Il y a trente ans, suite
à un stage de massages, j'ai commencé à étudier le toucher et
chercher à l'analyser, le comprendre. En 1988, j'ai rencontré un
toucher particulier, que j'ai mis des années à identifier, m'y
entrainer. A présent, je sais que tous mes efforts n'ont servit à
rien, en tous cas pas à grand chose. Juste à réaliser à quel
point notre société est vide tactilement. Et à quel point la
plupart des gens sont des analphabètes tactiles. Ils ne savent pas
toucher les autres. En ont peur. Assimilent le toucher au sexe et au
viol. Si on effleure un inconnu dans le métro parisien, il faut
s'excuser aussitôt. En revanche, si on aperçoit un chat ou un chien
inconnu sur son chemin, à moins qu'il ne fuit, mord ou griffe, on
peut le caresser, si on veut. Les chats et les chiens sont mieux
traités par les humains que les humains.
A cette ignorance
tactile, fruit empoisonné de notre culture, s'ajoute un consumérisme
imbécile dans le domaine du cul. A écouter un grand nombre de gens,
pas forcément les plus grossiers de prime abord, les humains
seraient des objets de consommation. A tout prendre, il serait
raisonnable de choisir les plus « appétissants » pour
les consommer. Résultat de ce délire imbécile, les femmes et les
jeunes filles sont littéralement harcelées en permanence par des
troupeaux d'imbéciles ahuris de sexe masculin.
Enfin, quand des humains
acceptent de se rapprocher « physiquement », loin de
donner, la plupart du temps, ils souhaitent commercer. « J'écarte
les jambes et accepte ta pénétration en échange de la sécurité
morale et matérielle et de la disposition exclusive de ton pénis et
tes caresses. » On appelle ça « être sérieux ».
Bien sûr, on ne parle pas de commerce. Mais c'en est bien un. Une
forme de prostitution réciproque où on s'engage à troquer
l'intimité sexuelle contre des garanties matérielles, morales,
sociales, idéologiques, physiques, ou autres, un tas de choses
diverses.
Comme le sexe n'est pas
une marchandise comme les autres, mais relève de la
physiologie humaine, l'organisme finit par se cabrer face à des
exigences insupportables. L'homme arrête de bander, la femme de
jouir. Il y a « désaccord sexuel ». En fait, il y a
désaccord tout court et depuis le début. On se sépare, ou plus
exactement, on prend acte qu'on n'a jamais vraiment été ensemble.
L'indépendance
matérielle des femmes leur permette de mettre un terme à des
situations qui, il y a quelques décennies, perduraient. La femme qui
n'avait nulle part où aller restait, l'homme n'arrivait pas à
sortir de la situation. Il restait de longues heures au bistro,
retardant le moment du retour au foyer où il retrouvait une femme à
laquelle il n'avait rien à dire. Voire même qu'il frappait.
Notre époque encense
paraît-il le mariage. Mais on n'a jamais vu autant de divorces, de
séparations et de personnes déclarant « souffrir de la
solitude ».
Existe-t-il des solutions
pour améliorer cette situation de souffrances ? Je n'en sais rien.
J'en doute. Car loin de vouloir chercher des solutions, se remettre
en question, la plupart des personnes souhaitent voir triompher
« leurs solutions » et que les autres se
remettent en question ! Il n'y a pas de bonne volonté visible.
Chacun se dit qu'il a raison et que les autres n'ont qu'à se rallier
à son opinion.
Savoir bien vivre sa
solitude commence par réaliser à quel point d'autres vivent mal
« la solitude à deux ». Savoir se passer de caresses
commence par réaliser à quel point on manque peu de choses vu
l'analphabétisme tactile régnant. Il y a tant de belles et bonnes
choses possible en dehors des pièges de « l'amour » et
des escrocs de la tendresse des deux sexes. La vie est belle, à
condition de ne pas s'obstiner dans des impasses très rutilantes et
de grand prestige.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 4 mai 2016
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