Dans les années 1960 je
suis tombé par hasard sur un passage d'une page du Nouvel
Observateur qui disait que l'ovulation avait été « découverte
vers 1845 par Pouchet et Négrier ». Par la suite j'ai lu dans
un courrier des lecteurs du même magazine que les hommes ont avant
cela longtemps considéré la femme comme de la terre où l'homme
déposait sa semence. Ces propos sont restés gravés dans ma
mémoire. J'en ai bénéficié pour la rédaction de plusieurs textes
que j'ai rédigé récemment et qui traitent de l'ovulation. La date
de 1845 est erronée. Elle paraît correspondre à la remise d'un
prix de physiologie expérimentale par l'Académie royale des
Sciences de Paris au concours de 1845 pour un livre de
Félix-Archimède Pouchet intitulé Théorie positive de
l'ovulation spontanée et de la fécondation des mammifères et de
l'espèce humaine.
L'essentiel reste en tous
cas que la description scientifique de l'ovulation féminine date
bien des années 1840. Faisant manifestement allusion notamment à
cela, Jules Michelet écrit en 1870 page 8 de son ouvrage monumental
intitulé L'Amour : « L'objet de l'amour, la femme
en son mystère essentiel, longtemps ignoré, méconnu, a été
révélé par une suite de découvertes, de 1827 à 1847. »
La date de 1827 m'a
intriguée. Je me suis demandé à quoi elle correspondait. Je me
suis aussi demandé à quoi correspondait la date de 1847. J'ai
cherché sur Internet. Et j'ai appris que c'est en 1827 que le savant
estonien Karl Ernst von Baër découvre l'ovule. En
1827, Karl Ernst von Baër publie pour l'Académie des sciences de
Saint-Pétersbourg le résultat de ses recherches et sa découverte
de l'ovule des mammifères. Il s'agit d'un ouvrage en latin édité à
Leipzig et intitulé Ovi Mammalium et Hominis genesi (L’œuf
des mammifères et la genèse des hommes).
En 1870, pages 447 et
448, de son ouvrage intitulé L'Amour, l'historien Jules
Michelet fait l'historique de la toute récente découverte de
l'ovule et l'ovulation dans l'espèce humaine :
C'est
sur des observations toutes nouvelles et personnelles que l'Allemand
Baër (le germano-balte Karl Ernst von Baër), en 1827, établit
l'existence de l’œuf (l'ovule) de la femme, et que le Français
Négrier, en 1831 et 1838, montra que chaque mois l’œuf mûrit,
déchire son enveloppe et se fraye sa route de l'ovaire à la
matrice.
Le
grand livre de Pouchet (Ovulation spontanée, 1842, 1847)
établit sur une base systématique la loi de génération, montrant
par les faits analogues, observés dans toutes les classes d'êtres,
non-seulement que cette loi était telle dans l'espèce humaine, mais
ne pouvait être autre.
La
loi, posée par Pouchet, en y joignant les modifications qu'y font
Négrier et Raciborski (mémoire couronné par l'Académie des
sciences) et les observations inédites de M. Coste, établit que
la conception a lieu au moment où l’hémorragie annonce
l'apparition de l’œuf, c'est-à-dire qu'elle a lieu pendant les
règles, et aussi un peu avant ou un peu après. Donc il y aurait
stérilité pendant une partie du mois ?
En 1870, Jules Michelet
parle et vulgarise ces découvertes majeures de la Science. En 2018,
leur histoire est remarquablement discrètement propagée. Il n'y a
guère que des étudiants en médecine intéressés par l'histoire de
la biologie qui en entendent parler dans des cours spécialisés.
Comment cela se fait-il ? Ce n'est pas le fruit du hasard, de
l'oubli, de la négligence. C'est visiblement très volontaire. Et
très malignement fait. On « oublie » la découverte de
l'ovule quand on parle de von Baër. On insulte Pouchet en le
traitant de « faux savant »... Pourquoi ces
falsifications habiles ? Parce que la découverte de l'ovule et
de l'ovulation humaine ruine les bases du patriarcat !
Basile philosophe naïf,
Paris le 6 mai 2018
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