Sur Internet je suis
tombé sur un mot sur le sens duquel j'ai voulu faire ma petite
enquête : « incestuel ».
Travaillant sur
« l'inceste » un psy français a inventé ce terme. Par
« incestuel » il voulait définir un climat familial où,
sans qu'il y ait acte de chair entre personnes apparentées de
manière proche, diverses souffrances naitraient de ce climat.
L'idée paraît
intéressante. Reste comment on la traite. Voilà un site Internet où
un psy déballe ses cas cliniques et où il les explique. Un enfant
perturbé auquel il a à faire n'arrête pas de dessiner des zizis.
Et il est très gêné par la vue du zizi de son grand père qui se
balade à poil tout le temps et en présence de son petit fils.
J'abrège le reste, où le psy fait l'apologie de la pudeur,
consistant à se cacher pour se laver, pisser ou chier.
Le psy intervient et
prohibe toutes les manifestations intra-familiales de cette absence
de « pudeur ». Le grand père va se rhabiller. On ferme
la porte des toilettes quand on pisse ou chie. Et le petit garçon
perturbé va beaucoup mieux. Il cesse de dessiner des zizis sans
arrêts et travaille mieux à l'école. Va mieux en général...
D'où, notre vaillant psy
déduit que la pudeur, rebaptisée à l'occasion « intimité »,
il n'y a rien de tel pour être équilibré. Sauf qu'en concluant son
travail ainsi, il passe à côté du vrai problème. Il est comme ces
médecins qui déclarent qu'on peut sans mal pour sa santé boire une
certaine quantité de boissons alcoolisées. Renseignement pris,
cette quantité est exactement équivalente à celle qu'ils
s'autorisent eux-mêmes à boire.
La « pudeur »
en question, dont ce psy vante la légitimité, c'est celle qui
l'arrange lui, dans sa vie.
Au passage, il dit qu'à
un âge plus avancé, il est normal de rencontrer la nudité, pour
pratiquer le sexe...
La question que ce psy
refuse de poser est la plus simple qui soit : « pourquoi ce
petit garçon éprouvait de la gêne à voir son grand père nu ? »
La simple nudité n'a
aucune raison de choquer un petit enfant auquel on n'a pas encore
bourré la tête en lui expliquant qu'il faut la cacher au regard des
autres. Mais elle gêne un enfant dans un cas précis. Il s'agit de
l'intention. Être nu est complètement innocent. C'est notre état
naturel. La perversion consiste à se cacher. Et plus la partie
cachée est réduite, plus c'est obscène. Un minislip de bain
moulant le « service trois-pièces » masculin est
parfaitement ignoble.
Si nous sommes en tenue
naturelle, c'est-à-dire sans vêtements, ça ne choque personne, si
les préjugés de la société ne sont pas passés par là. En
revanche, il est une façon d'assumer cette tenue qui est
parfaitement dérangeante. C'est l'exhibitionnisme.
J'ai pris au moins trente
ans pour répondre à une question que je me suis posé un jour. Ma
mère quand j'étais petit, se baladait à la maison comme ce grand
père. Et la vue de son sexe me dérangeait horriblement. Je n'en
disais rien. Elle n'était pas nue, mais en bas souvent ne portait
rien.
J'ai compris l'origine de
cette gêne en faisant le rapprochement avec un propos de mon père.
Dans la porte de notre salle de bains il y avait plusieurs petits
trous. Un jour, en se marrant, mon père explique qu'à treize ans,
mon frère aîné les a foré pour espionner ma mère quand elle
prenait son bain. Il trouve ça drôle, mon père ! C'est exactement
ce qu'on appelle un climat incestuel. Pas d'acte sexuel, mais des
comportements douteux. En particulier celui de rire de cette histoire
de porte forée et ne rien trouver, mon père comme ma mère, de
dérangeant à cette histoire.
J'en ai déduit qu'en
fait les évolutions déshabillées de ma mère procédaient d'une
forme d'exhibitionnisme. Et cela, je le sentais, étant enfant. C'est
ce qui me dérangeait. Pas la nudité, qui est innocente par
elle-même, mais l'intention exhibitionniste, qui procède de notre
culture. Culture où à la nudité on colle une qualité « sexuelle »
impérative qu'en fait elle n'a pas
J'ai eu l'occasion de
ressentir de manière forte l'innocence de la nudité authentique à
diverses reprises.
Un soir j'étais au bord
de la plage de Palavas-les-Flots. Elle était déserte, excepté une
jeune femme et ses deux petits enfants. Je les observais. Et trouvais
sans comprendre pourquoi, la jeune femme fascinante.
Et j'ai compris la raison
de cette fascination. Cette jeune mère évoluait seins nus sur la
plage, ramassant les affaires de ses deux enfants, et le faisait avec
le plus parfait naturel. Elle était seins nus sans être mal à
l'aise. Comme c'est souvent le cas en France, pour ce que j'ai vu,
avec les femmes seins nus sur la plage. Elles passent le temps à
être ennuyées par l'exposition de leurs mamelles au regard des
hommes. Que de fois n'en ai-je vu debout croisant les bras, pour
dissimuler leur poitrine ! Ou restant le plus longtemps possible
allongées sur le ventre. En fait, ces femmes ne sont pas dans la
nudité innocente, originelle, en quelque sorte, mais dans la nudité
intentionnelle. Vous voyez mes seins, je suis seins nus, regardez...
Ça n'était pas le cas de cette femme. Peut-être parce que c'était
le soir et qu'elle avait pour tout public proche ses deux petits
enfants. J'étais loin.
Cette vision de la nudité
originelle, je l'ai éprouvé une autre fois, il y a des années,
lors d'une représentation au théâtre de la Cité universitaire à
Paris.
Pour je ne sais plus
quelle raison, à un moment donné, face à moi s'est assise une
jeune femme sur le bord de la scène. Elle portait une jupe assez
courte, tenait ses cuisses assez écartées. Et là j'ai constaté
qu'elle ne portait rien en dessous et son sexe était parfaitement
visible. Or, manifestement elle ne s'était pas aperçue de ce
qu'elle laissait voir ainsi. Elle n'en avait pas conscience. Ce
spectacle était d'une douceur incroyable. En ce sens que cette jeune
femme laissait voir son sexe avec l'innocence d'un bébé. Elle
n'avait aucune intention et c'est ce qui faisait le charme de cette
situation, ce spectacle anatomique dans sa forme totalement inédite
pour moi. Et que je ne ressentais absolument pas comme érotique ou
pornographique. L'intention de la personne qui montre ou laisse voir
est essentielle pour la perception de celui ou celle qui regarde.
Si la personne est gênée
ou cherche à vous montrer quelque chose, cela crée un malaise.
Malaise plus ou moins bien vécu. Quand on est enfant, il est très
mal vécu.
Chercher à exhiber son
« corps », son sexe, est un comportement malade,
déséquilibré, qu'on a baptisé exhibitionnisme. Mais chercher
obsessionnellement à cacher son corps, son sexe, est aussi un
comportement malade, déséquilibré : c'est du dissimulationnisme.
Chercher à regarder à tous prix le corps, le sexe d'une autre
personne, c'est du voyeurisme. Chercher à tous prix à éviter de
regarder le corps, le sexe d'une autre personne, c'est de
l'aveuglisme.
Le dissimulationnisme et
l'aveuglisme n'ont jamais à ma connaissance été qualifiés en tant
que tels. Car ces comportements malades s'accordent parfaitement bien
avec la morale malade de notre société malade.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 28 septembre 2014
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