfort habituel à un changement qui leur
fait peur.
La critique si c'est pour
briller en société, écrire des articles ou des livres, ça leur
convient. Mais si c'est pour changer la vie quotidienne, surtout pas
ça ! Tel est leur credo. C'est pourquoi il n'est pas rare de
voir des hommes et des femmes qui critiquent le patriarcat, avoir
dans leur vie à eux un comportement tout à fait respectueux du
patriarcat. En résumé : « faite ce que je dis, ne faite
pas ce que je fais. » Il est simple et facile de critiquer la
notion de pudeur vestimentaire et déclarer que la nudité n'est pas
sexuel. C'est plus dur de sortir tout nu dans la rue. Je caricature à
peine ces bavards. Ils pondent des discours et des livres où ils
expliquent ce qui ne va pas dans la relation entre les hommes et les
femmes dans notre société. Mais sur le plan pratique ils font le
contraire de ce qu'ils préconisent. Et ils n'aiment vraiment pas
ceux qui veulent réellement que ça change.
Basile philosophe naïf,
Paris le 18 mai 2018
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