Quand un amour, y compris
parfois à peine esquissé, est contrarié, déçu, il arrive que
l'amoureux ou l'amoureuse sombre dans le désespoir. Pense à se
tuer. Voire à tuer l'autre. Ou bien à tuer l'autre et se tuer
ensuite. Passe ou tente de passer à l'acte. Ce trouble passionnel
pouvant toucher des personnes habituellement plutôt calmes et
tranquilles. Pourquoi un tel désordre affectif ? Aucune femme,
aucun homme, ne mérite qu'on se tue ou qu'on tue pour elle ou pour
lui. Alors pourquoi tant de drames causés par une très banale et
sans aucune importance absence de complicité amoureuse ?
Pour répondre à cette
question il faut partir du contexte. Depuis plus de dix mille ans
notre société vit sous le régime de la violence patriarcale du
conflit originel. Cette violence, habituelle et omniprésente est
très forte. Mais comme elle s'exerce partout et en permanence, on
finit par ne plus sentir sa présence particulière. Elle semble
s'attacher à la normalité habituelle du monde.
Quand un amour s'esquisse
chez un garçon ou une fille, il tend à lever cette chape de
violence pour initier un oasis de paix. Le contraste est telle avec
le caractère habituel des relations que l'objet de l'amour prend un
caractère fabuleux. L'amoureux ou l'amoureuse est dit « tomber
amoureux ». Tomber veut bien dire ce que ça veut dire.
L'individu tombé n'est plus le même. Il a perdu sa raison tant est
forte l'impression causée par une relation hors conflit. Conflit
dont on ne réalise pas le caractère habituel, dévastateur et
évitable.
Quand l'espoir de paix
via l'amour avec une personne est contrarié, l'amoureux ou
l'amoureuse retrouve la guerre. Et d'autant plus durement qu'il vient
d'apercevoir l'ombre de la paix. Le désespoir qui en résulte peut
être destructeur.
Quand deux « chagrins
d'amour » se succèdent à brève échéance, le suicide peut
sembler une délivrance. Tant le fait d'avoir entraperçu la paix
ainsi deux fois cause une douleur intense. C'est le phénomène de
« la double frappe » dont il faut savoir se méfier, tant
il est dangereux et peut être inattendu.
Le trouble passionnel
causé par l'extinction d'une idylle rêvée, ou qui fut effective,
conduit parfois y compris au meurtre. Il faut comprendre que la
véritable cause du désespoir n'est jamais le refus ou la dérobade
de l'autre, mais la fin de l'esquisse de paix neutralisant l'état de
guerre ambiant. Pour éviter le désespoir il faut éviter de
focaliser son affection sur une même personne. Il faut aimer
quantité de gens, ce qui ne signifie nullement nécessairement
partouzer. L'antidote idéal au chagrin d'amour c'est souvent
l'amitié.
Croire qu'il existe
quelque part un être unique et merveilleux fait pour vous est une
croyance naïve, stupide et dangereuse. Il existe quantité de
personnes avec lesquelles une entente est possible. Ce sont les
conditions réunies pour celle-ci qui manquent le plus souvent, du
fait du conflit originel ambiant. Tant que ce conflit durera il sera
difficile de trouver une personne avec laquelle s'entendre.
Il ne faut pas confondre
l'amour humain avec le triste et stérile fantasme romantique qui
nous est souvent proposé sous ce nom. Et qui ne se rencontre en
vraie réussite que dans les films ou les romans. Si on cherche
« l'amour » il faut se débarrasser de ce fantasme
débile, commencer par s'aimer soi-même, s'écouter, observer, se
méfier des conseils et chercher à comprendre et épouser la
réalité. Combien de personnes ne trouvent rien, parce qu'elles ne
cherchent pas à découvrir la vie, mais cherchent la confirmation de
l'idée à priori qu'ils se font d'elle ? Une chose est
certaine : la vérité n'est jamais semblable au rêve qu'on
s'en est fait. Elle est différente et plus belle. C'est à chacun de
nous qu'il importe de la trouver pour la vivre ensuite avec bonheur.
Basile philosophe naïf,
Paris le 14 mai 2018
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