mardi 24 octobre 2017

866 Sortir de la situation de « mariage généralisé »

Aujourd'hui une sexagénaire très gentille s'est exclamé devant moi, proférant un point de vue souvent entendu dans notre société : « Au fond, on est toujours seule ! » Mais d'où vient la banalité de ce propos triste ? Qu'est-ce qui suscite de tels points de vue ?

Je me suis empressé de faire à cette dame deux remarques : l'une, qu'on ne doit pas confondre la solitude avec le sentiment de solitude. L'autre, que les personnes présentées comme des « modèles » de bonheur à deux n'en ont souvent que les apparences. Ce avec quoi elle a été d'accord.

Un important malaise général existe néanmoins. Il faut savoir identifier ses sources. Une anecdote récente peut nous éclairer à ce propos. Une actrice de cinéma célèbre racontait qu'étant agressée sexuellement par un homme, pour se défendre elle s'était écriée : « mais je suis amoureuse ! J'ai un amoureux ! » La portée théoriquement dissuasive d'un tel propos souligne un aspect sinistre de notre société. Si pour échapper à un dangereux malappris une femme doit arguer qu'elle n'est pas « seule », ça signifie que toutes celles qui sont « seules », c'est-à-dire non pourvues visiblement d'un partenaire sexuel régulier, sont « à la disposition de tous les hommes ». Voilà la vérité. Cette manière de mépriser les femmes peut être rapproché de l'impossibilité aujourd'hui pour une jolie fille de se balader seule dans un grand jardin parisien sans se faire systématiquement emmerder par des imbéciles.

Il y a quelques années, un ami qui passait des journées entières au jardin du Luxembourg pour y peindre des aquarelles, me rapportait sa stupéfaction. Il avait constaté qu'il y avait des hommes qui passaient leur temps à tourner dans le jardin et importuner systématiquement toutes les jeunes filles qui étaient assises seules sur un banc.

Une dame, plus très jeune, m'a dit il y a peu d'années : « j'ai renoncé à aller lire seule au parc des Buttes Chaumont. J'étais systématiquement abordée et ennuyée. »

Une très jolie fille de mon quartier me vantait un jour le petit square voisin : « au moins là je peux aller me reposer seule sans me faire embêter... »

Une belle dame septuagénaire parisienne me disait dernièrement : « à partir de l'âge de treize ans je n'ai plus pu aller seule acheter le pain tranquille. »

La situation générale des femmes dans notre société française et parisienne et dans d'autres lieux aussi, est qu'elles sont en quelque sorte de facto mariées d'office avec tous les hommes. La volonté de ces femmes important peu. Si elles ne sont pas visiblement « en couple » elles sont « bonnes à prendre ». Et donc à emmerder. Cet état de choses pourrit l'atmosphère, perturbe et souvent interdit les relations entre hommes et femmes.

Cette situation de mariage généralisé a une origine : le comportement masculin. Les hommes, quand ils sont encore des jeunes garçons, découvrent la masturbation masculine adulte, c'est-à-dire comportant l'éjaculation. La masturbation va devenir très souvent pour eux une véritable drogue qui va les accompagner ensuite tout le long de leur vie. Le ressenti accompagnant l'éjaculation sera comme le flash de drogue du toxicomane consommateur de substances hallucinogènes de synthèse. Un homme pourra se masturber au cours de sa vie jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de fois. Qu'on ne prétende pas que cette pratique n'a pas des conséquences sur son comportement sexuel !

À partir d'un certain âge le garçon va porter au pinacle la masturbation pratiquée dans un orifice naturel d'un tiers. Il croira ainsi à chaque fois « faire l'amour ». La recherche de la masturbation intra-vaginale, intra-anale ou intra-buccale deviendra pour lui une sorte d'obsession. Elle sera confortée par la recherche du pouvoir et divers mythes sexuels.

Ne dit-on pas qu'un homme qui pénètre avec son pénis le vagin d'une femme qu'il « la prend », « la possède », qu'elle « lui appartient » ? Certains hommes d'habitude plutôt pacifiques peuvent se révéler extrêmement violents s'ils apprennent qu'un autre homme a couché avec leur partenaire sexuelle habituelle.

Le célèbre fabuliste français Jean de la Fontaine disait à propos de « l'infidélité » conjugale : « mes amis, qu'est-ce que le cocuage ? Quand on l'ignore ce n'est rien. Quand on le sait, c'est peu de choses. » Je cite de mémoire.

L'idée de possession sexuelle est liée à l'idée de pouvoir. Quant aux mythes, ils sont multiples : par exemple celui du bonheur qu'apporterait toujours et automatiquement l'acte sexuel.

L'agressivité sexuelle permanente des hommes vis-à-vis des femmes considérées comme des proies potentielles permanentes va bloquer la communication entre les hommes et les femmes. Les gestes de tendresse étant interprétés systématiquement comme des invitations sexuelles se retrouveront la plupart du temps bannis.

Il faut sortir de l’ambiguïté du « mariage généralisé ». Peut-être ça pourra se faire par un accord de non-mariage. Deux personnes se déclarant publiquement non-mariées et non-femme et non-mari. La proposition pourra paraître étrange. Elle reste à étudier. Ce qui est certain c'est que la situation présente de mariage généralisé est dévastatrice, sauf peut-être pour quelques-uns.

Imaginons que ma proposition soit suivie, se concrétise. Demain me voilà non-marié avec une ou plusieurs femmes. Ce qui signifie que je renonce avec elles à ce faux privilège qui serait celui de courir en permanence après toutes les femmes. Je suis le non-mari de mes non-femmes... Et le contrat de non-mariage est l'occasion de réaliser une très belle fête de non-mariage.

Le contrat de non-mariage pourra être calligraphié sur une belle feuille de papier. Chacune des personnes concernées en recevant un exemplaire. Un lieu sympathique pourra être choisi pour la cérémonie de non-mariage, un bar, un café associatif, par exemple. Un registre de non-mariages pourra y être conservé.

Il ne s'agit ici ni d'une critique ni d'une parodie du mariage classique, mais d'autre chose. Une libération des rapports humains des chaînes de l'envahissant patriarcat. Celui-ci, au nom de privilèges masculins bien souvent imaginaires, empêchant des bonnes relations de s'établir entre représentants des sexes opposés.

Le contrat de non-mariage n'est au fond pas autre chose qu'un contrat de paix. On rentre les griffes, on fait pattes de velours et on décide de vivre en paix. C'est-à-dire de vivre enfin. Et alors oui, plus personne ne sera tenté de s'exclamer : « au fond on est toujours seul ! »

Notre société française et parisienne et pas seulement elle, derrière la farce d'une soi-disant liberté sexuelle, promeut une solitude sentimentale, physique et affective intense. Des millions de personnes, y compris jeunes, belles et en bonne santé souffrent du sentiment de solitude... Je lisais récemment un article qui déclarait que trente pour cent de la jeunesse étudiante française se plaint de souffrir de la solitude. Il existe un vrai malaise relationnel qui mérite d'être soigné avec des moyens efficaces. Les tranquillisants l’endorme, mais ne le soigne pas. Pour y remédier, si on tentait le non-mariage ? Parlons-en ! 

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 octobre 2017

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